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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC01871

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 juillet 2020, 18NC01871


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Quincaillerie Ferbat a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1506832 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2018, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 28

mai 2019, la SA Quincaillerie Ferbat, représentée par Me Nonnenmacher, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Quincaillerie Ferbat a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1506832 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2018, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 28 mai 2019, la SA Quincaillerie Ferbat, représentée par Me Nonnenmacher, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2015 est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales en ce qu'il n'est pas établi que le signataire de cet acte était le comptable public ou en avait reçu délégation de signature ; en tout état de cause, cet avis n'a pas été signé, une telle signature étant indispensable même en cas d'ampliation ; en violation de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, cet avis a omis de viser l'une des deux propositions de rectification dont procèdent les redressements litigieux ;

- l'administration a détourné la procédure de règlement particulier de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales et a, au cours de la vérification de comptabilité, fait pression sur elle pour obtenir une acceptation des redressements en la menaçant d'une augmentation substantielle des rehaussements en cas de refus de sa part ;

- le vérificateur s'est refusé à tout débat oral et contradictoire, d'abord en procédant à des menaces en détournant la procédure de l'article L. 62 de son objet, ensuite en se refusant à tout échange de vues sur les rôles et fonctions des dirigeants ;

- l'administration a violé l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ne lui adressant pas de réponses à ses observations à la suite de la proposition de rectification du 21 décembre 2012 ; la circonstance qu'une seconde proposition de rectification s'est ajoutée à la première ne pouvait dispenser le service de son obligation de répondre à ses observations ;

- la proposition de rectification du 22 août 2013 est insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en l'absence de communication des éléments et pièces retraçant les éléments de rémunération des dirigeants et cadres des entreprises retenues par le service comme comparables ;

- la procédure suivie devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est irrégulière, les membres de la commission s'étant montrés partiaux et insultants à l'égard de ses représentants ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction des rémunérations versées à ses dirigeants sociaux et son directeur administratif et financier en ce que ces rémunérations ne sont pas excessives, d'abord au regard des critères internes à l'entreprise compte tenu de ses caractéristiques, ensuite au regard du manque de pertinence des termes de comparaison retenus par le service ;

- les remboursements de frais de déplacements professionnels versés à M. G... sont justifiés par les services rendus et ne doivent donc pas être pris en compte dans l'appréciation du montant de sa rémunération.

Par des mémoires en défense enregistrés le 18 décembre 2018 et le 19 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Quincaillerie Ferbat, créée en 1986, a pour activité le commerce de gros d'articles de quincaillerie et ferrures de bâtiments. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a établi, selon la procédure contradictoire, une proposition de rectification en date du 22 août 2013, annulant et remplaçant une précédente proposition du 21 décembre 2012, par laquelle elle a procédé à des rehaussements du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des années 2010 et 2011, redressements que la société a refusés. Le différend a été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle dans sa séance du 13 octobre 2013 a rendu un avis favorable aux redressements. Pour contester les impositions supplémentaires ayant donné lieu à un avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2015, la société Quincaillerie Ferbat a formé une réclamation préalable ayant donné lieu à une décision de rejet de l'administration du 7 octobre 2015. Par le jugement attaqué du 2 mai 2018, dont la SA Quincaillerie Ferbat relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la vérification de comptabilité :

S'agissant de la procédure de règlement particulier de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales :

2. S'il résulte de l'instruction que le vérificateur a discuté avec les représentants de la société requérante la possibilité d'avoir recours à la procédure de règlement particulier prévue par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, afin de régulariser la déduction des salaires des quatre cadres dirigeants, la société prétendant qu'à cette occasion le vérificateur aurait fait pression sur elle afin d'obtenir son acceptation des redressements moyennant une atténuation de leurs montants, il est constant que cette procédure n'a finalement pas été mise en oeuvre, la société requérante ayant renoncé à y avoir recours, tandis que l'existence de telles pressions n'est pas établie. Par suite, le moyen invoqué de ce chef sera écarté.

S'agissant de l'existence d'un débat oral et contradictoire :

3. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée soit, comme il est de règle en vertu de ces dispositions, dans ses propres locaux soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable où sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait.

4. La vérification s'est déroulée du 20 septembre au 12 décembre 2012 dans les locaux de la société. En dehors des interventions du vérificateur, il résulte de l'instruction qu'au moins trois réunions ont été tenues avec les dirigeants sociaux et son conseil. S'il est établi que l'éventualité du recours à la procédure de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales a bien été évoquée entre les parties à ces occasions, la société requérante ne rapporte pas la preuve que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec elle, en particulier sur la question des attributions des cadres dont la déduction des rémunérations a été remise en cause. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

En ce qui concerne la procédure de rectification :

5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. /(...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

S'agissant de l'indication des termes de comparaison :

6. Lorsque l'administration entend fonder au moins en partie un redressement, non sur des pratiques habituelles à la profession ou au secteur d'activité, mais sur des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, elle doit, pour assurer le caractère contradictoire de la procédure sans méconnaître le secret professionnel protégé par l'article L 103 du LPF, désigner nommément ces entreprises mais ne fournir au contribuable que des moyennes ne lui permettant pas de connaître, fût-ce indirectement, les données propres à chacune d'elles.

7. Il ressort de la proposition de rectification du 22 août 2013, par laquelle le service a entendu limiter la déduction des rémunérations des quatre cadres dirigeants de la société Quincaillerie Ferbat, qu'ont été communiqués les noms des sept entreprises du secteur d'activité ayant servi de termes de comparaison, les données moyennes et médianes des quatre rémunérations les plus élevées de ces entreprises et l'effectif ainsi que la masse salariale de cet échantillon. Le service a en outre mentionné le niveau de qualification des dirigeants de la société Quincaillerie Ferbat, la nature de leurs fonctions ainsi que leurs temps de travail. Dans ces conditions, la société requérante a été mise à même de présenter ses observations en toute connaissance de cause. Contrairement à ce qu'elle soutient, le service n'avait pas, en application des règles rappelées au point 6, à lui communiquer les pièces desquelles il avait tiré les données chiffrées des entreprises de l'échantillon. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification du 22 août 2013 serait insuffisamment motivée.

S'agissant des observations à la proposition de rectification du 21 décembre 2012 :

8. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 22 août 2013 a annulé et remplacé en totalité la précédente proposition de rectification du 21 décembre 2012 et n'en a rien laissé subsister. Par suite, la circonstance que le service n'a pas répondu aux observations que la société requérante avait formulées à cette première proposition de rectification demeure sans influence sur la régularité des rectifications procédant de la seconde.

En ce qui concerne la procédure devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

9. Les vices pouvant affecter la procédure suivie devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie en application de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, ainsi que l'avis rendu par cette instance, ne sauraient affecter la régularité de la procédure d'imposition elle-même et ne sauraient entraîner la décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement à la suite de cet avis. Par suite, si la société requérante soutient que certains des membres de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ayant eu à connaître à sa demande du litige lors de sa séance du 13 octobre 2013, auraient manqué à leur devoir d'impartialité et de réserve, s'imposant à toute autorité ou instance administrative, une telle circonstance à la supposer même établie demeurerait sans influence sur la régularité des impositions litigieuses.

En ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement :

10. Aux termes de l'article L. 252 du livre des procédures fiscales : " Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article L. 256 du même livre : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret ". Aux terme de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis./ (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". Aux termes de l'article R. 256-3 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire :/a) Le premier, dit " original ", est déposé au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement ;/ b) Le second, dit " ampliation ", est destiné à être notifié au redevable ou à son fondé de pouvoir ". Aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de " l'ampliation " prévue à l'article R. * 256-3 ". Aux termes enfin de l'article R. 256-8 du même livre : " Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est (...) celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable ".

11. D'abord, l'administration justifie que le signataire de l'avis de mise en recouvrement litigieux était bien le comptable public responsable du service des impôts des entreprises de Strasbourg-Sud, désigné par arrêté du 15 janvier 2010, compétent pour mettre en recouvrement les impositions litigieuses. Ensuite, la circonstance que l'ampliation notifiée à la société requérante n'a pas été revêtue de la signature du comptable public, laquelle était apposée sur l'exemplaire original, est sans influence sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement. Enfin, la proposition de rectification du 22 aout 2013 s'étant entièrement substituée à celle du 22 décembre 2012, ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus, l'avis de mise en recouvrement n'avait pas à faire mention de cet acte dont aucune des sommes assignées à la société requérante ne procède.

Sur le bien-fondé des impositions :

12. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre... : Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

13. Il ressort de la proposition de rectification du 22 août 2013 qu'au titre des exercices clos en 2010 et 2011 la société requérante a respectivement réalisé des chiffres d'affaires de 6 105 161 euros et 6 175 441 euros et des résultats comptables de 284 854 euros et 280 667 euros, et a employé vingt-et-un puis dix-neuf salariés pour une masse salariale brute de 1 352 121 euros et 1 374 792 euros respectivement. La part des salaires versés à MM. D... G..., C... G..., F... E... et I... A..., respectivement président-directeur général, directeurs généraux et directeur administratif et financier, tous actionnaires de la société, s'est élevée à 837 397 euros et 839 845 euros au titre des années 2010 et 2011, c'est-à-dire 61 % des salaires versés et 13,6 % du chiffre d'affaires. A l'exception de M. D... G..., la rémunération de base versée aux trois autres dirigeants, identique, est de l'ordre de 13 285 euros bruts mensuels majorée de primes exceptionnelles représentant deux mois de salaire. Toutefois M. C... G... perçoit également un sursalaire de 500 euros mensuels en vertu d'une convention spéciale. Quant à M. D... G... son salaire est fixé à 15 860 euros mensuels en qualité de directeur commercial, en plus d'une rémunération de 3185 euros mensuels pour ses fonctions de président-directeur-général.

14. Si la réalité du service rendu par les quatre dirigeants ainsi que leur expérience professionnelle n'ont pas été remises en cause par le service, le vérificateur a estimé d'une part, que les rémunérations servies à ces quatre personnes représentaient une proportion excessive des chiffres d'affaires, des bénéfices et de la masse salariale, d'autre part, que ces rémunérations excédaient la moyenne des rémunérations versées en contrepartie de fonctions identiques par des entreprises comparables de la région. Le service a en conséquence déterminé le montant de la rémunération moyenne constatée parmi un échantillon de sept entreprises régionales présentées comme comparables à la société Quincaillerie Ferbat pour chacune des fonctions exercées par les quatre dirigeants. Afin de déterminer la part déductible des rémunérations versées aux intéressés le vérificateur a majoré cette rémunération moyenne de 20 %, afin de tenir compte de leur implication, du temps de travail et de leur expérience, à l'exception de celle de M. A..., majorée de 30 % afin de tenir compte en outre des tâches comptables effectuées par lui et a comparé le résultat à la moyenne la plus élevée des rémunérations de l'échantillon.

15. Afin de déterminer le montant des rémunérations versées à chacun des intéressés par la société requérante pour les comparer à la moyenne des rémunérations de l'échantillon, le vérificateur a tenu compte à juste titre des salaires hors intéressement. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur n'a pas pris en compte des indemnités kilométriques afin d'apprécier la rémunération de M. C... G..., ainsi qu'il ressort de la proposition de rectifications (§ II.C.4). Contrairement à ce que soutient également la société requérante, le contrôle du caractère excessif des rémunérations n'est pas réservé aux seules rémunérations des mandataires sociaux. Par suite, la circonstance que M. A... n'est pas titulaire d'un mandat social ne faisait pas obstacle à la réintégration dans les bénéfices sociaux de la part excessive de sa rémunération au regard du service rendu.

16. La société requérante soutient que les rémunérations versées à ses quatre dirigeants n'est pas excessive au regard de ses caractéristiques propres, de la quantité de travail accomplie par chacun d'eux ainsi que par les résultats obtenus en matière de développement du chiffre d'affaires et de bénéfices Cependant, la réalité du service rendu ne paraît pas de nature à justifier l'importance des rémunérations versées au regard de l'évolution des résultats obtenus et de celle de la politique salariale, tandis que le vérificateur a tenu compte de ces éléments et de la forte implication des intéressés en majorant la moyenne supérieure des rémunérations de l'échantillon ainsi qu'il a été dit au point 14 ci-dessus. Il résulte à cet égard des éléments énoncés au point 13 ci-dessus que les rémunérations versées aux dirigeants et associés de la société Quincaillerie Ferbat sont en elles-mêmes excessives par rapport à sa taille, à son effectif, au montant total des rémunérations versées, à son chiffre d'affaires et à son bénéfice.

17. La société requérante conteste la pertinence des entreprises composant l'échantillon ayant servi à déterminer la fraction admise en déduction de la rémunération de ses quatre salariés les mieux rémunérés. Toutefois, il résulte d'abord de l'instruction que les entreprises sélectionnées par l'administration exercent toutes une activité de commerce de gros en produits de quincaillerie, se situant dans le même secteur d'activité, comptent en moyenne, comme la société Quincaillerie Ferbat, une vingtaine de salariés et dégagent un bénéfice comptable, en valeur moyenne, supérieur à celui de cette dernière et, en valeur médiane, légèrement inférieur. Même si les critères pris en considération dans ces entreprises ne coïncident pas exactement avec l'élément correspondant de la société Ferbat, notamment en ce qui concerne l'appartenance de certaines d'entre elles à un groupe de sociétés, la méthode de l'administration doit être regardée comme établie sur des bases suffisamment fiables et lui permettant de dégager des données moyennes et médianes pertinentes en terme de rémunérations. Dès lors, ainsi qu'il a été dit plus haut, que l'administration a pris en compte le bénéfice comptable des entreprises retenues comme termes de comparaison qu'elle a retenus, les éléments apportés par la société requérante sur sa bonne situation économique et financière ne permettent pas de remettre en cause la pertinence de la méthode utilisée par le service pour justifier du caractère excessif de la rémunération des quatre dirigeants de l'intéressée. Ensuite, dans les circonstances de l'espèce, pour porter une appréciation sur le caractère excessif des rémunérations versées aux cadres dirigeants de la société requérante, et pour les besoins de la comparaison avec des entreprises regardées comme similaires, l'administration a pu, sans que sa méthode puisse être critiquée, utiliser des éléments fondés sur les rémunérations cumulées des quatre personnels les mieux payés de chacune des entreprises retenues comme termes de comparaison, quand bien même il ne s'agirait pas exclusivement de mandataires sociaux ou de dirigeants. Enfin, les éléments apportés par la société requérante, relatifs à l'importance des responsabilités de ses dirigeants, à leur implication et à leur investissement, ainsi qu'au rôle déterminant qu'ils ont joué dans son développement, ne permettent pas de remettre en cause la pertinence de la méthode utilisée par l'administration pour établir le caractère excessif de leur rémunération, ainsi qu'il résulte des points 14 et 16 ci-dessus. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables des années 2010 et 2011 la fraction des rémunérations versées aux quatre salariés les mieux payés de la société Quincaillerie Ferbat dont elle a établi le caractère excessif.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Quincaillerie Ferbat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Quincaillerie Ferbat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Quincaillerie Ferbat et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 18NC01871

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01871
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Charges salariales.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : NONNENMACHER-EHRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc01871 ?
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