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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC02006

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 juillet 2020, 18NC02006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Curagest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1604375 du 15 mai 2018, l

e tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Curagest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1604375 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2018, la SARL Curagest, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2015 est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales en ce qu'il n'est pas établi que le signataire de cet acte était le comptable public ou en avait reçu délégation de signature ;

- elle remplit la condition de l'affectation d'un salarié pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés en faveur des entreprises implantées en zone franche urbaine en ce que deux de ses salariés travaillent à plein temps au siège social implanté en zone franche ; c'est à tort que l'administration entend lui refuser cette exonération à défaut du dépôt de la fiche de calcul prévue par l'article 49 L de l'annexe III au code général des impôts alors que cette fiche a bien été déposée et qu'en tout état de cause un tel motif n'est pas de nature à justifier la remise en cause de l'exonération ;

- l'intégralité de sa dette de taxe sur la valeur ajoutée ayant été régularisée, elle ne saurait être tenue de la payer à nouveau ; en outre les intérêts de retard doivent être arrêtés à la date du paiement effectif et non pas au 31 décembre 2014 comme l'a fait le service ;

- les indemnités de déplacements versées à Mme B... correspondent à des déplacements effectués par cette associée dans l'intérêt de la société pour les besoins de son activité et sont déductibles des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés ;

- c'est à tort que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable le montant des avantages en nature accordés à l'un de ses salariés au motif que cet avantage n'avait pas été comptabilisé précisément comme tel ; ce faisant l'administration fait une inexacte application de l'article 54 du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 13 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Curagest exerce une activité de collecte et de traitement des eaux usées depuis le 1er avril 2009 et a implanté son siège social au sein de la zone franche urbaine de Strasbourg-Neudorf. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 2010 ayant donné lieu à une proposition de rectification du 4 novembre 2013, confirmée par une réponse aux observations du contribuable du 24 mars 2015. La SARL Curagest a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 qui a donné lieu à une première proposition de rectification du 12 décembre 2014 concernant l'exercice 2011, confirmée par une réponse aux observations du contribuable du 24 mars 2015 suivie d'une seconde proposition de rectification du 16 juin 2015 concernant les exercices 2012 et 2013, laquelle n'a pas appelé d'observations de la part de la société vérifiée. En vue de contester les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, les suppléments d'impôt sur les sociétés et les pénalités qui lui ont été assignés en conséquence de ces procédures par un avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2015, la société a formé auprès de l'administration une réclamation préalable ayant donné lieu à une décision de rejet du 21 juin 2016. Par le jugement attaqué du 15 mai 2018, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SARL Curagest tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2015 :

2. La SARL Curagest reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux le moyen tiré de ce que le signataire de l'avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2015 ne justifiait pas d'une délégation à l'effet de signer un tel acte à la place du comptable public compétent. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter ce moyen comme non fondé.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

3. La société requérante n'ayant fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, concernant exclusivement, ainsi que cela ressort de la proposition de rectification du 16 juin 2015, la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déduite prématurément et celle déduite sur des biens exclus du droit à déduction, la circonstance qu'elle avait régularisé une insuffisance de déclaration de taxe collectée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 est sans aucune influence sur le bien-fondé des droits supplémentaires notifiés pour la période suivante. Par suite, la société Curagest n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'est pas redevable des rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle a régularisé une insuffisance de déclaration relative à la période antérieure.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de l'exonération concernant les entreprises implantées en zone franche urbaine :

4. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa version applicable au présent litige : " I.-Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. /Pour bénéficier de l'exonération, l'entreprise doit répondre cumulativement aux conditions suivantes :/ (...) Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines(...)IV.- Les obligations déclaratives des personnes et organismes auxquels s'applique l'exonération sont fixées par décret ". Aux termes de l'article 49 L de l'annexe III au code général des impôts : " Le contribuable qui peut bénéficier des dispositions de l'article 44 octies ou de l'article 44 octies A du code général des impôts doit joindre à la déclaration du résultat de la période d'imposition considérée un document conforme à un modèle établi par l'administration comportant les éléments nécessaires à la détermination du bénéfice ouvrant droit à exonération ".

5. D'une part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt contesté ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. D'autre part, il résulte de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales que le contribuable supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition lorsqu'il s'est abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification.

6. La société requérante s'est placée sous le bénéfice du régime de faveur prévu par les dispositions ci-dessus reproduites en faveur des entreprises implantées au sein d'une zone franche urbaine. Il n'est pas contesté que son siège social est implanté au sein de la zone franche urbaine de Strasbourg-Neudorf mais qu'elle réalise son activité non sédentaire de curage, débouchage des canalisations et assainissement des réseaux sur des chantiers extérieurs à cette zone. Afin de remettre en cause le bénéfice de cette exonération, le service a estimé que la société requérante ne remplissait ni la condition de chiffre d'affaires, ni celle relative à l'emploi à plein temps d'au moins un salarié sédentaire au sein de la zone franche. L'administration s'est également fondée sur la circonstance que la société requérante n'avait pas joint à ses déclarations de résultat le tableau de calcul du bénéfice exonéré prévu par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 49 L de l'annexe III au code général des impôts.

7. D'une part, si la société requérante soutient que ses salariés, en particulier son " responsable d'activité ", exercent leurs attributions " tout ou partie de la journée " au sein de la zone franche, il ne résulte pas de l'instruction s'agissant de l'année 2010 ni des éléments de preuve apportés par la société s'agissant des autres années qu'elle a employé au moins un salarié sédentaire à plein temps à son siège social alors qu'elle a fait l'objet d'un contrôle sur place qui a démontré que ses salariés intervenaient sur les chantiers.

8. D'autre part, si les dispositions, de caractère réglementaire, ci-dessus reproduites de l'article 49 L de l'annexe III au code général des impôts prévoient que le contribuable doit joindre à sa déclaration de résultat un état des bénéfices ouvrant droit à exonération, elles ne sauraient, compte tenu des termes de l'article 44 octies A précité, avoir pour effet de lui interdire de régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, dans le cas où il n'aurait pas joint ce document à sa liasse fiscale. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que la société Curagest ait régularisé sa situation en ce qui concerne le dépôt de l'état des bénéfices exonérés.

9. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant sur les deux motifs analysés aux points 7 et 8 précédents, l'administration a pu à bon droit remettre en cause le régime d'exonération sous lequel la société s'était placée.

S'agissant des sommes versées à Mme B... :

10. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre... : Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ".

11. La société requérante soutient que Mme B..., son associée, a effectué pour son compte des déplacements avec son véhicule personnel au cours des années 2012 et 2013 pour les besoins de son activité, ayant donné lieu au versement d'indemnités kilométriques et que ces dépenses constituent des charges déductibles du résultat imposable. Toutefois, elle ne produit aucune justification de la réalité du service qui lui aurait été rendu par l'intéressée alors que la charge de la preuve du mal fondé des réintégrations effectuées à ce titre par le service lui incombe en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, en l'absence d'observations de sa part à la proposition de rectification du 16 juin 2015.

S'agissant des sommes versées à M. C... :

12. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Il résulte de ces dispositions qu'une société qui comptabilise indistinctement, dans son compte de frais généraux, des avantages en nature accordés à des membres de son personnel et qui, revêtant de ce fait un caractère occulte, sont constitutifs pour ceux-ci de revenus distribués, ne peut, elle-même, les soustraire de son bénéfice imposable.

13. Il ressort de la proposition de rectification du 16 juin 2015 que la société Curagest a versé à M. C... au cours de la période du 1er janvier au 31 juillet 2012 des indemnités kilométriques pour l'utilisation de son véhicule personnel en sus de ses autres indemnités de déplacements professionnels. L'administration a regardé ces sommes, non pas comme une allocation pour frais d'emploi, mais comme un avantage en nature devant être inscrit de manière explicite en comptabilité. La société requérante ne contestant ni la qualification des sommes litigieuses, ni leur absence de comptabilisation en tant qu'avantage en nature dans sa comptabilité, n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré les sommes versées à M. C... dans son bénéfice imposable au titre de l'année 2012.

Sur le calcul des intérêts de retard :

14. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) IV. - 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement ".

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que l'administration n'a pas mis à la charge de la société requérante des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se serait déjà acquittée. Par suite, la société Curagest n'est pas fondée à soutenir que le cours des intérêts de retard aurait dû être arrêté à la date de paiement de la taxe collectée qu'elle avait régularisée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Curagest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL CURAGEST est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Curagest et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 18NC02006 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02006
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Personnes et activités imposables. Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : NONNENMACHER-EHRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc02006 ?
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