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18/06/2020 | FRANCE | N°18NC03443

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 juin 2020, 18NC03443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) A. Schulman Holdings France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011 ainsi que de rétablir les déficits reportables du groupe d'intégration fiscale dont elle est la mère au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1601869 et 1800366 du 18 octobre 2018, le tribunal administr

atif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à cette demande en prononçant la r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) A. Schulman Holdings France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011 ainsi que de rétablir les déficits reportables du groupe d'intégration fiscale dont elle est la mère au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1601869 et 1800366 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à cette demande en prononçant la réduction du rehaussement de bénéfice effectué par l'administration au titre de l'année 2013 ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées au titre des années 2010 à 2013, rétablissant dans cette mesure les déficits reportables des années 2012 et 2013 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2018 ainsi qu'un mémoire enregistré le 29 mai 2019, la SAS A. Schulman Holdings France, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de prononcer l'annulation du jugement du 18 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les rehaussements fondés sur l'application du 7ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités laissées à sa charge par le jugement et de rétablir les déficits reportables des années 2012 et 2013 à hauteur des sommes de 7 434 955 euros et 18 155 791 euros respectivement ;

3°) de rejeter le recours incident du ministre de l'emploi et des comptes publics ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est par une inexacte application de l'article 223 B que l'administration, au motif que les acquisitions des diverses sociétés devraient être appréciées comme formant un tout, entend déduire de l'augmentation de capital, servant au calcul du numérateur du rapport de déduction des charges financières, le montant du prêt souscrit en vue de l'acquisition des titres de la société allemande alors qu'une telle possibilité n'est nullement prévue par le texte ;

- en tout état de cause, elle rapporte la preuve, par la production de l'acte notarié de cession des parts ainsi que de l'acte de prêt, que cet emprunt a exclusivement servi à l'acquisition des parts de la société allemande A. Schulman Europe Gmbh ;

- l'administration n'a pas rapporté la preuve des manquements délibérés alors que la contribuable s'est bornée à appliquer l'article 223 B du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et demande par la voie de l'appel incident que les pénalités pour manquement délibéré, dont le jugement attaqué avait prononcé la décharge, soient rétablies à la charge de la société requérante.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la société A. Schulman Holdings France ne sont pas fondés ; en tout état de cause, si la cour devait accueillir l'appel principal, le rétablissement du déficit de l'année 2013 devait être limité à 3 765 254 euros par application des dispositions du IV de l'article 223 B bis du code général des impôts ;

- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré que la preuve des manquements délibérés n'était pas rapportée alors que la société a sciemment entendu échapper à l'application de l'article 223 B du code général des impôts en donnant l'apparence d'une affectation exclusive du prêt pour l'acquisition des titres de la société allemande alors que l'ensemble des acquisitions des parts des diverses sociétés relève d'une seule et même opération indivisible qui s'est dénouée le même jour.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SAS A. Schulman Holdings France.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) A. Schulman Holdings France a été créée le 19 juillet 2007 par son associée unique la société de droit belge A. Schulman Plastics BVA. Le 24 août 2007 la société A. Schulman Plastics BVA a décidé de vendre à sa filiale l'intégralité des actions et droit de vote qu'elle détenait dans le capital des sociétés SAS A. Schulman au prix de 28 873 000 euros, SAS A. Schulman Plastics au prix de 86 460 000 euros, A. Schulman Ltd au prix de 30 611 000 euros et A. Schulman Europe Gmbh pour le prix de 133 877 000 euros. Ces acquisitions ont été financées d'une part, au moyen d'une augmentation du capital de la société A. Schulman Holdings France de 140 944 000 euros entièrement souscrite par la société A. Schulman Plastics BVA, d'autre part, par un emprunt de 133 877 000 à 7 % sur dix ans souscrit par A. Schulman Holdings France auprès de sa société mère. Le 12 octobre 2007, la SAS A. Schulman Holdings France a opté pour le régime d'intégration fiscale de l'article 223 A du code général des impôts en tant que société tête de groupe à compter du 1er septembre 2007, le périmètre d'intégration comprenant les deux sociétés françaises SAS A. Schulman et SAS A. Schulman Plastics France. A la suite d'une procédure contradictoire de rectification, l'administration fiscale a considéré que la SAS A. Schulman Holdings France aurait dû réintégrer une partie de ses charges financières exposées à l'occasion de l'acquisition de ses deux filiales françaises en application du 7ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts. En conséquence, le service a réintégré dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de la SAS A. Schulman Holdings France des années 2010, 2011, 2012 et 2013 une quote-part de charges financières correspondant à l'application de ces dispositions de l'article 223 B du code général des impôts, cette réintégration donnant lieu à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des deux premières années et à des réductions de déficits reportables au titre des deux dernières années. De surcroît, le service a assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés dus au titre des années 2010 et 2011 de pénalités pour manquement délibéré. Par le jugement attaqué du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir statué sur d'autres chefs de litige que lui avait soumis la société A. Schulman Holdings France, a rejeté ses conclusions dirigées contre ces rehaussements de bénéfices imposables mais a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré. La SAS A. Schulman Holdings France relève appel du jugement en tant qu'il a laissé à sa charge les conséquences de ces rectifications tandis que le ministre de l'action et des comptes publics, par la voie de l'appel incident, demande que les pénalités pour manquement délibéré soient rétablies à la charge de la société.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 223 B du code général des impôts applicable à la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscal intégré : " Lorsqu'une société a acheté les titres d'une autre société qui est ou qui devient membre du même groupe (...), les charges financières déduites pour la détermination du résultat d'ensemble sont rapportées à ce résultat pour une fraction égale au rapport du prix d'acquisition de ces titres, (...) à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe. Le prix d'acquisition à retenir est réduit du montant des fonds apportés à la société cessionnaire lors d'une augmentation du capital réalisée simultanément à l'acquisition des titres à condition que ces fonds soient apportés à la société cessionnaire par une personne autre qu'une société membre du groupe (...) La réintégration s'applique pendant l'exercice d'acquisition des titres et les huit exercices suivants ".

3. Afin de procéder aux rehaussements litigieux, l'administration a considéré que le montant de l'augmentation de capital déductible du prix d'acquisition des deux sociétés françaises ayant fait l'objet des acquisitions ci-dessus analysées, servant au calcul du rapport de déduction des charges financières, ne devait être admis qu'à proportion de la part que cette augmentation de capital avait eue dans le financement des acquisitions effectuées par la société requérante. Ayant considéré que les quatre acquisitions ci-dessus analysées formaient une seule et même opération indivisible, le service a estimé que cette opération avait été financée à hauteur de 48 % par le prêt souscrit auprès de la société A. Schulman Plastics BVA. En conséquence, l'administration a estimé que l'augmentation de capital déductible du prix d'acquisition des actions ne devait être retenue que pour 52 % de son montant. Il résulte toutefois des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 223 B du code général des impôts que le législateur n'a pas entendu limiter le montant des fonds apportés à la cessionnaire lors d'une augmentation de capital, réalisée simultanément à l'acquisition des titres, pouvant être admis en déduction du prix d'acquisition. En conséquence, s'il était loisible à l'administration, si elle s'y croyait fondée, de limiter le montant de l'augmentation de capital déductible à proportion de la part que le prix d'acquisition des deux seules sociétés membres du groupe intégré avait représentée dans le prix total d'acquisition des quatre sociétés, elle ne pouvait le faire, au regard du texte applicable, en imputant sur ces fonds une part de l'emprunt souscrit à cette occasion, même en admettant que ce prêt ait participé à l'acquisition des deux sociétés membres du groupe. Par suite, la SAS A. Schulman Holdings France est fondée à soutenir qu'en procédant ainsi, l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 223 B du code général des impôts.

4. De surcroit, il résulte de l'instruction et en particulier des actes notariés relatifs à l'acquisition de la société A. Schulman Europe Gmbh et à la souscription de l'emprunt auprès de la société A. Schulman Plastics BVA, que ce prêt a été exclusivement consacré à l'acquisition de cette société de droit allemand et n'a pas contribué à l'acquisition des sociétés de droit français. Par suite, la société requérante est également fondée à soutenir que l'administration ne pouvait, en tout état de cause, tenir compte de cet emprunt afin de déterminer le prix d'acquisition des deux sociétés françaises faisant partie du groupe fiscal intégré.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS A. Schulman Holdings France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande relative aux rehaussements découlant de l'application de l'article 223 B du code général des impôts. Par suite, la SAS A. Schulman Holdings France est fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés à ce titre ainsi que le rétablissement des déficits reportables des années 2012 et 2013, le cas échéant pour cette dernière année, selon les modalités découlant de l'application de l'article 223 B bis du code général des impôts.

Sur les pénalités :

6. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que les suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société SAS A. Schulman Holdings France ne sont pas fondés. Il s'ensuit que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, le rétablissement des pénalités pour manquement délibéré qui avaient été appliquées à ces rappels et que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à juste titre, déchargées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS A. Schulman Holdings France dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La SAS A. Schulman Holdings France est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011 en conséquence des rehaussements de ses bénéfices découlant de l'application de l'article 223 B du code général des impôts.

Article 2 : Les déficits reportables de la SAS A. Schulman Holdings France des années 2012 et 2013 sont rétablis, conformément au point 5 ci-dessus, dans la mesure des rehaussements découlant de l'application de l'article 223 B du code général des impôts qui lui avaient été notifiés.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetées.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS A. Schulman Holdings France la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS A. Schulman Holdings France et au ministre de l'action et des comptes publics.

N° 18NC03443 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03443
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : GOUPILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-18;18nc03443 ?
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