Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 février 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de la 27ème section de l'unité départementale de la Moselle a autorisé son licenciement pour motif économique, ainsi que la décision implicite née le 21 juin 2016 du silence gardé par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur son recours hiérarchique.
M. C... B... a également demandé à ce tribunal administratif d'annuler la décision du 23 février 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de la 27ème section de la Moselle a autorisé son licenciement pour motif économique et la décision du 19 août 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement no 1604829 et n° 1606620 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2018 et le 24 février 2020, M. C... B..., représenté par la SCP Petit et Blindauer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 23 février 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de la 27ème section de l'unité départementale de la Moselle a autorisé son licenciement pour motif économique et la décision implicite née le 21 juin 2016 du silence gardé par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur son recours hiérarchique ;
3°) d'annuler la décision de la ministre du travail et de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 19 août 2016 confirmant sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail n'est pas motivée en fait ; en outre, l'inspecteur du travail s'est fondé sur un motif qui n'était pas invoqué par l'employeur ;
- l'inspecteur du travail est tenu de vérifier la légalité de la cause économique du licenciement ; la circonstance que l'employeur réorganise l'emploi avec l'autorisation du pouvoir réglementaire ne dispensait pas l'inspecteur du travail de vérifier la cause économique du licenciement ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- en l'absence de secteur marchand, le licenciement ne peut être regardé comme intervenant dans le cadre d'une réorganisation en vue d'assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; aucune difficulté économique n'avait été invoquée par l'employeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
1. M. B..., médecin, a été engagé, par contrat à durée indéterminée, à compter du 18 octobre 2018 par l'association Hospitalor au sein du service autonome de santé au travail pour assurer les fonctions de médecin du travail. En 2012, à la suite d'une réorganisation, la gestion de l'association Hospitalor a été reprise par le groupe SOS. Par une décision du 25 novembre 2015, prise sur demande du groupe SOS, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a mis fin aux agréments des services de santé au travail autonomes des groupes SOS Santé et SOS Seniors, dépendant du groupe SOS. Par une décision du 9 décembre 2015, le groupe SOS a demandé l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. B... au service de santé inter-entreprises de Creutzwald à compter du 1er janvier 2016. Par une décision du 23 décembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé cette demande au motif qu'il n'existait pas de transfert d'une entité économique autonome. Par une demande du 3 février 2016, le groupe SOS a alors sollicité l'autorisation de licencier M. B... pour motif économique en raison de la fermeture du service de santé au travail autonome d'Hospitalor. Après avis favorable du médecin inspecteur du travail du 5 février 2016, sollicité en application de l'article L. 4623-5 du code du travail, l'inspecteur du travail a autorisé, par une décision du 23 février 2016, ce licenciement. Le recours hiérarchique de M. B... a été rejeté par une décision de la ministre du travail du 19 août 2016. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 23 février 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique et de la décision implicite née le 21 juin 2016 du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique et d'une seconde demande tendant à l'annulation de cette même décision de l'inspecteur du travail et de la décision du 19 août 2016 par laquelle la ministre du travail a expressément rejeté son recours hiérarchique. Par un jugement du 4 juillet 2018, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision implicite de rejet du recours hiérarchique :
2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. B... à l'encontre de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique au motif que la ministre du travail s'est explicitement prononcée sur son recours par une décision du 19 août 2016, intervenue avant l'expiration du délai de quatre mois prévu par l'article R. 2422-1 du code du travail. M. B... ne conteste pas devant la cour l'irrecevabilité qui lui a été ainsi opposée par les premiers juges. Par suite, ses conclusions, réitérées devant la cour, doivent être rejetées.
En ce qui concerne les autres décisions en litige :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 4622-1 du code du travail : " Les employeurs relevant du présent titre organisent des services de santé au travail ". L'article L. 4622-5 du même code dispose : " Selon l'importance des entreprises, les services de santé au travail peuvent être propres à une seule entreprise ou communs à plusieurs ". Aux termes de D. 4622-1 du même code : " Le service de santé au travail est organisé sous la forme : 1° Soit d'un service autonome, qui peut être un service de groupe au sens de l'article L. 2331-1, d'entreprise, inter-établissements, d'établissement ou commun aux entreprises constituant une unité économique et sociale ; / 2° Soit d'un service de santé au travail interentreprises ". Aux termes de l'article D 4622-2 du code du travail : " Lorsque, pour organiser le service de santé au travail, l'entreprise a le choix entre les deux formes de service prévues à l'article D. 4622-1, ce choix est fait par l'employeur ". Aux termes de l'article D. 4622-3 du même code : " Lorsque le comité d'entreprise s'est opposé à la décision de l'employeur, celui-ci saisit le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui se prononce sur la forme du service, après avis du médecin inspecteur du travail ". Enfin, l'article D. 4622-48 du même code dispose que : " Chaque service de santé au travail fait l'objet d'un agrément, pour une période de cinq ans, par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, après avis du médecin inspecteur du travail ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4623-5 du code du travail : " Le licenciement d'un médecin du travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend le service de santé au travail, après avis du médecin inspecteur du travail ". Il résulte de ces dispositions que les médecins du travail bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs et sous le contrôle du juge, d'une protection particulière en cas de licenciement. Lorsque le licenciement d'un de ces médecins est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec l'exercice normal de ses fonctions de médecin du travail. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement. Lorsque cette demande est fondée sur la volonté de l'employeur de réorganiser le suivi médical de ses salariés en mettant fin au service autonome de médecine du travail pour adhérer à un service médical interentreprises, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'association Hospitalor avait mis en place, en vertu des dispositions précitées au point 3, un service autonome de santé au travail pour lequel elle avait reçu un agrément de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). A la suite d'une réorganisation, la gestion de cette association a été reprise par le groupe SOS Seniors, appartenant avec le groupe SOS Santé, au groupe SOS. Une partie du suivi médical des salariés ayant été confiée à une association interentreprises, la DIRECCTE a renouvelé, par une décision du 21 octobre 2013, cet agrément et déterminé le nouveau périmètre du service autonome de santé de l'association Hospitalor portant sur le suivi de 1 831 salariés. Il est constant qu'à la suite d'une demande expresse du groupe SOS, la DIRECCTE a retiré, par une décision du 25 novembre 2015, l'agrément concernant les services autonomes de santé au travail des groupes SOS Santé et SOS Séniors en raison de leur adhésion, à compter du 1er janvier 2016, à un service médical interentreprises. Compte tenu de ce choix de gestion du groupe SOS, fondé sur la faculté que lui offraient les dispositions précitées de l'article D. 4622-1 du code du travail, de supprimer ses services autonomes de santé au travail, notamment celui du groupe SOS Seniors dont relevait M. B..., et d'adhérer à un service médical interentreprises, l'administration n'était tenue que de constater, comme elle l'a fait, l'incidence de ce choix sur l'emploi de M. B..., le respect des garanties prévues dans le cadre d'un licenciement économique, sans avoir à vérifier que cette mesure avait été prise dans le but de sauvegarder la compétitivité du groupe SOS ou son équilibre financier.
6. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le choix effectué par le groupe SOS d'adhérer à un service interentreprises pour le suivi médical de tous ses salariés a eu pour effet d'entraîner la suppression de l'emploi de M. B... et que ce dernier a, par ailleurs, refusé les postes de reclassement qui lui ont été proposés, l'administration ne pouvait qu'autoriser le licenciement de l'intéressé.
7. Il s'ensuit que les moyens invoqués par M. B... tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de l'inspecteur du travail concernant la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'association, de l'erreur de droit que l'administration aurait commise en ne contrôlant pas l'existence d'une menace sur la compétitivité de l'association, et en particulier s'agissant d'un groupe exerçant son activité dans un secteur non concurrentiel, de la nécessité de maintenir l'équilibre entre ses dépenses et ses recettes sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
8. Il ressort du rapprochement de la demande du groupe SOS et de la décision en litige de l'inspecteur du travail que ce dernier n'a pas modifié le fondement juridique de la demande. Par suite et en tout état de cause, le moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et au groupe SOS.
N° 18NC02413 2