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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC02744

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 18NC02744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le directeur de la maison centrale d'Ensisheim l'a placé à titre préventif en cellule disciplinaire, d'annuler la décision n° 168 du 21 décembre 2016, par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 15 novembre 2016 du président de la commission de discipline ayant prononcé la sanction de placement en cellule disciplinaire

pour une durée de cinq jours et de mettre à la charge de l'Etat la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le directeur de la maison centrale d'Ensisheim l'a placé à titre préventif en cellule disciplinaire, d'annuler la décision n° 168 du 21 décembre 2016, par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 15 novembre 2016 du président de la commission de discipline ayant prononcé la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de cinq jours et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606876 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC02744, le 10 octobre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 10 novembre et 21 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son refus de regagner sa cellule n'était pas assimilable à un refus de se soumettre à une mesure de sécurité et a seulement consisté en un refus d'obtempérer à un ordre du personnel au sens de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale ;

- dès lors, les faits qui lui sont reprochés n'étaient pas de ceux qui permettent de prendre une mesure préventive comme celle prévue à l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale et n'entraient pas non plus dans le champ de l'article R. 57-7-2 de ce code ;

- les deux qualifications retenues, prévues respectivement aux articles R. 57-7-2, 5° et 57-7-3, 3° du code de procédure pénale, sont exclusives l'une de l'autre, de sorte que l'administration a commis un erreur de droit en les retenant cumulativement ;

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 10 novembre 2016, le directeur de maison centrale d'Ensisheim a, à titre préventif, placé M. B..., détenu dans cet établissement, en cellule disciplinaire. Le 15 novembre 2016, en sa qualité de président de la commission de discipline de cet établissement, il a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de cinq jours. Par une décision du 21 décembre 2016 qui s'est substituée à celle du 15 novembre 2016, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé cette sanction. M. B... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées des 10 novembre et 21 décembre 2016.

Sur la légalité des décisions du 10 novembre et du 21 décembre 2016 :

2. Aux termes de l'article de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) 3° De refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement (...) ". Selon l'article R. 57-7-2 du même code : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue :/ (...) 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service (...) ". L'article R. 57-7-47 précise que, pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré.

3. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors de l'hypothèse où l'injonction adressée à un détenu par un membre du personnel de l'établissement pénitentiaire serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine, tout ordre du personnel pénitentiaire doit être exécuté par les détenus. Le refus d'obtempérer à une injonction d'un membre du personnel constitue une faute disciplinaire du troisième degré qui est de nature à justifier une sanction. Le refus de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service constitue une faute disciplinaire du deuxième degré également de nature à justifier une sanction.

4. Aux termes de l'article R. 57-7-18 de ce code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement.(...) ".

5. En premier lieu, si une sanction administrative reposant sur plusieurs manquements doit être conforme au principe de proportionnalité, le principe du non bis in idem découlant du principe de nécessité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne fait pas obstacle à ce que, dans le cadre d'une même poursuite conduisant à une même décision de sanction, plusieurs manquements distincts puissent résulter de mêmes faits. Par suite, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg n'a pas commis d'erreur de droit en regardant les faits reprochés à M. B... comme susceptibles d'être qualifiés cumulativement de refus d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement et de refus de se soumettre à une mesure de sécurité au sens, respectivement, des 3° et 5° de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale.

6. En second lieu, eu égard aux fonctions mêmes que les dispositions législatives et réglementaires du code de procédure pénale ainsi que, le cas échéant, les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires ou tout autre instruction de service assignent au quartier disciplinaire des établissements pénitentiaires, dont la bonne la bonne organisation répond à d'impérieux motifs de sécurité, l'ordre donné par le personnel pénitentiaire à un détenu de quitter la cellule qu'il occupe au sein de ce quartier disciplinaire présente par nature le caractère d'une mesure de sécurité. Il ressort des pièces du dossier que, le 10 novembre 2016, vers 15 heures, M. B... a catégoriquement refusé de sortir du quartier disciplinaire de la maison centrale d'Ensisheim, où il avait été placé à titre préventif. Par suite, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg n'a ni commis d'erreur de droit, ni fait une inexacte application des 3° et 5° de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale en estimant que les faits, non contestés, reprochés à M. B... constituaient non seulement un refus d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement, mais en outre, un refus de se soumettre à une mesure de sécurité prévue par un texte de la nature de ceux rappelés ci-dessus.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

2

N° 18NC02744


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02744
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc02744 ?
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