Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite du 5 août 2016 par laquelle le ministre en charge du travail a confirmé la décision de l'inspectrice du travail du 5 février 2016 autorisant son licenciement.
Par un jugement n° 1605222 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite du ministre en charge du travail du 5 août 2016 et la décision de l'inspectrice du travail du 5 février 2016 autorisant le licenciement de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mai 2018 et le 11 décembre 2019, la société Médiapost, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Elle soutient que :
- les faits reprochés à M. A... sont établis et s'inscrivent dans un contexte récurrent de violences verbales à l'égard de ses collègues ;
- accorder le bénéfice du doute reviendrait à considérer que la supérieure hiérarchique de M. A... a menti ;
- les autres motifs tirés, notamment du refus de l'intéressé de quitter l'entreprise, sont de nature à justifier le licenciement et peuvent être substitués à celui retenu.
Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2019, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mars 2018 et au rejet de la demande de M. A....
Il soutient que la matérialité des faits est établie et que le licenciement est sans lien avec son mandat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, M. C... A..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- la matérialité des faits n'est pas établie en l'absence de témoins et le doute doit lui profiter.
- les moyens soulevés par la société Mediapost ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Médiapost.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., salarié de la société Médiapost, filiale du groupe La Poste, exerce les fonctions de distributeur de prospectus. Il est titulaire des mandats de délégué du personnel et de délégué syndical. Reprochant à l'intéressé d'avoir adopté un comportement menaçant à l'égard de sa supérieure hiérarchique, la société Médiapost a sollicité l'autorisation de le licencier pour faute le 23 décembre 2015. Par une décision du 5 février 2016, l'inspection du travail a accordé cette autorisation. Le recours hiérarchique, présenté au ministre du travail le 4 avril 2016 par M. A..., a été rejeté par une décision implicite du ministre. Par un jugement du 14 mars 2018, dont la société Médiapost fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite du ministre et la décision de l'inspecteur du travail du 5 février 2016.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il est constant que le 9 décembre 2015 au matin, M. A... a demandé à s'entretenir en privé avec la responsable de la plate-forme de distribution, Mme D.... Il ressort des pièces du dossier, notamment du témoignage de cette dernière, qu'au cours de cet entretien, M. A... a adopté à son égard un comportement agressif et menaçant. Si M. A... nie avoir eu une telle attitude, il ressort des pièces du dossier, notamment du témoignage de la directrice des ressources humaines, qu'immédiatement après l'entretien, Mme D... l'a appelée et lui a laissé un message sur son répondeur téléphonique, la voix émue et en pleurs, par lequel elle l'informait avoir été victime d'une attaque de M. A.... Dans la même matinée, Mme D... a également envoyé un courriel à la direction des ressources humaines relatant l'incident avec ce distributeur. Un représentant syndical a déclaré, au cours de la réunion du comité d'établissement appelé à se prononcer sur le projet de licenciement, que l'après-midi même des faits, il avait rencontré Mme D... qui s'était effondrée en larmes en lui déclarant qu'elle avait peur de M. A.... Par ailleurs, le médecin du travail, qui a examiné Mme D... à la demande de la direction, l'a placée en arrêt de travail quelques jours après cet incident. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait déjà adopté, dans le passé, un comportement de même nature à l'encontre de collègues, pour lequel il avait fait l'objet de sanctions disciplinaires. Ainsi, nonobstant l'absence de témoin direct, les dénégations de M. A... et les pièces qu'il produit, la matérialité des faits peut être regardée comme suffisamment établie par ces témoignages concordants. Il s'ensuit que la société Médiapost est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que les faits reprochés à M. A... n'étaient pas établis et a annulé, pour ce motif, l'autorisation de licenciement de l'intéressé.
3. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
4. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... tient, de manière récurrente, des propos agressifs ou irrespectueux à l'égard de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques. S'il soutient avoir contesté l'ensemble des sanctions prises à son encontre, il ne l'établit, ni pour la sanction de mise à pied de 3 jours prise le 10 février 2015, ni pour la mise à pied de 6 jours prononcée le 6 novembre 2015. A cet égard, si les attestations, au contenu stéréotypé, produites par l'intéressé, mentionnent qu'il était disponible pour assister ses collègues, elles ne contredisent pas celles de l'employeur selon lesquelles il adoptait régulièrement un comportement agressif. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il allègue, M. A... n'établit pas davantage que ces sanctions traduiraient un acharnement de la société Médiapost à son encontre et qu'elles ne seraient pas justifiées. Le comportement de M. A... constitue ainsi une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorisation de licenciement sollicitée présente un lien avec l'exercice des mandats par M. A....
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Médiapost est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite du ministre et la décision de l'inspectrice du travail du 5 février 2016 autorisant le licenciement de M. A....
Sur les dépens :
8. La présente instance n'a pas donné lieu à des dépens. Par suite, les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour M. C... A... et à Me B... pour la société Médiapost en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et à la ministre du travail.
N° 18NC01472 2