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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC00095

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 19NC00095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Creutzwald a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores liées à l'utilisation de la salle communale et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Creutzwald de prendre toutes mesures pour empêcher la diffusion de musique amplifiée dans la salle socioculturelle du Siège 1, tant de jour que de nuit, en l'absence de travaux de mise

en conformité permettant une telle diffusion dans le respect des seuils...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Creutzwald a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores liées à l'utilisation de la salle communale et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Creutzwald de prendre toutes mesures pour empêcher la diffusion de musique amplifiée dans la salle socioculturelle du Siège 1, tant de jour que de nuit, en l'absence de travaux de mise en conformité permettant une telle diffusion dans le respect des seuils réglementaires et faire cesser toutes nuisances sonores émanant de la salle et de ses abords, dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1604684 du 14 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00095 le 15 janvier 2019, M. B... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Creutzwald a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores liées à l'utilisation de la salle communale ;

3°) d'enjoindre à la commune de Creutzwald de prendre toutes mesures pour empêcher la diffusion de musique amplifiée dans la salle socioculturelle du Siège 1 tant de jour que de nuit en l'absence de travaux de mise en conformité permettant une telle diffusion dans le respect des seuils réglementaires et faire cesser toutes nuisances sonores émanant de la salle et de ses abords, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Creutzwald le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- alors que le fonctionnement de la salle socioculturelle du Siège 1 crée fréquemment des nuisances sonores incompatibles avec la règlementation en vigueur, le maire n'a pas pris les mesures appropriées pour y remédier ;

- la salle n'est pas été conçue pour recevoir les manifestations à l'origine des nuisances sonores dont il se plaint.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2019, la commune de Creutzwald, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour M. A..., ainsi que celles de Me C..., pour la commune de Creutzwald.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a acquis en 1994, à Creutzwald, une maison voisine du foyer d'une association d'anciens mineurs, utilisé comme salle des fêtes et détruit en 2010. La commune a fait réaliser en 2013, sur cet emplacement, une salle socioculturelle, dénommée " Siège 1 ", qu'elle loue ou met à disposition pour des réunions et des manifestions festives. S'estimant victime de nuisances sonores liées à l'utilisation de cette salle, M. A... a, à la suite d'une étude acoustique réalisée par le bureau d'études Venathec, mis en demeure le maire de Creutzwald, par un courrier du 17 avril 2016, de prendre les mesures de police propres à faire cesser ces nuisances, en interdisant la diffusion de musique amplifiée dans la salle socioculturelle. En l'absence de réponse à ce courrier, il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née de ce silence. Il fait appel du jugement du 14 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre (...). Elle comprend notamment : / (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ". Aux termes de l'article L. 2542-1 du même code : " Les dispositions du titre Ier du livre II de la présente partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à l'exception de celles des articles (...), L. 2212-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 2542-2 du même code, applicable dans les communes de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin : " Le maire dirige la police locale. Il lui appartient de prendre des arrêtés locaux de police en se conformant aux lois existantes. ". Aux termes de l'article L. 2542-3 du même code : " Les fonctions propres au maire sont de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. Il appartient également au maire de veiller à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité des campagnes. ". En vertu du 1° de l'article L. 2542-4 de ce code, le maire a également le soin " de réprimer les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les bruits, y compris les bruits de voisinage, et attroupements nocturnes qui troublent le repos des citoyens ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 571-25 du code de l'environnement : " Les dispositions de la présente sous-section s'appliquent aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, à l'exclusion des salles dont l'activité est réservée à l'enseignement de la musique et de la danse. Les exploitants de ces établissements et les organisateurs des manifestations se déroulant dans ces locaux sont tenus de respecter les prescriptions générales de fonctionnement définies par la présente sous-section. ". Aux termes de l'article R. 571-27 du même code : " Lorsque ces établissements ou locaux sont soit contigus de bâtiments comportant des locaux à usage d'habitation ou destinés à un usage impliquant la présence prolongée de personnes, soit situés à l'intérieur de tels bâtiments, l'isolement entre le local d'émission et le local ou le bâtiment de réception doit être conforme à une valeur minimale, fixée par arrêté, qui permette de respecter les valeurs maximales d'émergence mentionnées à l'article R. 1334-33 du code de la santé publique. Dans les octaves normalisées de 125 Hz à 4 000 Hz, ces valeurs maximales d'émergence ne peuvent être supérieures à 3 dB. Dans le cas où l'isolement du local où s'exerce l'activité est insuffisant pour respecter ces valeurs maximales d'émergence, l'activité de diffusion de musique amplifiée ne peut s'exercer qu'après la mise en place d'un limiteur de pression acoustique réglé et scellé par son installateur ".

4. Enfin, aux termes de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique, alors en vigueur : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". Aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article ". Aux termes de l'article R. 1334-33 du même code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : 1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ; 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ; 4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ; 5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ; 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ; 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures ".

5. Il appartient au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.

6. M. A... se prévaut du contenu de l'étude acoustique réalisée le 25 août 2015 par le bureau d'études acoustiques Venathec, à la demande de la commune de Creutzwald et sur mise en demeure de l'agence régionale de santé du 15 septembre 2014, selon laquelle les émergences sonores spectrales constatées lors des mesures, dépassaient alors les valeurs règlementaires, ce qui révélait notamment un manque d'isolation des portes, des fenêtres et de la toiture. Si cette étude relevait également que le niveau limite admissible pour respecter la règlementation était de 82 dBa au centre de la salle des fêtes alors qu'eu égard à sa destination, le niveau d'ambiance sonore d'une salle des fêtes est au minimum d'environ 85 dBa ce qui a amené ses auteurs à conclure que cette salle était, en l'état, impropre à sa destination, il ressort des termes mêmes de cette étude que des solutions pouvaient alors être envisagées pour remédier à la situation par la réalisation de travaux appropriés.

7. Or, il ressort des pièces du dossier qu'après la réalisation de cette étude, le maire a décidé de modifier le règlement intérieur de la salle, par un arrêté du 1er décembre 2015, afin d'interdire tout acte de nature à nuire à la sécurité et à la tranquillité des riverains, sous peine de sanctions, en particulier s'agissant des conditions d'ouverture des portes et fenêtres de la salle. En outre, il n'est pas contesté qu'alors qu'il était saisi de la demande de M. A..., le maire a introduit une demande en référé tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise et que, par ordonnance du 30 juin 2016, le juge de référés du tribunal administratif de Strasbourg a désigné M. D... qui dans son rapport du 1er décembre 2016, a estimé que la salle avait été conçue de manière à respecter les contraintes environnementales en matière de bruit et de protection du voisinage et que, ainsi que le montraient les constatations auxquelles il avait procédé, le 1er octobre 2016, lors d'une visite inopinée sur place au cours d'un mariage, les nuisances subies au niveau de l'habitation de M. A... procédaient essentiellement du maintien en position ouverte des portes et fenêtres par les utilisateurs, en l'absence de système de climatisation correctement dimensionné. Il n'est pas contesté que ce système de climatisation a d'ailleurs été ultérieurement installé et que la commune a fait procéder au verrouillage de la baie vitrée de la salle située du côté de la maison d'habitation de M. A..., et qu'elle a, de surcroît, fait installer dans cette salle un limiteur de pression acoustique qui coupe les alimentations électriques de sonorisation à partir d'un seuil de 94 dB. A cet égard, si le requérant affirme que les utilisateurs de la salle dérèglent quasiment systématiquement ce limiteur, il ne l'établit pas.

8. Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutient M. A..., le maire de Creutzwald n'était pas tenu, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, d'interdire toute diffusion de musique amplifiée dans la salle des fêtes afin de réduire les nuisances sonores que son activité lui occasionnait et qu'il doit être regardé comme ayant pris, à cette fin, les mesures appropriées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée par le maire de Creutzwald.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

11. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Creutzwald, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Creutzwald demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme que la commune de Creutzwald demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Creutzwald tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Creutzwald.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 19NC00095 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00095
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale - Tranquillité publique.

Police - Police générale - Tranquillité publique - Activités bruyantes.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : HAOUY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc00095 ?
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