Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 mars 2015 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg l'a placée à titre préventif en quartier disciplinaire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1503473 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC02112, le 26 juillet 2018, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 27 mars 2015 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg l'a placée à titre préventif en quartier disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la communication du sens des conclusions du rapporteur public du tribunal administratif de Strasbourg n'a pas répondu aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement du 15 mars 2018 n'est signé ni par le président, ni par le rapporteur, ni par le greffier, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la signature apposée sur la décision l'ayant placée à titre préventif en quartier disciplinaire n'était pas lisible ;
- la délégation de signature consentie à l'auteur de cette décision n'a pas été portée à la connaissance de l'ensemble des détenus et ne lui était donc pas opposable ;
- la durée de son placement préventif en quartier disciplinaire a excédé la durée maximale prévue par l'article R. 57-7-19 du code de procédure pénale et l'article 91 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, dite loi pénitentiaire ;
- la règle de computation de ce délai, prévue au second alinéa de l'article R. 57-7-19 du code de procédure pénale doit être écartée comme contraire à l'article 91 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- les deux alinéas de l'article R. 57-7-19 sont équivoques et ne répondent pas à l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme ;
- la décision l'ayant placée à titre préventif en quartier disciplinaire est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle n'a pas été, comme le requiert l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale, l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 27 mars 2015, le directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg a placé Mme B... à titre préventif en quartier disciplinaire pour des faits de tapage en détention. Mme B... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".
3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapporteur public a, avant l'audience publique du tribunal administratif de Strasbourg du 15 février 2018, précisé le sens de ses conclusions dans l'affaire concernant Mme B..., en faisant porter, sur le site Sagace, la mention " Rejet au fond ". Contrairement à ce que soutient Mme B..., qui ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 9 janvier 2009, dépourvue de valeur réglementaire, cette mention répondait suffisamment aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
6. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié à la requérante n'entache pas ce jugement d'irrégularité.
Sur la légalité de la décision du 27 mars 2015 :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. Aux termes de l'article 91 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 : " En cas d'urgence, les détenus majeurs et les détenus mineurs de plus de seize ans peuvent faire l'objet, à titre préventif, d'un placement en cellule disciplinaire ou d'un confinement en cellule individuelle. Cette mesure ne peut excéder deux jours ouvrables ". Aux termes de l'article R. 57719 du code de procédure pénale : " La durée du confinement en cellule individuelle ordinaire ou du placement en cellule disciplinaire, prononcés à titre préventif, est limitée au strict nécessaire et ne peut excéder deux jours ouvrables. / Le délai de computation du placement préventif commence à courir le lendemain du jour du placement en prévention. Il expire le deuxième jour suivant le placement en prévention, à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ".
8. En premier lieu, la décision du 27 mars 2015 est signée, pour le directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg, par le premier surveillant Dermeche, à qui délégation de signature avait été donnée par le chef d'établissement à l'effet de placer les personnes détenues en cellule disciplinaire à titre préventif, par une décision du 10 novembre 2014, affichée dans les unités d'hébergement de la maison d'arrêt le 1er décembre 2014. En raison de l'objet même de cette délégation de signature, ce mode de publicité a été suffisant pour conférer à cette décision date certaine et la rendre opposable aux tiers. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit dès lors être écarté.
9. En deuxième lieu, si la requérante soutient que la signature apposée par le premier surveillant Dermeche sur la décision du 27 mars 2015 est illisible, cette circonstance, au demeurant inexacte, est en elle-même sans incidence sur la légalité de cette décision, qui comporte de manière lisible, le nom et la qualité du signataire, et permet donc d'identifier ce dernier sans ambiguïté.
10. En troisième lieu, la décision du 27 mars 2015 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Elle satisfait ainsi à l'obligation de motivation.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement ".
12. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu d'incident versé à l'instance, dont les conclusions ne sont pas sérieusement contestées par la requérante, qu'à la suite de sa réintégration en cellule, dans l'après-midi du 27 mars 2015, celle-ci a frappé violemment sur la porte de cellule pendant un long moment, puis, à l'ouverture de la porte, a violemment forcé le passage entre les personnels pénitentiaires, bousculant plusieurs d'entre eux. Au regard de ces circonstances et du comportement de la requérante, le directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en considérant que le placement préventif de l'intéressée en cellule disciplinaire constituait l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement.
13. En dernier lieu, il ressort de la lecture de la décision du 27 mars 2015 que le placement préventif de Mme B... en quartier disciplinaire a pris effet le vendredi 27 mars 2015 à 15 heures 25. Toutefois, cette décision ne prévoit elle-même aucune durée de placement. Si la requérante soutient que la durée de son placement, en prenant fin le lundi 30 mars 2015 à 13 heures 33, aurait excédé la durée maximale fixée par l'article 91 de la loi du 24 novembre 2009 et par le premier alinéa de l'article R. 57-7-19 du code de procédure pénale, cette circonstance ne concernait que les modalités d'exécution de la décision du 27 mars 2015 et ne saurait, en tout état de cause, affecter sa légalité. Il s'en suit également que les moyens tirés de l'illégalité ou de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article R. 57-7-19 du code de procédure pénale relatives aux règles de computation des délais de placement présentent un caractère inopérant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
2
N° 18NC02112