La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/07/2020 | FRANCE | N°19NC00254

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 19NC00254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et Mme E... B... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 mai 2016 par laquelle le président de l'Eurométropole de Strasbourg a exercé son droit de préemption à l'occasion de leur projet d'acquisition de la parcelle cadastrée section 3 n° 449/166, située au lieudit Ringbahn à Illkirch Graffenstaden.

Par un jugement n° 1603714 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00294 le 23 janvier 2019, complété...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... et Mme E... B... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 mai 2016 par laquelle le président de l'Eurométropole de Strasbourg a exercé son droit de préemption à l'occasion de leur projet d'acquisition de la parcelle cadastrée section 3 n° 449/166, située au lieudit Ringbahn à Illkirch Graffenstaden.

Par un jugement n° 1603714 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00294 le 23 janvier 2019, complétée par un mémoire enregistré le 3 janvier 2020, M. et Mme F..., représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du président de l'Eurométropole de Strasbourg du 4 mai 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision de préemption n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

- il n'est pas justifié de la réalité et de l'intérêt général d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement, en méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2019, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., pour M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Le président de l'Eurométropole de Strasbourg ayant, par une décision du 4 mai 2016, exercé son droit de préemption à l'occasion du projet de vente à M. et Mme F..., de la parcelle cadastrée section 3 n° 449/166, propriété de M. et Mme C..., située au lieudit Ringbahn à Illkirch-Graffenstaden, M. et Mme F... ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande d'annulation de cette décision et ils relèvent appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté cette demande.

Sur la légalité de décision du 4 mai 2016 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle a adopté une délibération relative à la mise en oeuvre d'un programme local de l'habitat, une collectivité peut motiver sa décision de préemption soit par référence aux dispositions de cette délibération, soit en mentionnant de manière suffisamment précise l'objet pour lequel le droit de préemption est exercé. Cette obligation de motivation présente le caractère d'une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité la décision de préemption.

4. La décision de préemption contestée précise qu'elle a été prise pour constituer une réserve foncière, en vue de permettre de mener une action ou opération d'aménagement visant à mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat. Elle mentionne en outre que cet objectif s'inscrit dans les orientations retenues par la commune d'Illkirch-Greffenstaden dans son plan d'occupation des sols et répond à une volonté de destiner, à des opérations d'habitat pavillonnaire, ce secteur qui a fait, en outre, l'objet d'un schéma d'organisation viaire de manière " à imposer une viabilisation correcte de ce coeur d'îlot, en reliant entre eux ses différents accès et pour éviter la réalisation de poches d'urbanisation successives étanches entre elles, au fur et à mesure de l'avancement d'éventuelles opérations d'urbanisation ". Elle se réfère également aux orientations d'aménagement et de programmation (OAP) du PLU intercommunal (PLUi) arrêté par délibération du 27 novembre 2015 du conseil de l'Eurométropole de Strasbourg qui destine ce secteur dénommé " secteur rue de la Ceinture " et aujourd'hui enclavé, à la réalisation d'une zone mixte à dominante d'habitat. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée du 4 mai 2016 serait insuffisamment motivée doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ".

6. Il résulte des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 précités du code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

S'agissant de la réalité du projet justifiant l'exercice du droit de préemption :

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet de la commune d'Illkirch-Graffenstaden de réaliser une réserve foncière dans le secteur concerné était déjà inscrit dans son précédent plan d'occupation des sols et qu'elle y avait déjà, à cette fin, acquis trois parcelles classées en zone INAd, réservée à l'urbanisation future et destinée à " des opérations d'habitats pavillonnaires ". En outre, ainsi qu'il a été dit plus haut, ce projet s'inscrit également dans le cadre des OAP du PLUi arrêté par le Conseil de l'Eurométropole de Strasbourg le 27 novembre 2015, et en particulier l'OAP " La rue de la Ceinture " qui prévoit une urbanisation en une ou plusieurs phases de ce coeur d'îlot en zone mixte à dominante d'habitat, afin d'accueillir des logements de type T4 et T5 dont le nombre exact est défini par référence aux objectifs de production inscrits dans l'OAP " Habitat " et qui prévoit sa desserte et sa connexion au tissu environnant. A cet égard, les circonstances que la commission d'enquête n'avait pas encore rendu son rapport et que le PLUi n'était pas encore approuvé à la date de la décision contestée ne sont pas de nature à établir que le projet ayant justifié l'exercice du droit de préemption était dépourvu de réalité.

8. Dans ces conditions, et nonobstant les attestations rédigées en termes identiques, émanant d'un membre de la commission d'urbanisme et d'une conseillère municipale selon lesquelles n'existait alors aucun projet immobilier précis dans le secteur compris entre la Route Burckel, la rue de 1'Arc en Ciel, la rue Sodbronn, la rue Vincent Scotto et la rue Ceinture, la réalité du projet en vue duquel, dans le cadre des principes énoncés au point 6 ci-dessus, a été exercé le droit de préemption par l'Eurométropole de Strasbourg ne peut être sérieusement contestée.

S'agissant de l'intérêt général du projet justifiant l'exercice du droit de préemption :

9. En premier lieu, la seule circonstance que le projet d'urbanisation du secteur concerné, proche du centre historique d'Illkirch-Graffenstaden, serait désapprouvé par la majorité des habitants concernés n'est pas de nature à établir qu'il serait dépourvu d'intérêt général. Il en est de même, à la supposée avérée, de la circonstance que la mise en oeuvre d'un tel projet impliquerait de recourir à plusieurs expropriations.

10. En second lieu, il ressort du libellé de l'OAP " La rue de la Ceinture " figurant au PLUi tel qu'arrêté par la délibération du conseil de l'Eurométropole de Strasbourg du 27 novembre 2015 et qui sera d'ailleurs approuvée sans changement, après enquête publique, le 16 décembre 2016, que " L'enjeu consiste à réussir l'intégration de cette urbanisation dans un tissu et paysage sensibles. Cet objectif est compatible avec les formes urbaines existantes composées notamment de maisons traditionnelles alsaciennes et de maisons des années 1910/1930. Afin de respecter l'échelle du tissu urbain environnant dans un souci d'intégration spatiale, l'habitat intermédiaire sera privilégié (forme d'habitat qui se positionne entre l'habitat collectif et l'habitat individuel, proposant un seuil au logement, un accès privatif, une pièce extérieure ...) ". Cette orientation s'inscrit dans le cadre d'une politique locale de l'habitat visant à favoriser l'implantation dans ce secteur d'une zone mixte d'habitation favorisant la mixité sociale et dans ces conditions, alors en tout état de cause qu'il n'est pas établi que la réalisation d'un tel projet aurait des répercussions sur les conditions de circulation dans la zone, le moyen tiré de ce qu'il serait dépourvu d'un intérêt général suffisant pour justifier l'exercice du droit de préemption doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du président de l'Eurométropole de Strasbourg du 4 mai 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F... le versement à l'Eurométropole de Strasbourg d'une somme de 1 500 euros à verser au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... F... et Mme E... B... épouse F... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme F... verseront à l'Eurométropole de Strasbourg une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B... épouse F..., à M. A... F... et à l'Eurométropole de Strasbourg.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC00254 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00254
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SELARL BOURGUN - BAUTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc00254 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award