Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 1701009 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 novembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'OFPRA de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'OFPRA une somme de 1 800 euros à verser à Me Jeannot sur le fondement combiné des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision est signée par une autorité incompétente ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que, ne pouvant prétendre ni à la nationalité azerbaïdjanaise ni à la nationalité russe ni à la nationalité arménienne, il est apatride au sens de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 ;
- elle est également entachée d'une erreur de fait ;
- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne démontre pas qu'il entrerait dans les prévisions de l'article 13 de la loi arménienne sur la citoyenneté en date du 6 novembre 1995.
- le tribunal, qui a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il a été victime de la politique discriminatoire menée par les autorités russes à l'égard des minorités caucasiennes, a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 1er juillet 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides publiés par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M B... déclarant être né le 19 décembre 1980 en Azerbaïdjan, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2013, en vue de solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 13 juin 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 février 2015. Le 10 juillet 2015, il a sollicité la reconnaissance de la qualité d'apatride. Par une décision du 2 décembre 2016, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a opposé un refus. Par un jugement du 8 novembre 2018, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement du 8 novembre 2018 que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, se sont prononcés de manière suffisante sur tous les moyens soulevés devant eux. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement entrepris serait entaché d'un défaut de réponse à moyen ainsi que d'une insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, M. B... se borne à reprendre en appel le moyen tiré l'incompétence du signataire de la décision contestée que le tribunal a écarté, à juste titre, par une motivation suffisante qui n'appelle aucune précision. Il y a lieu par suite d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige par adoption des motifs du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la convention de New York, du 28 septembre 1954 : " Aux fins de la présente Convention, le terme ''apatride'' désigne une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Aux termes de l'article L. 812-2 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
5. Pour rejeter la demande de M. B..., le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a indiqué que la seule production d'une copie d'un document, émanant du bureau du service des passeports du district de Zapadni, daté du 16 avril 1997, était insuffisante pour établir que les autorités russes auraient refusé de le reconnaître comme leur ressortissant. Il a relevé que ce document, versé à l'état de copie, n'était pas probant et qu'il ne permettait pas d'établir que le requérant avait réitéré ses démarches auprès des autorités russes compétentes pour régulariser sa situation administrative au regard de la nationalité en Russie, pays dans lequel il a vécu pendant plus de vingt ans. Il a ajouté que l'intéressé qui présente son père comme étant de d'origine arménienne, ne justifie pas avoir effectué des démarches suivies et réitérées auprès des autorités arméniennes alors qu'il est éligible à la citoyenneté arménienne, en application de l'article 13 de la loi de la République d'Arménie sur la citoyenneté du 6 novembre 1995.
6. M. B... déclare être né en Azerbaïdjan le 19 décembre 1980, d'un père d'origine arménienne et d'une mère d'origine azerbaïdjanaise. Il affirme qu'il a quitté l'Azerbaïdjan après l'assassinat de son père en 1989 pour se rendre en Russie en compagnie de sa mère et de sa sœur, avoir vécu dans la ville de Krasnodar puis avoir déménagé dans la région de Moscou en 2013 avec son épouse, d'origine arménienne, avant de se rendre en France le 22 décembre 2013, démuni de tout document permettant d'établir son identité. Il soutient qu'en dépit de ses démarches auprès des ambassades de Russie et d'Azerbaïdjan en France, il n'a pu obtenir la nationalité russe ou un justificatif refusant de lui reconnaître cette nationalité et qu'il n'a pas davantage pu obtenir la nationalité arménienne, dès lors qu'il ne remplit pas toutes les conditions prévues par la loi de ce pays.
7. En se bornant à produire notamment les copies d'un certificat de mariage établi en Russie en 2010, d'un certificat de résidence russe et d'une obligation de quitter le territoire russe datant de 2013, ainsi qu'un courrier du 11 janvier 2017 adressé à l'ambassade de la Fédération de Russie en France, rédigé en langue française, dépourvu de pièces justificatives, sollicitant la délivrance " d'un document lui donnant la nationalité de la Fédération de Russie", M. B... ne peut être regardé comme justifiant avoir engagé en vain des démarches répétées et assidues auprès de cet Etat pour se voir reconnaître la nationalité russe et ne démontre pas qu'il ne pourrait pas obtenir cette nationalité par application des dispositions de l'article 18 de la loi russe du 28 novembre 1991 ou des dispositions de l'article 14 de la loi russe n° 62-FZ du 31 mai 2002. Par ailleurs, M. B... ne démontre pas qu'il ne pourrait pas se prévaloir des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 13 de la loi arménienne du 6 novembre 2015, modifiée le 8 décembre 2011 et n'établit pas avoir accompli des démarches répétées et assidues aux fins de se voir reconnaître la nationalité arménienne et s'être vu refuser cette nationalité. Enfin, si la loi azerbaïdjanaise du 30 septembre 1998 conditionne 1'accès à la citoyenneté à une obligation de résidence en Azerbaïdjan à la date de son entrée en vigueur, cette circonstance est sans influence sur la décision attaquée qui n'oppose pas au requérant un motif tiré de ce qu'il serait susceptible d'obtenir la nationalité de ce pays. Ainsi, M. B... n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de l'OFPRA tendant à ce que soit mis à la charge de la requérante les frais exposés et non compris dans les dépens dans le cadre de la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
N° 19NC00858 3