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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC02260

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 19NC02260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC Fontaine Champêtre a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est ne l'a pas autorisé à exploiter les parcelles cadastrées ZC 28 et ZC 34 d'une superficie de 8 hectares 25 situées sur la commune de Saint-Pierremont (Vosges).

Par jugement n° 1800464 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juille

t 2019, et des mémoires enregistrés le 19 juillet 2019 et le 16 juin 2020, le GAEC Fontaine Cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC Fontaine Champêtre a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est ne l'a pas autorisé à exploiter les parcelles cadastrées ZC 28 et ZC 34 d'une superficie de 8 hectares 25 situées sur la commune de Saint-Pierremont (Vosges).

Par jugement n° 1800464 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, et des mémoires enregistrés le 19 juillet 2019 et le 16 juin 2020, le GAEC Fontaine Champêtre, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2017 du préfet de la région Grand Est.

Il soutient que :

- la note en délibéré qu'il a présentée en première instance a été visée, mais n'a pas été prise en compte alors que les observations qu'il y avait développées étaient de nature à entrainer l'annulation de l'arrêté préfectoral ;

- cet arrêté est intervenu sans qu'ait été portée à sa connaissance l'existence d'une demande concurrente présentée par le GAEC du Volcan et qu'il ait été mis en mesure de présenter des observations sur celle-ci ;

- la décision a été prise sans qu'il ait été procédé à une comparaison entre la situation des deux exploitations ;

- elle est motivée par un risque de démantèlement du GAEC du Volcan qui n'est pas avéré ;

- il était prioritaire par rapport au GAEC du Volcan ;

- il est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2019, l'EARL du Volcan, qui a succédé au GAEC du Volcan, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel du GAEC Fontaine Champêtre ;

2°) de mettre à la charge du GAEC Fontaine Champêtre le versement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le démantèlement de son exploitation justifiait, au titre des dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, le refus de l'autorisation présentée par le GAEC Fontaine Champêtre ;

- l'autorisation aurait également pu être refusée au motif que les terres que le GAEC Fontaine Champêtre envisage de reprendre sont à plus de 30 km de son exploitation ;

- il n'a pas présenté de demande spécifique concurrente du GAEC Fontaine Champêtre, mais s'est limité à faire valoir les consignes prescrites par le schéma directeur régional des exploitations agricoles ;

- la perte d'excédent brut d'exploitation dont se prévaut le GAEC Fontaine Champêtre qui n'est d'ailleurs justifié par aucune pièce, est sans emport sur le litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Kolbert, président,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour le GAEC du Volcan.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC Fontaine Champêtre a déposé, le 27 juin 2017, au titre de l'exercice de son droit de reprise, une demande d'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZC 28 et ZC 34 d'une superficie de 8 hectares 25, situées dans la commune de Saint-Pierremont (Vosges), et qui, appartenant à l'un de ses deux associés étaient jusqu'alors données à bail rural à M. B..., membre du GAEC du Volcan. Le GAEC Fontaine Champêtre fait appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2017 par lequel le préfet de la région Grand Est a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article R. 731-3 du code de justice administrative, toute partie à l'instance peut, à l'issue de l'audience, adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré et il appartient alors au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision et de mentionner cette production dans sa décision, en application de l'article R. 741-2 du même code. S'il a toujours également la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. Il ressort de l'examen de la note en délibéré produite le 2 mai 2019 par le GAEC Fontaine Champêtre après l'audience du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui l'a visée par le jugement attaqué, que celle-ci ne comportait aucun des éléments mentionnés au point 3 ci-dessus et que par suite, le tribunal administratif n'avait ni à en tenir compte ni à rouvrir l'instruction pour la communiquer aux autres parties. Le moyen tiré de l'irrégularité à cet égard du jugement attaqué doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 décembre 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aux termes de l'article R. 331-5 du code rural et de la pèche maritime : " I.- La commission départementale d'orientation de l'agriculture mentionnée à l'article R. 313-1 peut être consultée sur les demandes d'autorisation d'exploiter auxquelles il est envisagé d'opposer un refus pour l'un des motifs prévus à l'article L. 331-3-1. Dans ce cas, et lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande, l'ensemble des dossiers portant sur ces biens lui est soumis au cours de la même séance. / Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. (...) ".

5. Contrairement à ce que soutient le GAEC Fontaine Champêtre, le GAEC du Volcan n'avait pas présenté de demande d'autorisation concurrente d'exploiter les parcelles litigieuses dès lors qu'il les exploitait déjà et dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'existence d'une telle demande n'aurait pas été portée à sa connaissance avant la réunion de la commission départementale d'orientation de l'agriculture du 12 décembre 2017 qui a examiné sa demande présente un caractère inopérant alors au surplus qu'il ne ressort ni des dispositions précitées de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime ni d'aucune autre disposition que l'administration serait tenue de communiquer au demandeur les observations éventuellement adressées à la commission par le preneur en place.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pèche maritime : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. Ce contrôle a aussi pour objectifs de : 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place (...) ".

7. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du préfet de la région Lorraine-Champagne-Ardenne-Alsace du 27 juin 2016, portant schéma directeur régional des structures agricoles (SDREA) de Lorraine : " 42 - Modalités d'examen des candidatures concurrentes : (...) Les priorités sont organisées différemment lorsque sont en présence des dossiers concurrents exclusivement d'installation, exclusivement d'agrandissement, ou bien lorsque sont en présence des dossiers concurrents d'installation et d'agrandissement. Les cas de reprise de foncier par les propriétaires sur des fonds occupés pour des projets d'installation ou d'agrandissement sont examinés à part. Les groupes de priorité selon les situations sont présentées en annexe 4. (...) ". Les critères utilisés dans le cas de reprise de propriétés familiales non libres sont, en priorité, l'existence d'une étude économique réalisée par le repreneur et le niveau de perte d'excédent brut d'exploitation (EBE) pour le preneur en place. En vertu du D de l'annexe 4, relatif aux situations d'une reprise familiale souhaitée par un propriétaire suite à un congé pour reprise personnelle avec refus du preneur en place de libérer les biens, l'existence d'une perte brute de plus de 3 % de l'EBE pour l'exploitant précédent est de nature à justifier légalement le refus opposé au projet du repreneur.

8. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient le GAEC Fontaine Champêtre, le préfet n'était pas tenu d'établir une comparaison entre son projet et la situation du GAEC du Volcan afin de déterminer leurs rangs de priorité respectifs dès lors qu'il n'était pas saisi de demandes concurrentes mais d'une demande d'autorisation portant sur un fonds déjà occupé par un preneur en place et relevant donc exclusivement des modalités d'appréciation énoncées au point 8 ci-dessus.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté du 18 décembre 2017, que, pour refuser l'autorisation demandée, le préfet a tenu compte de l'étude économique réalisée par le GAEC du Volcan, preneur en place, qui a établi que l'amputation d'une superficie de 8 ha 25 entraînerait, pour ce dernier, une perte de 6 % d'EBE compromettant la viabilité de son exploitation. Le GAEC Fontaine Champêtre, à qui ce document a été communiqué en cours d'instance, n'établit pas le caractère erroné des résultats de cette étude et notamment du dépassement du seuil de 3 % de perte d'EBE qu'impliquerait pour le GAEC du Volcan la réalisation de l'opération en litige. Dans ces conditions, le préfet pouvait légalement, au vu de cette seule constatation, refuser l'autorisation sollicitée par le GAEC Fontaine Champêtre.

10. En dernier lieu, le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi.

11. Il résulte de ce qui précède que le GAEC Fontaine Champêtre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC Fontaine Champêtre, partie perdante, le versement à l'EARL du Volcan d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GAEC Fontaine Champêtre est rejetée.

Article 2 : Le GAEC Fontaine Champêtre versera à l'EARL du Volcan une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Fontaine Champêtre, à l'EARL du Volcan et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 19NC02260 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02260
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations. Motifs de la décision.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CABINET AVOCATLOR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc02260 ?
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