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02/07/2020 | FRANCE | N°19NC03751

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juillet 2020, 19NC03751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Par un jugement n° 1908356 du 19 novembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Str

asbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Par un jugement n° 1908356 du 19 novembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2019, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 6 novembre 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, dans un délai déterminé et, au besoin, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement, de réexaminer sa situation, au besoin sous astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors le préfet de la Moselle, en prononçant à son encontre une mesure d'éloignement, a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 octobre 2019, qui rejette pour irrecevabilité sa demande de réexamen de sa demande d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Moselle ne pouvait légalement prendre une telle mesure avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se prononce sur sa demande de réexamen, qu'il ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle et qu'il n'a pas davantage examiné si des circonstances humanitaires pouvaient s'opposer à l'adoption d'une telle mesure d'interdiction ;

- l'interdiction de retour d'un an est manifestement disproportionnée au regard de sa situation personnelle ;

- elle porte atteinte aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B... est un ressortissant afghan, né le 15 mai 1986. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 5 juin 2016. Le requérant a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 août 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mai 2019. Le réexamen de cette demande d'asile, sollicité par l'intéressé le 20 septembre 2019, a donné lieu, le 27 septembre suivant, à une décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Alors qu'il se trouvait à la gare ferroviaire de Metz, le 6 novembre 2019, M. B... a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de la police aux frontières de Metz. Constatant que le requérant, conformément aux dispositions du 4°bis de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France et pouvait se voir retirer l'attestation de demande d'asile, le préfet de la Moselle, par un arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2016. Il relève appel du jugement n° 1908356 du 19 novembre 2019, qui rejette sa demande.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 7 avril 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences résultant de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet de la Moselle a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit résultant du défaut d'un tel examen doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas des motifs de la décision en litige, que le préfet de la Moselle aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort lié par la décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 septembre 2019 pour prendre la mesure d'éloignement contestée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur de droit pour ce motif.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est présent sur le territoire français que depuis 2016. Il n'y justifie d'aucune attache familiale ou personnelle et ne démontre pas davantage son intégration sociale et professionnelle en France. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment son épouse et ses deux enfants. Par suite et alors même que l'intéressé n'aurait commis aucun trouble à l'ordre public, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

8. En cinquième et dernier lieu, pour les motifs exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle du requérant doit également être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui a déjà été dit, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.

10. En deuxième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences figurant à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Si M. B... fait valoir que son père a été assassiné et qu'il craint pour sa vie en cas de retour en Afghanistan en raison de son appartenance aux forces armées afghanes, ses allégations ne sont étayées par aucune pièce du dossier. Par suite et alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et que sa demande de réexamen a été déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

14. Il ressort des motifs de la décision en litige que, pour justifier le prononcé à l'encontre de M. B... d'une interdiction de retour d'un an, le préfet de la Moselle fait état de la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire français et de son absence de liens intenses et stables avec la France. Il précise également que le requérant n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que son comportement ne présente pas une menace pour l'ordre public. Le préfet de la Moselle a ainsi suffisamment motivé la décision en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

15. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet de la Moselle s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... et qu'il a également vérifié si des circonstances humanitaires pouvaient faire obstacle au prononcé de la mesure contestée. En outre, son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 septembre 2019 n'ayant pas de caractère suspensif, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'autorité administrative ne pouvait légalement prononcer une interdiction de retour d'un an avant que la Cour nationale du droit d'asile n'ait statué sur ce recours. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté dans ses différentes branches.

16. En troisième lieu, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B..., le préfet de la Moselle, en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle.

17. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant, ainsi qu'il a déjà été dit au point 8 du présent arrêt, ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle en France. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 6 novembre 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. D... B..., en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 19NC03751 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03751
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BLANVILLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;19nc03751 ?
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