Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 27 mars 2017 par laquelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a rejeté leur demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de la vaccination de leur fils E... A... contre la grippe A/H1N1, d'autre part, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer si cette vaccination est directement à l'origine de la dégradation de l'état de santé de l'enfant.
Par un jugement n° 1702709 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné avant dire droit une expertise médicale aux fins notamment de déterminer si la vaccination contre la grippe A/H1N1 est directement à l'origine de la dégradation de l'état de santé de l'enfant.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2020, l'ONIAM, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702709 du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. et de Mme A... en tant qu'elle sollicite une expertise médicale ;
Il soutient que :
- la condition du lien de causalité, exigée par l'article L. 3131-4 du code de la santé publique, n'est pas remplie en l'espèce ;
- l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Strasbourg présente un caractère frustratoire ;
- le risque de développer une narcolepsie après un vaccin de type " Pandemrix " n'existe pas pour le vaccin de type " Panenza ", qui a été administré au fils des requérants ;
- l'enfant a commencé à ressentir des symptômes de somnolence en mai 2011, soit près d'un an et demi après la vaccination, alors que le délai d'apparition de ces symptômes est généralement inférieur à six mois ;
- l'expert désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a remis son rapport le 19 juillet 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019, Mme C... A... et M. F... A..., agissant pour le compte de leur fils, représentés par Me G..., concluent au rejet de la requête, à la condamnation de l'ONIAM aux entiers dépens et à la mise à sa charge de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que l'appel interjeté par l'ONIAM ne présente pas d'intérêt et que les moyens invoqués par lui ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 1er janvier 2005, Houdayfa A..., fils de M. F... A... et de Mme C... A..., a été vacciné les 9 décembre 2009 et 6 janvier 2010 par le " Panenza ", dans le cadre de la campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1 organisé par le ministre de la santé et des sports. Un diagnostic de narcolepsie ayant été confirmé, le 12 juin 2012, chez l'enfant, les parents ont, le 2 décembre 2016, saisi l'ONIAM, sur le fondement du premier alinéa des articles L. 3131-4 et R. 3131-1 du code de la santé publique, d'une demande d'indemnisation des préjudices que les intéressés estiment avoir subis du fait de la narcolepsie imputée à cette vaccination. Le 27 mars 2017, se fondant sur les études médicales réalisées, l'office a considéré que, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise médicale, aucun sur-risque de narcolepsie n'avait été relevé pour le vaccin " Panenza " et a, en conséquence, rejeté la demande d'indemnisation. M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 27 mars 2017, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer si la vaccination est directement à l'origine de la dégradation de l'état de santé de leur fils. L'ONIAM relève appel du jugement n° 1702709 du 2 octobre 2018, qui ordonne avant dire droit l'expertise médicale ainsi sollicitée.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. ". Il résulte de ces dispositions qu'est entachée d'irrégularité un jugement avant dire droit ordonnant une expertise présentant un caractère frustratoire.
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3131-4 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 3131-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les demandes d'indemnisation par la voie de la procédure amiable prévue à l'article L. 3131-4 au titre des préjudices définis au même article sont adressées à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 3131-3-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'article R 3131-3-1 du code de la santé publique précise : " Si l'acte a été réalisé dans le cadre de mesures prises pour l'application des articles L. 3131-1 ou L. 3134-1, le directeur de l'office diligente, s'il y a lieu, une expertise, afin d'apprécier l'importance des dommages et de déterminer leur imputabilité. ".
4. Par un arrêté du 4 novembre 2009, pris sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, le ministre de la santé et des sports a organisé, au titre des mesures d'urgence destinées à prévenir ou à limiter les conséquences d'une menace sanitaire grave, une campagne de vaccination contre le virus A/H1N1 entre le 20 octobre 2009 et le 1er octobre 2010. En vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique, il appartient à l'ONIAM d'assurer la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une mesure sanitaire d'urgence à condition qu'un lien de causalité soit établi par le demandeur entre les préjudices et cette mesure.
5. Pour conclure à l'inutilité de l'expertise ordonnée avant dire droit par le tribunal administratif de Strasbourg, l'ONIAM fait valoir que le sur-risque de développer une narcolepsie, constaté en cas de vaccination par le " Pandemrix ", n'existerait pas en cas de vaccination par le " Panenza ". Pour parvenir à une telle conclusion, l'office se fonde plus particulièrement sur les données fournies par l'étude " Narco-Flu " du 6 août 2012, par celle du professeur Yves Dauvilliers parue en 2013 dans une revue scientifique britannique et par celles de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans son point du 19 septembre 2013. Il en résulte que, sur les 61 cas de narcolepsie reconnus imputables à la campagne de vaccination organisée en France entre le 20 octobre 2009 et le 1er octobre 2010, 56 ont été vaccinés par le " Pandemrix " (soit un ratio de 1,4 pour 100 000) et 3 par le " Panenza " (soit un ratio de 0,32 pour 100 000). Toutefois, ainsi que le font valoir M. et Mme A... en défense, l'absence de sur-risque de développement d'une narcolepsie à la suite d'une vaccination par le " Panenza " ne permet pas d'exclure totalement qu'il puisse, le cas échéant, exister un lien de causalité entre ce mode de vaccination et la pathologie ainsi contractée par leur fils. Par suite et alors que, au demeurant, l'expert désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a remis son rapport le 19 juillet 2019, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que l'expertise ordonnée par les premiers juges présentait un caractère frustratoire et à demander, pour ce motif, l'annulation pour irrégularité du jugement de première instance.
6. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné avant dire droit une expertise médicale. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au rejet de la demande de première instance en tant qu'elle sollicite une telle expertise doivent également être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
7. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions de M. et Mme A... à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de justice :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM versera à M. et Mme A... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... à fin d'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Me G... pour M. F... A... et Mme C... A... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
N° 18NC03225 4