La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2020 | FRANCE | N°18NC01725

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 18NC01725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Berges du Canal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 6 décembre 2010 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1506825 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregi

strés les 14 juin et 8 novembre 2018, la SCI Les Berges du Canal, représentée par Me Schmitt, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Berges du Canal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 6 décembre 2010 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1506825 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 8 novembre 2018, la SCI Les Berges du Canal, représentée par Me Schmitt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle n'explicite pas les modalités selon lesquelles la valeur médiane appliquée a été déterminée ;

- il appartient à l'administration de démontrer que, conformément aux dispositions de l'article 80 de la directive communautaire 2006/112/CE du 28 novembre 2006, le comité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été informé du mécanisme mis en place par l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ou de ce que le conseil de l'Union européenne a effectivement autorisé son maintien ;

- l'article L. 17 du livre des procédures fiscales est contraire à l'article 80 de la directive précitée ;

- les conditions d'application du dispositif d'exception prévu à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, tel qu'interprété à la lumière de l'article 80 de la directive TVA, ne sont pas en l'espèce réunies ;

- c'est à tort que l'administration a retenu les surfaces indiquées dans les contrats de vente en l'état futur d'achèvement signés en mars et avril 2011 alors qu'elle aurait dû prendre en compte les surfaces et les prix mentionnés dans les contrats de réservation afférents à chacun des lots concernés et sur lesquels s'est formé l'accord des parties, nonobstant les modifications intervenues postérieurement dans la construction du bâtiment, qui ont modifié la surface des lots en cause ;

- la preuve de l'intention frauduleuse de la SCI n'est pas apportée par l'administration alors que, à la suite des réclamations des acquéreurs des lots B 110 et B 111, celle-ci a prononcé des décisions de dégrèvements des impositions personnelles mises à leur charge ;

- la valeur médiane retenue par l'administration pour déterminer la valeur réelle des deux lots n'est pas pertinente car elle n'est pas représentative de la valeur vénale au m² des lots commercialisés ; une telle valeur médiane, en excluant les valeurs extrêmes, a eu pour effet d'augmenter le différentiel entre le prix de vente des lots et la valeur vénale ; l'administration aurait dû retenir une valeur moyenne des lots ;

- l'administration a omis de prendre en compte les frais de commercialisation des deux lots B 110 et B 111 correspondant à un taux global de commissionnement de 2,85 % sur la base du prix de vente toutes taxes comprises (TTC) de l'ensemble des lots commercialisés ayant donné lieu à facturation d'honoraires ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 269 du code général des impôts en estimant que l'exigibilité de la TVA en litige intervenait à la livraison des biens immobiliers en l'absence de versement réalisé au titre des rehaussements des prix des deux lots en litige alors que s'agissant de ventes en l'état futur d'achèvement, la TVA collectée est due lors de chaque versement effectué en application de l'échéancier prévu par le contrat en fonction de l'achèvement des travaux ;

- la TVA afférente à la facture du 20 octobre 2012 établie par l'entreprise Roessel, d'un montant de 1250 euros, a été engagée dans le seul intérêt de la société requérante ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors qu'elle n'a jamais eu l'intention d'éluder l'impôt, que la méthode d'évaluation de la valeur vénale des lots en litige retenue par l'administration est erronée, que le service ne démontre pas les liens d'intérêts existant entre les acquéreurs et la SCI Les berges du canal et qu'il ne démontre pas le caractère significatif de l'écart entre les prix de vente et la valeur vénale des lots litigieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Les Berges du Canal ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me Steinmetz, représentant la SCI Les Berges du Canal.

Une note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2020, a été présentée par Me Alleki pour la SCI Les Berges du Canal.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Les Berges du Canal, détenue à 50 % par la SARL B... Immobilier, représentée par son gérant, M. H... B... et à 50 % par la SARL Développements et Territoires, représentée par son gérant, M. D... F..., a construit un ensemble immobilier composé de deux bâtiments, sur un terrain situé au 1 rue du Canal et Chemin des Mariniers à Bischheim. Au cours de l'année 2011, elle a vendu les lots du bâtiment B sous le régime de la vente en état de futur achèvement (VEFA). Elle a ainsi vendu les lots B 110 et B 111 respectivement à M. H... B... pour un montant de 210 000 euros toutes taxes comprises (TTC) et à M. E..., qui s'est substitué à M. D... B... qui avait initialement signé le contrat du 21 juin 2010 et qui fut le notaire ayant rédigé les actes de vente, pour un prix de vente de 160 000 euros TTC. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SCI Les Berges du Canal, l'administration a notifié à cette dernière, par une proposition de rectification du 25 juin 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui ont été assortis d'une majoration pour manquement délibéré. La SCI Les Berges du Canal relève appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

3. En l'espèce, la proposition de rectification du 25 juin 2014 adressée à

la SCI Les Berges du Canal comporte la désignation de l'impôt concerné ainsi que les années d'imposition au titre de laquelle les redressement ont été établis. L'acte de procédure critiqué vise les dispositions pertinentes des articles 257, 266 et 269 du code général des impôts et présente, de manière détaillée, les motifs ainsi que les modalités de calcul ayant conduit l'administration à estimer que les ventes des deux lots en litige avaient été conclues à des prix inférieurs aux prix moyen, médian et de revient du bâtiment B, ce qui a entrainé une minoration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la substitution de la valeur vénale au prix fixé par les parties pour corriger l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée :

4. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sont (...) soumises à la TVA : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (...) ". Le 2 de l'article 266 de ce code, pris pour l'adaptation de la législation nationale aux objectifs poursuivis par l'article 11-A-1-a de la directive du 17 mai 1977 du Conseil des Communautés européennes dispose : " En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : / (...) / b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : / Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; / La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du LPF, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges (...) ". Aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la TVA lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. / La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations ".

5. Les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet de donner à l'administration la faculté de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien, au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure. Conformément toutefois aux dispositions de l'article 27 de la sixième directive n° 77/388 du 17 mai 1977 du Conseil des Communautés européennes, reprises à l'article 395 de la directive n°2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. Dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale qui se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable.

6. Si afin de faire échec à l'application de ces principes la société requérante soutient que les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales sont incompatibles avec les dispositions de l'article 80 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, en l'absence de saisine par la France du comité de la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autorisation par le Conseil du maintien d'un tel dispositif, de telles conditions ne sont exigées que pour les mécanismes qui viendraient à être adoptés postérieurement au 13 août 2006, conformément aux dispositions du 3 de l'article 80. Il ressort de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales applicables sont entrées en vigueur antérieurement au 13 août 2006 et ont été régulièrement notifiées à la commission le 23 décembre 1977. Par suite, le moyen invoqué de ce chef sera écarté.

7. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 25 juin 2014, que s'agissant du bâtiment B, dans lequel sont situés les deux lots B 110 et B 111 en litige, le prix moyen et le prix médian au mètre carré des différents lots vendus s'élevaient respectivement à 2644,74 euros et 2697,18 euros. Sans les transactions en litige, la valeur moyenne au m² était de 2727,54 euros et la valeur médiane était de 2774,05 euros. En outre, à partir des données renseignées sur les déclarations n°2065 au titre des années 2011 à 2013, correspondant aux années de construction dudit bâtiment, l'administration a reconstitué son prix de revient au m² qui était de 2519,17 euros. Or, le service démontre que le lot B 110 a été vendu à un prix au m² de 2168, 94 euros et le lot B 111 à un prix de 2 375, 36 euros au m², soit des prix inférieurs aux valeurs moyenne et médiane ainsi qu'au prix de revient au m² du bâtiment B. Ce faisant l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la minoration significative du prix des ventes des lots en litige consenties par la SCI Les Berges du Canal. Il n'est en outre pas utilement contesté que les acquéreurs des lots en cause sont liés par des relations d'intérêt à la société Les Berges du Canal qui a vendu les biens, en leur qualité de gérant-associé et de partenaire économique. La volonté d'évasion fiscale qui en résulte est donc présumée.

8. Si la société requérante conteste le choix du service de retenir, pour déterminer la valeur vénale des lots en cause, le prix médian plutôt que le prix moyen, l'administration fait valoir, à juste titre, que la valeur médiane des prix de vente des appartements du bâtiment B, déterminée en excluant ceux des appartements litigieux, permet de diminuer l'influence des valeurs extrêmes et donc de se rapprocher de la valeur vénale réelle des lots vendus dans cet immeuble. En outre, en retenant les appartements situés dans ce seul bâtiment, également vendus en 2011, l'administration a choisi des termes de comparaison pertinents, nonobstant la circonstance que certains lots n'étaient pas localisés au même étage ni ne présentaient la même exposition.

9. La société requérante reproche à l'administration d'avoir omis de prendre en compte l'économie des frais de commercialisation qu'elle a réalisés sur la vente des deux lots B 110 et B 111 qu'elle a vendus directement à M. B... et M. E..., lesquels correspondent, selon elle, à un taux global de commissionnement de 2,85 % sur la base du prix de vente TTC de l'ensemble des lots commercialisés ayant donné lieu à facturation d'honoraires. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction, et notamment des différentes factures produites, qu'à l'exception du lot vendu à M. C..., les lots vendus dans le bâtiment B ont donné lieu à des frais de commercialisation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. La société requérante reproche à l'administration d'avoir retenu, pour déterminer les prix de vente des deux lots en cause, les surfaces habitables indiquées dans les contrats de vente en l'état futur d'achèvement signés en mars et avril 2011, soit 77,10 m² pour le lot B 110 et 62 m² pour le lot B 111 et non celles fixées dans les contrats de réservation signés les 25 et 21 juin 2010, pour des surfaces respectives de 70 m² et 51,55 m². Elle affirme que l'augmentation des surfaces habitables des lots B 110 et B 111, entre ces deux actes, résulterait des modifications rendues nécessaires par la réglementation en matière d'urbanisme de la commune de Bischheim, à savoir un abaissement du bâtiment B de 1,10 mètres, lequel aurait permis, par le rehaussement de la partie mansardée de cet immeuble, d'augmenter les surfaces habitables des lots en litige. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'autorisation de construire délivrée par la commune à la société requérante le 30 septembre 2010, à la suite de sa demande de permis construire du 7 mai 2010, complétée le 9 juin 2010, a fait l'objet d'une demande de permis modificatif, déposée le 13 décembre 2010, portant uniquement sur une " modification du plan masse ", sans qu'y soit évoqué un abaissement du bâtiment B. Les documents produits au dossier, notamment les plans, n'établissent pas la réalité d'une augmentation de la surface habitable des deux lots en litige qui résulterait de cette modification du plan masse, ni de l'abaissement du bâtiment B invoqué par la société requérante. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a retenu, pour la détermination de la valeur vénale des lots en cause, les surfaces habitables indiquées dans les contrats de vente, dont il ne résulte pas de l'instruction que les acquéreurs n'avaient pas connaissance lors de la signature des contrats de réservation, les 21 et 25 juin 2010. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'apporte pas la preuve que l'insuffisance des prix de vente déclarés des lots litigieux ne procèderait pas d'une volonté d'évasion fiscale. Par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, faire application des dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales et de l'article 266 du code général des impôts pour rehausser la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des cessions en cause, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir, d'une part, des dispositions de l'article 80 de la directive n°2006/115/CE du 28 novembre 2006 dans les prévisions desquelles elle n'entre pas et d'autre part, de ce que l'administration a prononcé des décisions de dégrèvement des impositions personnelles mises à la charge des acquéreurs.

En ce qui concerne l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée :

12. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : "1. Le fait générateur de la taxe se produit : /a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) /2. La taxe est exigible : a bis) Pour les livraisons d'immeubles à construire, lors de chaque versement des sommes correspondant aux différentes échéances prévues par le contrat en fonction de l'avancement des travaux ; ". Aux termes de l'article 1601-3 du code civil : " La vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux ".

13. L'insuffisance de prix des deux lots en litige, constatée par l'administration, n'ayant par hypothèse engendré aucun versement de la part des acquéreurs, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée collectée due au titre de la substitution de la valeur réelle des biens en cause aux prix de vente des lots B 110 et B 111 était exigible à la livraison des biens immobiliers, soit en décembre 2011, conformément aux dispositions précitées du a) du 1 de l'article 269 du code général des impôts précité.

En ce qui concerne la TVA déductible afférente à la facture du 29 octobre 2012, établie par l'entreprise Roessel :

14. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. /(...)/II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; ".

15. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 25 juin 2014 que l'administration a refusé, au titre de la période du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2013, d'admettre la déductibilité de la TVA afférente à certaines factures de travaux au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société requérante mais qu'elles correspondaient à des travaux réalisés sur le bâtiment C, propriété en indivision A.... B... et F.... Si la société requérante admet des erreurs comptables pour plusieurs de ces factures, elle conteste le refus du service d'admettre la déductibilité de la TVA afférente à la facture du 29 octobre 2012, établie par l'entreprise Roessel, pour un montant de 1250 euros. Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, elle n'apporte aucun élément permettant de justifier que les travaux en cause ont été réalisés pour les besoins de son activité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité de la TVA au titre de la somme en cause.

Sur les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

17. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale relève en ce qui concerne la TVA collectée, que les prix de la vente des deux lots en litige ont été minorés et que leurs acquéreurs, M. B... et M. E... en avaient nécessairement connaissance compte tenu de leur qualité respective de dirigeant de la SCI les Berges du Canal et de notaire ayant suivi les opérations de vente de ladite société. Pour ce qui concerne la TVA déduite, l'administration a relevé que les deux cogérants de la SCI ne pouvaient ignorer que les dépenses payées par la société ne se rapportaient pas à son activité dès lors que les factures concernaient des travaux réalisés sur le bâtiment C dont ils étaient eux-mêmes les propriétaires. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et suivants du présent arrêt que la société requérante ne saurait faire valoir que les modalités de calcul et de comparaison retenues par l'administration pour évaluer la valeur vénale des biens en cause sont erronées, que le service ne démontre pas les liens d'intérêts existant entre les acquéreurs et la SCI Les berges du canal et que l'écart entre le prix des ventes desdits biens et leur valeur vénale n'est pas significatif. Ce faisant, l'administration démontre l'intention de la SCI Les Berges du Canal d'éluder l'impôt. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a pu lui infliger la pénalité prévue par les dispositions susmentionnées de l'article 1729 du code général des impôts.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Berges du Canal n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SCI Les Berges du Canal.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Les Berges du Canal est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Berges du Canal et au ministre de l'action et des comptes publics.

3

N° 18NC01725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01725
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;18nc01725 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award