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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC00904-19NC00905

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 19NC00904-19NC00905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Frère a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle le maire de Strasbourg a refusé de lui accorder un permis de construire ainsi que la décision du 20 novembre 2017 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au maire de lui délivrer ce permis de construire et de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800286 du 31 janvi

er 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Frère a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle le maire de Strasbourg a refusé de lui accorder un permis de construire ainsi que la décision du 20 novembre 2017 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au maire de lui délivrer ce permis de construire et de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800286 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 25 juillet 2017 et du 20 novembre 2017 du maire de Strasbourg, lui a enjoint de délivrer à la SCI Frère ce permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de la commune de Strasbourg le versement d'une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC00904, le 29 mars 2019, la commune de Strasbourg, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 janvier 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Frère une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas sa note en délibéré du 10 janvier 2019 ;

- l'injonction prononcée par le tribunal est contestable à défaut de prise en compte de la nouvelle situation de fait résultant de l'introduction par la SCI Frère, le 28 novembre 2018, d'une seconde demande de permis de construire sur le même terrain d'assiette ;

- l'arrêté du 25 juillet 2017 était légal au regard des dispositions de l'article 3 (A) et 11 UB (B) du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de l'Eurométropole de Strasbourg ;

- il est demandé à la cour d'admettre une substitution de motifs, la décision du 25 juillet 2017 pouvant être légalement fondée sur l'article 11 UB du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg ;

Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2019, la SCI Frère, représentée par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Strasbourg le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, faute pour la commune de Strasbourg, d'avoir produit l'autorisation de son maire d'interjeter appel ;

- s'agissant d'un refus d'autorisation d'urbanisme, la commune de Strasbourg ne peut demander de substitution de motif pour la première fois en appel ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

II. Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, sous le n° 19NC00905, la commune de Strasbourg, représentée par Me E..., demande à la cour de prononcer, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 janvier 2019.

Elle présente les mêmes moyens que dans la requête n° 19NC00904 et soutient en outre que les conditions par l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré 19 août 2019, la SCI Frère, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Strasbourg le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux qu'elle a présentés dans l'instance n° 19NC00904 et soutient, en outre, que les conditions posées par l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour la SCI Frère.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 25 juillet 2017, le maire de Strasbourg a refusé de faire droit à la demande de permis de construire déposée le 10 avril 2017 par la SCI Frère concernant un immeuble collectif de trente et un logements sur un terrain situé rue des Frères Stoeffler à Strasbourg. Cette décision de refus a été confirmée, sur recours gracieux, par une décision du 20 novembre 2017. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, la commune de Strasbourg, d'une part, relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions des 25 juillet et 20 novembre 2017 et a enjoint au maire de Strasbourg de délivrer à la SCI Frère le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et, d'autre part, demande qu'il soit préalablement sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la légalité des décisions des 25 juillet 2017 et 20 novembre 2017 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article de l'article 3 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de l'Eurométropole de Strasbourg : " Accès 2.1. Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte-tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. L'autorisation de construire peut être subordonnée à la réalisation d'aménagements particuliers. ".

3. En vertu des dispositions précitées, lorsque les accès à un projet de construction présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire en litige portait sur la construction d'un immeuble d'habitation comportant 31 logements et 39 places de stationnement, d'une surface de 1 760 m², situé rue des Frères Stoeffler à Strasbourg. L'accès projeté à cet immeuble devait s'effectuer par une voie unique, perpendiculaire à la rue des Frères Stoeffler, traversant les lignes du tramway, en un point situé entre les arrêts Mélanie/Binger et Papeterie Niederau, sans être protégé, ni par des feux tricolores, ni par aucun autre dispositif de nature à organiser la circulation respective du tramway et des véhicules ou piétons sortant de l'immeuble à construire ou y entrant. Eu égard à l'importance du trafic observé dans la rue des Frères Stoeffler, à la fréquence de passage et à la vitesse de circulation du tramway au niveau de cet accès, ainsi qu'au nombre de personnes, piétons ou automobilistes, susceptibles de l'emprunter quotidiennement dans des conditions, notamment de visibilité, pouvant varier en fonction des circonstances extérieures et, enfin, à la gravité des conséquences prévisibles d'une possible collision avec le tramway, l'accès au projet présenté par la SCI Frère présentait en l'espèce un risque important pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès, au sens des dispositions précitées du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel risque pouvait être neutralisé en subordonnant la délivrance du permis de construire au respect de prescriptions spéciales sans apporter au projet des modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande. En l'absence de dispositif adéquat présenté par le pétitionnaire afin de réduire le risque présenté par l'accès au projet, il n'appartenait pas non plus à la commune de Strasbourg d'y suppléer en prenant elle-même des mesures de nature à supprimer ou à limiter ce risque. Il en résulte que c'est à tort que, pour annuler le refus de permis opposé à la SCI Frère par le maire de Strasbourg et la décision rejetant le recours gracieux de cette dernière, le tribunal administratif a retenu le motif tiré de ce que le maire avait méconnu des dispositions de l'article 3 des dispositions générales du règlement du (PLUi) de Strasbourg.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Frère devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 25 juillet 2017 :

6. Par un arrêté du 4 juillet 2017, le maire de Strasbourg a donné délégation à Mme G... F..., adjointe au maire, pendant l'absence, du 14 au 28 juillet 2017, de M. B... A..., également adjoint au maire, " pour les affaires relevant des services faisant partie du ressort " de ce dernier. Il ressort des mentions apposées sur cet arrêté, signées du directeur général des services, que cet arrêté a été affiché à compter de la même date. Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, qui n'est pas apportée en l'espèce par la SCI Frère. En outre, par un arrêté du 12 mai 2014, le maire de Strasbourg avait donné délégation de fonction et de signature à M. A... pour " tous les actes et toutes les décisions concernant les autorisations d'urbanisme ". Ainsi, à la date du 25 juillet 2017, à laquelle a été prise la décision contestée, refusant à la SCI Frère le permis de construire qu'elle avait sollicité, Mme F... disposait d'une délégation l'habilitant à signer cette décision qui n'est, par suite, pas entachée d'incompétence .

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de Strasbourg est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 25 juillet 2017 du maire de Strasbourg refusant à la SCI Frère un permis de construire ainsi que sa décision du 20 novembre 2017 rejetant son recours gracieux et a enjoint au maire de délivrer à la SCI Frère ce permis de construire.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

8. Eu égard à l'annulation prononcée par le présent arrêt du jugement du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SCI Frère au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de celle-ci le versement à la commune de Strasbourg d'une somme de 1 500 euros, au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Frère devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : La SCI Frère versera à la commune de Strasbourg la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI Frère sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par la commune de Strasbourg.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié à la commune de Strasbourg et à la SCI Frère.

2

N° 19NC00904, 19NC00905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00904-19NC00905
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SELARL BOURGUN - BAUTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc00904.19nc00905 ?
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