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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC00793

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 19NC00793


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 7 mars 2019, enregistrée le 15 mars 2019 au greffe de la cour, la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a transmis à la cour la requête présentée par la SCI Schweighouse.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2018 et le 12 août 2019, la SCI Schweighouse, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel le maire de Schweighouse-sur-Moder a délivré à la SCI Foncière de Schweighouse un permis de construire valant autorisation d'expl

oitation commerciale pour la construction d'un bâtiment comportant six unités commerci...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 7 mars 2019, enregistrée le 15 mars 2019 au greffe de la cour, la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a transmis à la cour la requête présentée par la SCI Schweighouse.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2018 et le 12 août 2019, la SCI Schweighouse, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel le maire de Schweighouse-sur-Moder a délivré à la SCI Foncière de Schweighouse un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un bâtiment comportant six unités commerciales au 13 rue de la Sablière ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Foncière de Schweighouse la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet architectural ne comporte ni l'indication de l'état initial et des aménagements modifiés ou supprimés ni celle de l'aménagement des limites séparatives ;

- le dossier de demande ne comportait pas l'accord du gestionnaire du domaine public en méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ;

- le projet est incompatible avec l'emplacement réservé n° 8 du plan local d'urbanisme applicable ;

- il méconnaît le règlement de ce plan en tant qu'il se situe dans la limite de 20 mètres de la voie ferrée voisine ;

- il méconnaît l'objectif de l'orientation d'aménagement et de programmation portant sur la réalisation d'une voie de liaison transversale ;

- il méconnaît l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ;

- le projet méconnaît l'article 13 Ux du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2019, la commune de Schweighouse-sur-Moder, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Schweighouse sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'intérêt pour agir de la requérante ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Schweighouse-sur-Moder.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 juillet 2017, la SCI Foncière de Schweighouse a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'édification, au 13 rue de la Sablière à Schweighouse-sur-Moder, d'un bâtiment composé de six unités commerciales. Au vu de l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du 3 octobre 2017, le maire de la commune de Schweighouse-sur-Moder a délivré cette autorisation par un arrêté du 9 janvier 2018 dont la SCI Schweighouse, propriétaire d'un bâtiment dans la zone du projet, demande l'annulation.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 janvier 2018 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; (...) / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain (...) ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le point 1.1.8.3 de la notice architecturale et environnementale indiquait que le projet serait réalisé sur un terrain actuellement en friche. Par ailleurs, le dossier de demande de permis de construire comportait plusieurs photographies présentant l'état initial du site, dont il ressort que celui-ci était dépourvu de tout aménagement. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'indication de l'état initial et des aménagements modifiés ou supprimés manque en fait et doit être écarté.

4. D'autre part, le point 1.1.8.3 de la notice architecturale et environnementale mentionnait que trente-trois chênes pyramidaux seraient implantés le long de la limite séparative ouest en fond de parcelle. Il ressort encore de cette notice ainsi que du plan de masse versé au dossier de demande de permis de construire qu'un parking sera implanté à la jonction du parking existant sur la parcelle contiguë située à l'ouest, tandis que le front de rue sera plantée d'une pelouse. Enfin, il ressort de ces mêmes pièces graphiques que l'aménagement de la partie sud consiste en une voie de desserte séparée de la limite séparative par une bande engazonnée. Dans ces conditions, la circonstance que la notice de présentation serait insuffisamment précise quant à l'aménagement des limites n'est pas de nature à entacher le permis d'illégalité, l'appréciation portée par l'autorité administrative ayant pu être suffisamment éclairée par les autres documents du dossier de demande.

5. En deuxième lieu, aux termes R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de produire une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine ne s'applique qu'aux seuls projets de construction emportant occupation du domaine public. A cet égard, dès lors qu'il n'est surplombé par aucune construction, le seul accès à une voie ouverte à la circulation publique, tel qu'il est prévu dans le projet en litige, ne constitue qu'une aisance de voirie accessoire au droit de propriété et n'a pas à être autorisé par le gestionnaire de la voirie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence, au dossier de demande, de pièce exprimant l'accord du gestionnaire de ce domaine est inopérant et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 151-48 du même code : " Dans les zones U (...), le ou les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître, s'il y a lieu : / (...) 2° Les emplacements réservés aux voies publiques délimités en application du 1° de l'article L. 151-41, en précisant leur destination et les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l'objet ne serait pas conforme à la destination de l'emplacement réservé, tant qu'aucune modification du plan local d'urbanisme emportant changement de la destination n'est intervenue. En revanche, un permis de construire portant à la fois sur l'opération en vue de laquelle l'emplacement a été réservé et sur un autre projet peut être légalement délivré, dès lors que ce dernier projet est compatible avec la destination assignée à l'emplacement réservé.

9. En l'espèce, le document graphique annexé au règlement du plan local d'urbanisme intercommunal du SIVOM de Schweighouse-sur-Moder et environs délimite un emplacement réservé n° 8 couvrant notamment, d'une part, une partie du terrain d'assiette du projet, et, d'autre part, la parcelle du domaine public ferroviaire située au sud de ce projet, et ayant pour objet la réalisation d'une voie de desserte le long de la voie ferrée. Or, il ressort du plan de masse joint au dossier de demande, ainsi que de la notice architecturale et environnementale, que la voie de desserte pour les poids lourds prévue au sud du projet, qui présente une largeur de 6 mètres, doit être implantée en dehors de l'emplacement réservé. Le moyen tiré de ce que la réalisation de cette voie serait incompatible avec l'objet de l'emplacement réservé doit, par suite, être écarté.

10. En deuxième lieu, selon l'article 6 Ux du plan local d'urbanisme intercommunal : " (...) Par le terme "alignement", on entendra ici non seulement la limite entre le domaine public et la propriété privée, mais aussi, par extension, la limite de fait entre le terrain et la voie s'il s'agit d'une voie privée. / L'implantation est mesurée par rapport au nu de la façade. / (...) Sauf dispositions contraires figurant au plan de zonage, les constructions ou installations doivent s'implanter avec un retrait minimal de 2 mètres de l'emprise légale des voies ferrées (...) ". En outre, il ressort du document graphique du même règlement que le retrait par rapport à l'emprise ferroviaire est porté à vingt mètres à compter de la limite parcellaire. Or, il ressort du plan de masse joint à la demande de permis que la façade du bâtiment se situe, dans son point le plus proche, à 23,21 mètres de la limite séparative. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 Ux du plan local d'urbanisme intercommunal doit par conséquent être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. (...) ". Aux termes de l'article L. 152-1 du même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ".

12. En l'espèce, le plan local d'urbanisme intercommunal du SIVOM de Schweighouse-sur-Moder et environs comporte une orientation d'aménagement et de programmation intitulée " zone Uxc - voiries à développer " dont l'objet est la réalisation d'une liaison transversale depuis la rue de la Sablière. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme précise que cette liaison doit aboutir à un accès unique et sécurisé sur la rue de la Sablière, afin de désengorger le trafic sur cette voie.

13. Il ressort du plan de masse joint à la demande de permis que le projet prévoit la création d'une voie de desserte interne réservée aux poids lourds, qui longe la limite séparative sud et aboutit, à l'est, à un virage puis une aire de retournement. En outre, au nord de cette aire de retournement, un parking est aménagé, qui débouche d'ores-et-déjà sur la rue de la Sablière. Par suite, le projet, qui maintient un accès routier nord-sud entre la rue de la Sablière et l'emplacement réservé n° 8, n'est pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation et n'en contrarie pas les objectifs.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce : " Nonobstant toute disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue aux 1° et 4° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce (...), ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce. Les espaces paysagers en pleine terre, les surfaces des aménagements relevant de l'article L. 3114-1 du code des transports, les surfaces réservées à l'auto-partage et les places de stationnement destinées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables sont déduits de l'emprise au sol des surfaces affectées au stationnement. La surface des places de stationnement non imperméabilisées compte pour la moitié de leur surface. (...) ".

15. Pour apprécier le respect de la règle énoncée par les dispositions précitées, il y a lieu de tenir compte de l'emprise totale des places de stationnement affectées au projet, y compris celles déjà réalisées. Or, il ressort des pièces du dossier que si le projet en litige prévoit l'implantation d'un parking d'une emprise au sol évaluée à 4 311 m² et d'un bâtiment commercial d'une surface de 7 140 m², il prévoit également l'affectation de douze places de stationnement préexistantes initialement affectées à la construction commerciale voisine, dont il ressort du plan de masse qu'elles présentent une surface de 150 m², et il respecte par suite les prescriptions définissant le rapport entre les surfaces affectées au stationnement et les surfaces affectées au commerce. En revanche, le moyen tiré de ce que la conformité du projet à cette règle devrait tenir compte de l'emprise au sol de l'ensemble des stationnements desservant la construction commerciale voisine, doit être écarté dès lors que cette dernière ne forme pas, avec le projet litigieux, un ensemble indivisible.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, applicable à la zone Ux : " (...) Dispositions applicables aux sous-secteurs Uxa, Uxb, Uxc : Les aires de stationnement d'au moins 10 places seront plantés d'arbres de haute tige à raison d'1 arbre pour 4 places de stationnement (...) ".

17. En l'espèce, le projet en litige prévoit la réalisation de 279 places de stationnement et la plantation de 75 arbres de haute tige. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15 ci-dessus , il y a également lieu de tenir compte, pour l'appréciation de la règle fixée par le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, des douze places de stationnement préexistantes affectées au projet, à l'exclusion des autres places de stationnement desservant la construction commerciale voisine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Schweighouse n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Schweighouse du 9 janvier 2018 et que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense par la commune de Schweighouse-sur-Moder, sa requête doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Foncière de Schweighouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI Schweighouse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à la commune de Schweighouse-sur-Moder d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Schweighouse est rejetée.

Article 2 : La SCI Schweighouse versera la commune de Schweighouse-sur-Moder la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Schweighouse, à la commune de Schweighouse-sur-Moder et à la SCI Foncière de Schweighouse.

N° 19NC00793 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00793
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX / LLORENS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc00793 ?
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