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02/07/2020 | FRANCE | N°18NC02974

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 18NC02974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803210, 1803211 du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le p

réfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803210, 1803211 du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803210, 1803211 du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2018, sous le n°18NC02974, M. C... B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 17 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2018, sous le n°18NC02976, Mme D... B..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 17 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- le préfet n'établit pas qu'un médecin rapporteur se soit prononcé sur sa situation médicale et n'ait pas siégé au sein du collège des médecins ;

- la procédure est irrégulière dès lors que l'avis du collège ne mentionne pas le nom du médecin rapporteur, ne permettant pas au préfet de s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins ; la présence du médecin rapporteur au sein du collège la prive d'une garantie ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision de refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article L. 313-11 en son 7° et 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 22 novembre 2018.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18NC02974 et 18NC02976, présentées respectivement pour M. C... B... et pour Mme D... B..., concernent la situation des membres d'un même couple au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme B..., nés respectivement en 1975 et en 1984 de nationalité kosovare, sont entrés irrégulièrement en France le 17 novembre 2014 selon leurs déclarations. A... ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mai 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 décembre 2015. Le 1er décembre 2015, Mme B... a déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 17 février 2016, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet du Haut-Rhin de leur délivrer un titre de séjour. M. et Mme B... ont ainsi bénéficié du renouvellement de leur titre de séjour eu égard à l'état de santé de cette dernière jusqu'au 24 juillet 2017. Par arrêtés du 17 avril 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 26 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 17 avril 2018.

Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :

3. M. et Mme B... soulèvent dans leur requête les moyens respectivement tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés et de ce que les décisions fixant le pays de destination méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces moyens, qui ne sont pas assortis de précisions nouvelles, ont été à bon droit écartés par le tribunal administratif dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.

Sur le refus de renouvellement des titres de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

5. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

6. Il ressort des pièces du dossier, spécialement des mentions figurant sur l'avis du 19 février 2018 émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et sur le bordereau de transmission de cet avis à l'autorité préfectorale daté du 23 février 2018, produit par le préfet du Haut-Rhin pour la première fois en appel, que le médecin qui a établi le rapport médical sur l'état de santé de Mme B..., le 22 octobre 2017, n'est pas au nombre des trois médecins signataires de l'avis du 19 février 2018 et n'a donc pas siégé au sein de ce collège. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes même de l'arrêté du 17 avril 2018 concernant la situation de Mme B..., que le préfet, après avoir rappelé les dispositions applicables, a considéré qu'eu égard à l'avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'intéressée pouvait bénéficier d'une offre de soins appropriée dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque. Par suite, le préfet, qui n'était pas tenu de se prononcer les conséquences d'un défaut de soins dès lors qu'il a fondé sa décision sur leur disponibilité au Kosovo, doit être regardé comme ayant suffisamment motivé l'arrêté concernant la situation de Mme B....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

10. Mme B... affirme souffrir de troubles psychiatriques liés à un syndrome de stress post-traumatique, pour lesquels elle suit un traitement médicamenteux et bénéficie d'une séance mensuelle de psychothérapie. Pour refuser à l'intéressée le titre de séjour qu'elle avait sollicité pour raisons de santé, le préfet du Haut-Rhin s'est fondé sur l'avis émis le 19 février 2018 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que, si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et pouvait voyager sans risque. Si la requérante produit des certificats médicaux attestant d'un suivi médical, elle n'établit pas qu'elle ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés du 3 avril 2017 produit par la requérante traite, comme cela ressort de l'introduction de ce document, de la question d'une schizophrénie paranoïde combinée à un syndrome post-traumatique, pathologie particulière sans rapport avec celle de la requérante. Par ailleurs, ce document d'ordre général ne permet pas de justifier l'indisponibilité du traitement médicamenteux de Mme B... au Kosovo. Il ressort au contraire du courriel du conseiller santé auprès du directeur général du ministère de l'intérieur du 31 janvier 2019, produit par le préfet pour la première fois en appel que les quatre médicaments prescrits à Mme B..., ou une molécule équivalente pour le Théralène, sont disponibles au Kosovo. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant à Mme B... le séjour ferait une inexacte application des dispositions précitées et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

12. M. et Mme B... se prévalent de la durée de leur séjour, de la présence régulière en France de leurs trois enfants et des emplois occupés par M. B... durant la période au cours de laquelle A... ont bénéficié de titres de séjour. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. et Mme B... étaient en France depuis quatre ans à la date des décisions attaquées. Si les requérants se prévalent de leur volonté d'intégration en France, au regard en particulier de la scolarisation de leurs enfants et des période d'emplois de M. B..., il ne ressort pas des pièces des dossiers que les intéressés sont dépourvus d'attaches dans leur pays, où la cellule familiale pourra se reconstituer compte tenu du jeune âge des enfants. A... n'établissent pas des attaches qu'ils auraient tissées en France. Dans ces conditions, contrairement à leurs allégations, les requérants ne peuvent être regardés comme ayant fixé et développé en France le centre de leurs intérêts privés et familiaux. Par suite, A... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Haut-Rhin, en refusant de les admettre au séjour, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. Les requérants se prévalent de la scolarisation de leurs deux enfants nés en 2008 et en 2011 en produisant leur certificat de scolarisation et leurs bulletins scolaires. Il ressort des pièces du dossier que les deux enfants, scolarisés à la date des décisions attaquées en classe de cours préparatoire et en deuxième année de cours élémentaire, débutent leur vie scolaire. Il n'est pas justifié qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.

15. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, les moyens tirés de l'erreur manifeste commise par le préfet du Haut-Rhin dans son appréciation de la situation personnelle des intéressés doit être écarté.

Sur les obligations de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français devraient être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ne peuvent qu'être écartés.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français n'est ni contraire à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

19. M. et Mme B... soutiennent que les décisions les obligeant à quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 12 et 14 en ce qui concerne le refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions doivent être écartés. Le préfet du Haut-Rhin n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

20. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination devraient être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements contestés, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... B... et Mme D... B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC02974, 18NC02976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02974
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;18nc02974 ?
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