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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC01857

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 juillet 2020, 19NC01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1202168 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16NC00587 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nancy, après

avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1202168 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16NC00587 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. et Mme D....

Par une décision n° 414106 du 12 juin 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 juillet 2017, en tant qu'il portait sur la fraction de l'imposition résultant des cessions des droits de présentation des patientèles de M. et Mme D... et des intérêts d'emprunt ainsi que sur les pénalités correspondantes, et a renvoyé l'affaire dans cette mesure à cette cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, et des mémoires, enregistrés le 20 avril 2017, le 9 juin 2017, le 9 août 2019 et le 26 juin 2020, M. et Mme D..., représentés par Me A..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration doit être regardée comme s'étant fondée sur les dispositions relatives à l'abus de droit, sans appliquer la procédure spéciale qu'elles prévoient ;

- les méthodes d'évaluation retenues par l'administration s'agissant de l'évaluation du prix de cession des patientèles ne sont pas probantes et sont erronées ; l'administration n'a pas tenu compte des particularités de leur situation, s'est fondée sur des montants de chiffre d'affaires erronés et n'a opéré aucune pondération ; l'administration fiscale n'établit pas l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien ; les conditions posées pour qu'une majoration de prix soit regardée comme dissimulant un avantage occulte constitutif d'une distribution au sens de l'article 111 c du code général des impôts ne sont pas remplies et les intérêts d'emprunt ayant servi au financement des patientèles acquises ne peuvent être regardés comme constituant un revenu distribué ;

- ils ont exposé des frais pour se rendre chez leur prothésiste dentaire, et les indemnités kilométriques y afférentes doivent faire l'objet d'une déduction et ne peuvent être regardées comme des revenus distribués ;

- les apports en compte courant d'associé de Mme D... correspondent à des travaux d'aménagement réalisés dans les locaux de la Selarl et payés sur ses derniers personnels ;

- la pénalité de 40 % ne pouvait pas leur être appliquée dès lors que l'administration n'établit pas l'existence d'une libéralité.

Par des mémoires enregistrés le 21 septembre 2016, le 19 mai 2017, le 24 juillet 2019 et le 23 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics informe la cour d'un dégrèvement partiel concernant les contributions sociales correspondant à la majoration de 25 % et conclut pour le surplus au rejet de la requête. A titre subsidiaire, il demande à la cour d'opérer une compensation, en application des articles L. 203 à L. 205 du livre de procédures pénales et de majorer la plus-value de cession à hauteur de 61 040 euros au titre de l'année 2007 et ainsi, de réduire les impositions à hauteur de 21 828 euros en droits et de 10 739 euros en pénalités au titre de l'impôt sur le revenu pour 2007, de 8 839 euros en droits et de 4 349 euros en pénalités au titre des prélèvements sociaux pour 2007 à raison de 8 839 euros en droits et de 4 349 euros en pénalités et de 836 euros en droits et de 371 euros en pénalités au titre de l'impôt sur le revenu pour 2008.

Il fait valoir que :

- à titre principal, aucun des moyens soulevés n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, si les chiffres d'affaires des années 2004 à 2006 devaient être retenus pour calculer la valeur des fonds au lieu de ceux des années 2003 à 2005, la quote-part excessive du prix de cession du fonds exploité par Mme D... s'élèverait à 134 960 euros au lieu de 169 000 euros et celle de celui exploité par M. D... à 195 000 euros au lieu de 222 000 €, soit une réduction des bases de 61 040 euros. Il y aura toutefois également lieu de majorer la plus-value de cession à hauteur de 61 040 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui est orthodontiste, et son époux, M. D..., qui est chirurgien-dentiste, ont exercé leur activité sous la forme d'entreprises individuelles jusqu'à la création de deux sociétés d'exercice libéral par actions à responsabilité limitée (Selarl) auxquelles ils ont cédé les fonds libéraux le 5 janvier 2007. A l'issue d'une vérification de comptabilité de ces deux sociétés, l'administration a estimé qu'elles avaient acquis leurs patientèles à des prix indûment majorés et que les avantages ainsi octroyés à M. et Mme D... devaient être réintégrés dans leur revenu imposable en application du c de l'article 111 du code général des impôts. Les intéressés ont ainsi été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2007 et 2008 ainsi qu'à des pénalités. Par un jugement du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions. Par un arrêt du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nancy après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de l'appel formé par M. et Mme D... contre le jugement. Par une décision du 12 juin 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il portait sur la fraction de l'imposition résultant des cessions des droits de présentation des patientèles de M. et Mme D... et des intérêts d'emprunt ainsi que sur les pénalités correspondantes. Il y a lieu, par suite, de statuer dans cette mesure sur l'appel formé par M. et Mme D....

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles./ En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / (...) ". Ces dispositions ne sont pas applicables, alors même qu'une de ces conditions serait remplie, lorsque le redressement est justifié par l'existence d'un acte anormal de gestion.

3. Pour estimer que la fraction des prix de cession des patientèles excédant leur valeur vénale acquittés par M. et Mme D... était imposable entre les mains de ces derniers dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration n'a, à aucun moment de la procédure, soutenu, même implicitement, que les actes de cession en cause auraient été fictifs ou inspirés par le seul motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale que les requérants auraient normalement supportée s'ils n'avaient pas été passés, mais s'est bornée à considérer qu'en procédant à ces acquisitions à un prix majoré, les deux sociétés avaient procédé à un acte anormal de gestion. Les requérants ne peuvent ainsi utilement soutenir qu'ils auraient été imposés en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Ils ne peuvent pas davantage, en tout état de cause, soutenir que l'administration aurait porté atteinte au droit au procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En second lieu, en vertu de l'indépendance des procédures d'imposition, l'irrégularité de la vérification de comptabilité d'une société de capitaux est sans incidence sur la régularité de la procédure de redressement engagée à l'encontre de l'un de ses associés. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration aurait, au cours de la procédure de vérification de la comptabilité des Selarl cabinet dentaire D... Régine et cabinet dentaire D... Patrick, entendu dénoncer implicitement un abus de droit sans avoir respecté les garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

S'agissant des ventes des droits de présentation des patientèles de M. et Mme D... :

6. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

Quant à la cession du droit de présentation de la patientèle de Mme D... :

7. Il résulte de l'instruction que Mme D... a exercé son activité d'orthodontiste sous la forme d'une entreprise individuelle jusqu'en 2007 et qu'elle a décidé d'exercer cette activité sous une autre forme juridique en cédant, le 5 janvier 2007, son fonds de commerce à la Selarl cabinet dentaire D... Régine, dont elle est associée majoritaire et gérante. A l'occasion de cette cession, la Selarl a acquis le droit de présentation de la clientèle de Mme D... au prix de 330 000 euros. L'administration fiscale a toutefois estimé que cette cession était intervenue à un prix anormal et a, après avis de la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaires, estimé la valeur de la patientèle à 161 000 euros.

8. Pour estimer la valeur de la cession litigieuse, l'administration s'est fondée sur neuf termes de comparaison de cessions de patientèles de cabinets de dentistes et d'orthodontistes intervenues entre 2004 et 2006, dans des structures aux chiffres d'affaires sensiblement similaires à celui du cabinet de Mme D..., situées également dans le département du Bas-Rhin et, pour sept d'entre elles, dans l'hypothèse d'une transformation d'entreprise individuelle en Selarl. Au vu de ces éléments de comparaison, la cession litigieuse a initialement été estimée à 104 906 euros. Après l'avis de la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaires, la valeur vénale du droit de présentation de la patientèle a finalement été fixée par l'administration à la somme de 161 000 euros, correspondant à 60 % du chiffre d'affaires moyen des années 2003 à 2005.

9. Si les requérants contestent la méthode d'évaluation retenue par l'administration, ils ne proposent pas de méthode qui permettrait une évaluation plus précise du prix de cession. En outre, contrairement à ce qu'ils soutiennent et ainsi qu'il a été dit au point 8, les neuf termes de comparaison retenus par l'administration concernent des cas assez similaires à la cession en cause. Sept d'entre eux correspondent ainsi à des cessions réalisées dans le cadre d'une transformation d'entreprise individuelle en Selarl. En outre, si les requérants contestent la présence de cabinets dentaires dans le choix de l'échantillonnage et font valoir que les cabinets d'orthodontie ont une valeur de marché supérieure à celle des cabinets dentaires, d'une part, les chiffres d'affaires des structures retenues par l'administration sont sensiblement similaires à celui du cabinet de Mme D... et, d'autre part, dans l'échantillon retenu par l'administration, le prix de cession des activités de chirurgie dentaire est supérieur de cinq points à celui des activités d'orthodontie.

10. Par ailleurs, si les requérants font valoir qu'il y a lieu de tenir compte de la situation particulière de Mme D... qui a été à trois reprises enceinte entre 2001 et 2007 et s'ils se prévalent en appel de la spécialisation en orthopédie dentofaciale de cette dernière, ils n'apportent aucun élément chiffré permettant de considérer que ces circonstances modifieraient la valeur vénale de la cession litigieuse. Il ne résulte au demeurant pas de l'instruction que les périodes de maternité de Mme D... aurait eu un effet dépressif sur son chiffre d'affaires qui a connu une augmentation continue pendant la période en cause.

11. Enfin, il résulte des indications figurant dans l'article de la revue spécialisée en droit fiscal " Les nouvelles fiscales ", produit par les requérants eux-mêmes, que pour évaluer la valeur d'un fonds de commerce, la pratique la plus fréquente est de se fonder sur la moyenne du chiffre d'affaires des deux ou trois dernières années, sans qu'il soit besoin d'opérer une pondération, sauf circonstance particulière. S'agissant des cabinets de chirurgien-dentiste, la valeur du cabinet est, par ailleurs, estimée à 35 à 60 % du chiffre d'affaires pour les petites villes, à 40 à 80 % pour les villes moyennes et enfin à 70 à 110 % pour les grandes villes. Le ratio de 60 % retenu par l'administration correspond au centre de la fourchette des villes moyennes, au nombre desquelles peut être rangée la commune de Haguenau. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à contester la méthode d'évaluation retenue par l'administration et à soutenir qu'une pondération aurait dû être opérée.

12. En revanche, il résulte de l'instruction que, pour évaluer la cession litigieuse, l'administration n'a pas pris la moyenne des trois années précédant la cession intervenue le 5 janvier 2007 mais s'est fondée sur la moyenne des chiffres d'affaires du cabinet des années 2003 à 2005. Compte tenu des chiffres d'affaires du cabinet pendant la période de 2004 à 2006, la valeur vénale du droit de présentation de la clientèle de Mme D... peut être fixée à la somme de 195 040 euros.

13. Les requérants ne sont toutefois pas fondés à solliciter la décharge de la totalité de l'imposition en litige, dès lors qu'il persiste un écart significatif entre le prix de cession convenu et la valeur vénale du bien cédé. Par ailleurs, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention des parties de recevoir et de consentir une libéralité en faisant état des relations d'intérêts entre Mme D... et la Selarl qu'elle possède et dirige. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, réintégrer dans les revenus imposables de M. et Mme D... la somme de 134 960 euros en tant que revenus distribués.

Quant à la cession du droit de présentation de la patientèle de M. D... :

14. Il résulte de l'instruction que M. D... a exercé son activité de chirurgien-dentiste sous la forme d'une entreprise individuelle jusqu'en 2007 et qu'il a décidé d'exercer cette activité sous une autre forme juridique en cédant, le 5 janvier 2007, son fonds de commerce à la Selarl cabinet dentaire D... Patrick, dont il est associé majoritaire et gérant. A l'occasion de cette cession, la Selarl a acquis le droit de présentation de la clientèle de M. D... au prix de 420 000 euros. L'administration fiscale a toutefois estimé que cette cession était intervenue à un prix anormal et a, après avis de la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaires, estimé la valeur de la patientèle à 198 000 euros.

15. Pour estimer la valeur de la cession litigieuse, l'administration s'est fondée sur neuf termes de comparaison de cessions de patientèles de cabinets de dentistes et d'orthodontistes intervenues entre 2004 et 2006, dans des structures aux chiffres d'affaires sensiblement similaires à celui du cabinet de M. D..., situées également dans le département du Bas-Rhin et, pour sept d'entre elles, dans l'hypothèse d'une transformation d'entreprise individuelle en Selarl. Au vu de ces éléments de comparaison, la cession litigieuse a initialement été estimée à 126 000 euros. Après l'avis de la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaires, la valeur vénale du droit de présentation de la patientèle a finalement été fixée par l'administration à la somme de 198 000 euros, correspondant à 60 % du chiffre d'affaires moyen des années 2003 à 2005.

16. Si les requérants contestent la méthode d'évaluation retenue par l'administration, ils ne proposent pas de méthode qui permettrait une évaluation plus précise du prix de cession. En outre, contrairement à ce qu'ils soutiennent et ainsi qu'il a été dit au point 15, les neuf termes de comparaison retenus par l'administration concernent des cas assez similaires à la cession en cause. Sept d'entre eux correspondent ainsi à des cessions réalisées dans le cadre d'une transformation d'entreprise individuelle en Selarl. En outre, si les requérants contestent la présence de cabinets d'orthodontie dans le choix de l'échantillonnage et font valoir que les cabinets d'orthodontie ont une valeur de marché supérieure à celle des cabinets dentaires, d'une part, les chiffres d'affaires des structures retenues par l'administration sont sensiblement similaires à celui du cabinet de M. D... et, d'autre part, il ressort des éléments produit les requérants eux-mêmes que le chiffre d'affaires de M. D... était supérieur au chiffre d'affaires moyen des chirurgiens-dentistes.

17. Par ailleurs, il résulte des indications figurant dans l'article de la revue spécialisée en droit fiscal " Les nouvelles fiscales ", produit par les requérants eux-mêmes, que pour évaluer la valeur d'un fonds de commerce, la pratique la plus fréquente est de se fonder sur la moyenne du chiffre d'affaires des deux ou trois dernières années, sans qu'il soit besoin d'opérer une pondération, sauf circonstance particulière. S'agissant des cabinets de chirurgien-dentiste, la valeur du cabinet est, par ailleurs, estimée à 35 à 60 % du chiffre d'affaires pour les petites villes, à 40 à 80 % pour les villes moyennes et enfin à 70 à 110 % pour les grandes villes. Le ratio de 60 % retenu par l'administration correspond au centre de la fourchette des villes moyennes, au nombre desquelles peut être rangée la commune de Haguenau. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à contester la méthode d'évaluation retenue par l'administration et à soutenir qu'une pondération aurait dû être opérée.

18. En revanche, il résulte de l'instruction que, pour évaluer la cession litigieuse, l'administration n'a pas pris la moyenne des trois années précédant la cession intervenue le 5 janvier 2007 mais s'est fondée sur la moyenne des chiffres d'affaires du cabinet de M. D... des années 2003 à 2005. Compte tenu des chiffres d'affaires du cabinet pendant la période de 2004 à 2006, la valeur vénale du droit de présentation de la patientèle de M. D... peut être évaluée à la somme de 225 000 euros.

19. Les requérants ne sont toutefois pas fondés à solliciter la décharge de la totalité de l'imposition en litige, dès lors qu'il persiste un écart significatif entre le prix de cession convenu et la valeur vénale du bien cédé. Par ailleurs, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention des parties de recevoir et de consentir une libéralité en faisant état des relations d'intérêts entre M. D... et la Selarl qu'il possède et dirige. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, réintégrer dans les revenus imposables de M. et Mme D... la somme de 195 000 euros en tant que revenus distribués.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 19 que les requérants sont uniquement fondés à solliciter une réduction de leurs bases d'imposition de 61 040 euros.

S'agissant des intérêts d'emprunt :

21. Il résulte de l'instruction que les Selarl cabinet dentaire D... Patrick et cabinet dentaire D... Régine ont chacune contracté un emprunt permettant de financer la totalité du prix d'acquisition du droit de présentation des patientèles respectives de M. et Mme D.... L'administration a remis en cause la fraction des intérêts d'emprunt correspondant à l'acquisition de la partie survalorisée du droit de présentation de chacune des deux patientèles.

22. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 19, l'administration a considéré à bon droit que les Selarl cabinet dentaire D... Régine et cabinet dentaire D... Patrick ont acquis les droits de présentation des patientèles à un prix majoré sans aucune contrepartie dans le but de consentir une libéralité. Elle a ainsi pu légalement estimer que les intérêts d'emprunts afférents à l'acquisition de la partie survalorisée du droit de présentation des patientèles ne correspondaient pas à des dépenses engagées dans l'intérêt des deux Selarl mais constituaient des avantages occultes, au sens de l'article 111 c du code général des impôts, imposables entre les mains des associés. Par suite, l'administration a pu à bon droit, sur le fondement de ces dispositions, réintégrer dans les revenus imposables de M. et Mme D... les sommes correspondant aux intérêts excédentaires d'emprunts en tant que revenus distribués.

23. En revanche et compte tenu de ce qui a été dit aux point 12, 18 et 20, les requérants sont fondés à soutenir que le montant des distributions imposables à ce titre entre les mains de M. et Mme D... au titre des années 2007 et 2008 doit être réduit compte tenu de l'augmentation de 61 040 euros de la valeur des cessions des droits de présentation des patientèles des intéressés.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

24. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

25. En l'espèce, compte tenu de l'écart significatif entre les prix de vente des patientèles de M. et Mme D... et leur valeur vénale, ainsi que des liens existant entre les cédants et les cessionnaires, M. et Mme D... étant chacun associés majoritaires et gérants des Selarl à qui ils ont cédé leurs patientèles, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré des requérants, justifiant les pénalités qui leur ont été infligées sur le fondement des dispositions précitées.

Sur la demande de compensation :

26. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ".

27. L'administration est fondée à demander, en application des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, à ce qu'il soit procédé à une compensation entre les réductions prononcées et les impositions résultant de la majoration de la plus-value de cession de 61 040 euros au titre de l'année 2007, afin de tenir compte de la rectification des plus-values dégagées dans le cadre des cessions de patientèles.

28. Compte tenu de la compensation demandée, M. et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg ne leur a pas accordé une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 à raison de 21 828 euros en droits et de 10 739 euros en pénalités, une réduction des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 à raison de 8 839 euros en droits et de 4 349 euros en pénalités et enfin une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison de 836 euros en droits et de 371 euros en pénalités.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er: Il est accordé à M. et Mme D... la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 à concurrence de 21 828 euros en droits et de 10 739 euros en pénalités, des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 à concurrence de 8 839 euros en droits et de 4 349 euros en pénalités et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison de 836 euros en droits et de 371 euros en pénalités.

Article 2 : Le jugement n° 1202168 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC01857 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01857
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : HUBLER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc01857 ?
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