La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2020 | FRANCE | N°18NC01274

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 26 juin 2020, 18NC01274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Parking Maillot Briey (PMB) a demandé au tribunal d'annuler le titre exécutoire en date du 16 juin 2016 par lequel le Centre hospitalier François Maillot de Briey a mis à sa charge une somme de 265 577,90 euros et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602370 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé ce titre exécutoire.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2018 et des mémoires enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Parking Maillot Briey (PMB) a demandé au tribunal d'annuler le titre exécutoire en date du 16 juin 2016 par lequel le Centre hospitalier François Maillot de Briey a mis à sa charge une somme de 265 577,90 euros et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602370 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé ce titre exécutoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2018 et des mémoires enregistrés les 29 novembre 2018, 24 janvier 2019 et 21 mai 2020, le Centre hospitalier François Maillot de Briey demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Parking Maillot Briey devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Parking Maillot Briey la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en jugeant, pour annuler le titre exécutoire contesté, que le préjudice tiré de l'occupation irrégulière du domaine public n'avait pas été exactement chiffré, le tribunal s'est fondé sur un moyen d'ordre public sans mettre préalablement les parties à même de présenter des observations conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- en invoquant la possibilité pour une personne publique de réclamer à l'occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant irrégulier, le tribunal a porté atteinte au principe du contradictoire ;

- la créance de la société PMB à son égard a été justement chiffrée, au regard de l'enrichissement sans cause, sur la base des bénéfices réalisés par la société PMB de 1993 à 2013 et, s'agissant de l'application de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publique, au regard des revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période, et calculés selon plusieurs méthodes possibles dont il est justifié ;

- sa créance sur la société PMB n'est pas prescrite.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin 2018 et 3 janvier 2019, la société Parking Maillot Briey, représentée par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge du Centre hospitalier François Maillot de Briey la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Centre hospitalier François Maillot de Briey ne s'est jamais acquitté du remboursement du prix de vente ni du versement de l'indemnité mise à sa charge ;

- le bien qui lui a été vendu relevait du domaine privé de l'établissement et aucune stipulation de l'acte de vente ne prévoyait l'exploitation ultérieure du parking selon les règles de la domanialité publique et dans ces conditions ;

- le bien en litige n'appartient pas au domaine public et le tribunal administratif n'a d'ailleurs pas statué sur la contestation qu'elle avait formulée à cet égard ;

- le directeur du centre hospitalier n'était pas compétent pour émettre le titre contesté ;

- le tribunal n'était saisi que d'une question de nullité et de bien fondé du titre exécutoire et non de fixation d'une redevance d'occupation ;

- les sommes réclamées à titre de redevances portent sur des années prescrites ;

- la résolution de la vente n'est intervenue que le 11 juin 2011, date à laquelle le jugement du tribunal de grande instance est devenu définitif après le rejet de l'appel formé contre lui ;

- le centre hospitalier ne peut, de bonne foi, demander une indemnité au titre de l'enrichissement sans cause alors qu'il a, après avoir repris possession d'un parking en parfait état, instauré la gratuité de son utilisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour le Centre hospitalier François Maillot de Briey et celles de Me B..., pour la SARL Parking Maillot Briey.

Une note en délibéré présentée pour le Centre hospitalier François Maillot a été enregistrée le 8 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 27 décembre 1991, le Centre hospitalier François Maillot de Briey a vendu à la SARL Parking Maillot Briey (PMB), pour 250 000 francs (38 112,25 euros), un terrain nu composé des parcelles cadastrées Section D 1498 et 1450, et situé en contrebas de l'établissement hospitalier. Cette vente était assortie d'une condition résolutoire tenant à la réalisation, sur ce terrain, d'un parking en surélévation dans un délai de douze mois à compter du jour de la vente. Par un jugement du 11 juillet 1996, le tribunal de grande instance de Briey a, à la demande du centre hospitalier, constaté le défaut de réalisation de cette condition dans le délai stipulé et la résolution de plein droit de la vente et il a ordonné le retour des parcelles en cause dans le patrimoine du demandeur ainsi que le reversement par ce dernier du prix de vente à la SARL PMB. Ce jugement a été frappé d'appel mais confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 11 juin 2001.

2. Faute de toute exécution de ces décisions par les parties, ces dernières ont porté à nouveau le litige devant le tribunal de grande instance de Briey qui, par un jugement du 15 octobre 2015, a ordonné à la SARL PMB, de libérer les deux parcelles dans le mois suivant la signification en fixant à 8 000 euros le montant annuel de l'indemnité d'occupation due à défaut d'évacuation dans ce délai. Il a également ordonné au Centre hospitalier François Maillot de restituer le prix de la vente et l'a condamné à verser à la SARL PMB la somme de 90 000 euros au titre des investissements réalisés sur le terrain. En revanche, il a débouté les parties de leurs autres demandes, et notamment celle du Centre hospitalier François Maillot tendant à la condamnation de la SARL PMB à lui verser la somme de 277 017,43 euros à titre d'indemnités d'occupation pour la période courant de 1996 à 2011, durant laquelle cette société avait continué d'exploiter, sur ces parcelles, un parc de stationnement payant.

3. Le 16 juin 2016, le Centre hospitalier François Maillot a émis un titre exécutoire à l'encontre de la société PMB, assorti d'une lettre de notification, pour avoir paiement, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, de la somme de 265 577,90 euros, représentative de la redevance d'occupation qu'aurait dû, selon lui, acquitter la SARL PMB au titre de l'occupation du domaine public, et calculée sur la base des bénéfices annuels tirés par la société de l'occupation et de l'exploitation du parking entre 1996, date du prononcé de la résolution de la vente, et la date de libération des lieux par la SARL PMB. Le Centre hospitalier François Maillot relève appel du jugement du 20 février 2018, par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé ce titre exécutoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Relèvent de la compétence des juridictions administratives, sous réserve de dispositions législatives spéciales, et sauf dans le cas de voie de fait ou dans celui où s'élève une contestation sérieuse en matière de propriété, les litiges nés de l'occupation sans titre du domaine public que celle-ci résulte de l'absence de tout titre d'occupation ou de l'expiration, pour quelque cause que ce soit, du titre précédemment détenu. Avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était subordonnée à la condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ou affecté à l'usage direct du public après, si nécessaire, son aménagement.

5. Il est constant que les parcelles composant le terrain nu vendu, en 1991, à la SARL PMB par le Centre hospitalier François Maillot relevaient alors du domaine privé de cet établissement et il n'est pas établi ni même allégué que ce dernier ait eu l'intention d'en obtenir la rétrocession, fût-ce à terme éloigné, une fois qu'y serait réalisée la construction du parking en surélévation prévu par l'acte de vente.

6. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'à la date à laquelle a été constatée la résolution de plein droit de la vente et le retour de ce terrain dans le patrimoine du centre hospitalier, le 11 juillet 1996, la SARL PMB en avait déjà effectué le nivellement, y avait réalisé un enrobé et matérialisé des places de stationnement, posé des barrières d'entrée et de sortie et installé un bureau et une caisse automatique, permettant son utilisation à usage de parking payant.

7. Si, le jugement du 15 octobre 2015 qui a ordonné la libération effective du terrain et la restitution du prix de la vente, a également condamné le Centre hospitalier François Maillot à verser à la SARL PMB la somme de 90 000 euros au titre des investissements réalisés, correspondant à la pose de l'enrobé et la construction du local à usage de bureau et s'il était ainsi loisible au centre hospitalier, en reprenant possession du terrain, d'y conserver les aménagements ainsi réalisés, afin d'y exploiter lui-même un parking destiné notamment aux usagers et aux agents du service public hospitalier, il ne résulte d'aucun élément versé à l'instruction que le centre hospitalier avait manifesté, une fois ces parcelles revenues dans son patrimoine, son intention de les affecter effectivement au service public hospitalier ou à l'usage direct du public alors même qu'il n'est pas contesté qu'il ne s'était acquitté, à la date de l'émission des titres exécutoires, ni de l'obligation de restituer le prix de la vente ni du versement de l'indemnité de 90 000 euros mis à sa charge.

8. Il suit de là que les deux parcelles en cause doivent être regardées comme étant restées dans le domaine privé du centre hospitalier pendant toute la période comprise entre la résolution de la vente et leur récupération effective par l'établissement, laquelle n'est d'ailleurs intervenue que le 24 octobre 2016 et que tout litige relatif aux conséquences indemnitaires de leur occupation par la SARL PMB, fût-ce sur le fondement de l'enrichissement sans cause, relève exclusivement de la compétence de la juridiction judiciaire.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est irrégulièrement que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de la SARL PMB et annuler le titre exécutoire émis le 16 juin 2016. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement, et, statuant immédiatement par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 février 2018 est annulé

Article 2 : La demande présentée par la SARL Parking Maillot Briey devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Parking Maillot Briey et au Centre hospitalier François Maillot de Briey.

2

N° 18NC01274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01274
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-02-02-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Domaine. Domaine public.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : TOULEMONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-26;18nc01274 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award