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26/06/2020 | FRANCE | N°18NC03433

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 26 juin 2020, 18NC03433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une

somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1803224 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03433 le 20 décembre 2018, et un mémoire, enregistré le 15 mai 2020, M. B..., représenté par Me A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé et, au besoin, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du refus de séjour :

- l'avis émis le 12 février 2018 par le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège ; cette irrégularité l'a privé d'une garantie ;

- il n'est pas établi que le collège de médecins se serait prononcé au terme d'une délibération collégiale ;

- il souffre d'une pathologie psychique nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, en sus d'une hépatite B ;

- il ne pourra bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé ; cette circonstance humanitaire exceptionnelle justifiait que le préfet fasse usage de son pouvoir discrétionnaire d'admission au séjour ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est insuffisamment motivée, en particulier au regard des risques qu'il pourrait encourir dans son pays d'origine ;

- au regard de son état de santé, cette décision l'expose à un traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 et 26 mai 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 22 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France, selon ses déclarations, le 9 septembre 2015, en vue de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 mai 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 septembre 2017. Le 19 avril 2017, M. B... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 mars 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 31 juillet par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 mars 2018 :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".

3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. En premier lieu, s'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

5. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Moselle, en particulier d'un bordereau de transmission de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 15 mars 2018, produite à la demande de la cour, que le rapport médical sur l'état de santé de M. B... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 1er décembre 2017, par un premier médecin, le docteur Laurent Da-Piedade, qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 12 février 2018. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

6. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il n'est pas démontré que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 février 2018 aurait été émis au terme d'une délibération collégiale, le cas échéant au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, comme le permettent les dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2016, la mention " après en avoir délibéré (...) " figurant dans cet avis implique nécessairement, à défaut d'élément susceptible de permettre d'en douter, que les membres du collège de médecins ont pu confronter leurs points de vue avant de rendre leurs avis, quand bien même les modalités de ce délibéré ne sont pas précisées. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort de l'avis émis le 12 février 2018 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. B... soutient qu'il souffre d'une pathologie psychique nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait, au contraire, entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, en sus d'une hépatite B, diagnostiquée postérieurement à l'arrêté litigieux. Toutefois, les certificats médicaux qu'il produit, pour une partie d'entre eux antérieurs à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui en a eu connaissance, et pour l'autre partie constitués de certificats dépourvus d'indications précises quant au degré de gravité des pathologies présentées par l'intéressé ne permettent pas d'établir la réalité de cette situation.

8. En quatrième lieu, dès lors qu'il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale de ces pathologies pourraient entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le requérant ne saurait utilement soutenir que les traitements appropriés ne lui seraient pas accessibles dans son pays d'origine. M. B... n'apporte par ailleurs pas d'éléments propres à sa situation de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire afin de l'admettre au séjour.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé à tort en situation de compétence liée pour assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de ce que cette décision d'éloignement méconnaîtrait les dispositions précitées doit être écarté pour les motifs que ceux énoncés au point 7.

11. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles est notamment fondée la décision fixant le pays de destination de M. B..., le préfet n'étant, à cet égard, pas tenu de détailler dans son arrêté les raisons pour lesquelles il estimait que l'intéressé n'encourait pas de risques d'être soumis dans son pays d'origine à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En second lieu, le requérant n'établit pas l'existence de risques de subir de tels traitements en se référant à son état de santé, alors que, comme il a été dit, il n'apporte pas de preuve qu'un défaut de prise en charge de ses pathologies aurait pour lui des conséquences graves, ni en tout état de cause, de ce qu'il serait dans l'impossibilité d'accéder à des traitements appropriés dans son pays d'origine.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC03433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03433
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-26;18nc03433 ?
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