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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC02742

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 18NC02742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 28 juin 2016 par laquelle le directeur de la maison centrale d'Ensisheim l'a placé à titre préventif en cellule disciplinaire, d'annuler la décision du 5 août 2016 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 13 juillet 2016 par laquelle le président de la commission de discipline a prononcé la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une d

urée de trois jours et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 28 juin 2016 par laquelle le directeur de la maison centrale d'Ensisheim l'a placé à titre préventif en cellule disciplinaire, d'annuler la décision du 5 août 2016 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 13 juillet 2016 par laquelle le président de la commission de discipline a prononcé la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de trois jours et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1604602 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC02742, le 10 octobre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 28 juin et 5 août 2016 :

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son refus de regagner sa cellule n'était pas assimilable à un refus de se soumettre à une mesure de sécurité et a seulement consisté en un refus d'obtempérer à un ordre du personnel au sens de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale ;

- dès lors, les faits qui lui sont reprochés n'étaient pas de ceux qui permettent de prendre une mesure préventive comme celle prévue à l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale et n'entraient pas non plus dans le champ de l'article R. 57-7-2 de ce code.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 28 juin 2016, le directeur de maison centrale d'Ensisheim a, à titre préventif, placé M. B..., détenu dans cet établissement, en cellule disciplinaire. Le 13 juillet 2016, en sa qualité de président de la commission de discipline de cet établissement, il a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de trois jours. Par une décision du 5 août 2016 qui s'est substituée à celle du 13 juillet 2016, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé cette sanction. M. B... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées des 28 juin et 5 août 2016.

Sur la légalité des décisions des décisions des 28 juin et 13 décembre 2016 :

2. Aux termes de l'article de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) 3° De refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement (...) ". Selon l'article R. 57-7-2 du même code : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue :/ (...) 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service (...) ". L'article R. 57-7-47 précise que, pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors de l'hypothèse où l'injonction adressée à un détenu par un membre du personnel de l'établissement pénitentiaire serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine, tout ordre du personnel pénitentiaire doit être exécuté par les détenus. Le refus d'obtempérer à une injonction d'un membre du personnel constitue une faute disciplinaire du troisième degré qui est de nature à justifier une sanction. Le refus de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service constitue une faute disciplinaire du deuxième degré également de nature à justifier une sanction.

3. Aux termes de l'article R. 57-7-18 de ce code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement.(...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, le 28 juin 2016, M. B... a refusé de regagner sa cellule. Pour décider du placement préventif de M. B... en cellule disciplinaire et confirmer la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de trois jours, infligée à l'intéressé à raison de ces faits, le directeur de la maison centrale d'Ensisheim et la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg, respectivement, ont estimé que le comportement de l'intéressé constituait à la fois un refus d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement et un refus de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service, au sens des dispositions précitées des articles R. 57-7-3 et R. 57-7-2 du code de procédure pénale.

5. Si l'injonction faite à M. B... de regagner sa cellule répondait aux nécessités du bon ordre de l'établissement pénitentiaire, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle injonction ait eu, en l'espèce, pour motif la mise en oeuvre d'une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service, ni que le refus de M. B... de déférer à cette injonction aurait eu lieu dans des conditions ou circonstances telles qu'il mettait en cause le respect d'une règle de sécurité prévue par ces mêmes textes. Ainsi, ni le directeur de la maison centrale d'Ensisheim, ni la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg ne pouvaient légalement fonder leurs décisions respectives sur le motif tiré de ce que M. B... avait refusé de se soumettre à une mesure de sécurité de la nature de celles prévues à l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. En application de l'article R. 57-7-47 de ce code, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg ne pouvait légalement infliger à M. B... une sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée supérieure à sept jours pour le seul motif tiré de ce qu'il avait refusé d'obtempérer aux injonctions du personnel de l'établissement, de tels faits n'étant constitutifs que d'une faute disciplinaire du troisième degré. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que tant le directeur de la maison centrale d'Ensisheim que la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg auraient pris les mêmes décisions en se fondant uniquement sur la circonstance que M. B... avait indument refusé d'obtempérer à une injonction du personnel de l'établissement. Par suite, ce dernier est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que de la décision du directeur de la maison centrale d'Ensisheim du 28 juin 2016 et de la décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg du 5 août 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. B... au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg, la décision du directeur de la maison centrale d'Ensisheim du 28 juin 2016 et la décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg du 5 août 2016 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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N° 18NC02742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02742
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc02742 ?
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