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18/06/2020 | FRANCE | N°18NC00577

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 juin 2020, 18NC00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme A...-F... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des pénalités et intérêt de retard correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1601843 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2018, M. A... et Mme A...-F..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et Mme A...-F... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des pénalités et intérêt de retard correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1601843 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2018, M. A... et Mme A...-F..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré mise à leur charge et à titre subsidiaire, de prononcer sa réduction, en appliquant, sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts, une majoration de 10% ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en leur infligeant une pénalité pour manquement délibéré de 40 %, sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a méconnu la présomption de bonne foi qui devait leur être appliquée alors que l'omission déclarative de la plus-value en litige ne résulte que d'un oubli involontaire de leur part ;

- le service n'a pas apporté la démonstration d'un manquement délibéré de leur part, comme l'exige l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales ;

- la pénalité pour manquement délibéré ne pouvait pas leur être appliquée dès lors qu'ils n'ont jamais commis de manquement comparable les années précédentes ; ils ont transmis au service de l'enregistrement, dès le lendemain de sa signature, l'acte de cession des titres ; l'importance du montant omis n'est pas probante pour qualifier un manquement de " délibéré " ; le caractère complexe de leurs déclarations fiscales, retenu par l'administration, ne saurait justifier le caractère délibéré de l'omission, intervenue huit mois après la cession des titres ayant généré les revenus en litige ;

- en retenant la qualité de "dirigeant d'entreprise " de M. A..., l'administration a commis une discrimination contraire aux stipulations des articles 6-2 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 1er du protocole additionnel n°12 du 4 novembre 2000 ;

- ils auraient dû faire l'objet de la majoration de 10 % visée à l'article 1758 A du code général des impôts puisque la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande sans prendre en compte la transaction proposée par l'administration en application des dispositions combinées des articles L. 247 et L. 251 du livre des procédures fiscales ;

- ils invoquent le bénéfice du " droit à l'erreur " inscrit dans la loi pour un Etat au service d'une société de confiance adoptée par l'Assemblée Nationale le 30 janvier 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... et Mme A...-F... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme A...-F... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2011. A l'issue de ce contrôle, par proposition de rectification du 15 décembre 2014, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a procédé à des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales pour l'année 2011, à raison d'une omission déclarative relative à une plus-value de cession de droits sociaux de la SARL Blue Chip, pour un montant net de 902 494 euros. Ces suppléments d'imposition ont été assortis de l'intérêt de retard et de la pénalité pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. Les époux A... relèvent appel du jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisante motivation en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de ce que l'administration aurait dû leur appliquer la pénalité prévue par les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts, dès lors qu'il a retenu que la mauvaise foi des intéressés était caractérisée. En outre, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments évoqués par les contribuables, notamment à celui relatif au caractère isolé de l'omission déclarative, ont suffisamment répondu aux autres moyens soulevés par les requérants tirés, d'une part, de ce que la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée au motif que l'omission résulte d'un oubli et non d'une volonté d'éluder l'impôt et d'autre part, de ce que cette pénalité méconnaît les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est discriminatoire au regard de l'article 14 de cette même convention.

Sur le bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

4. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a notamment relevé qu'en sa qualité de dirigeant de société, M. A... souscrivait régulièrement des déclarations de revenus complexes comportant divers revenus liés à cette qualité, tels que revenus de capitaux mobiliers ou dividendes. Elle a également retenu qu'en 2009, M. A... avait spontanément déclaré la plus-value qu'il avait réalisée lors de la cession de son entreprise familiale principale, la société industrielle établissement Maurice A..., ce qui confirme sa connaissance du régime fiscal applicable et des obligations déclaratives liées aux cessions de valeurs mobilières et droits sociaux. Le service a aussi noté que les requérants n'ont entrepris aucune démarche pour régulariser leur situation alors que le défaut de taxation de la plus-value ne pouvait pas leur échapper lorsqu'ils ont reçu leur avis d'imposition au titre de 2011. L'administration en a déduit qu'au regard de la qualité de dirigeant de M. A..., de l'importance de la transaction et du montant éludé qui correspond à un pourcentage non contesté de 87 % des impositions dues par les contribuables au titre de l'année 2011, non comprise la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, le caractère délibéré du manquement est avéré. Ces faits étant établis, l'administration démontre ainsi l'intention des requérants d'éluder l'impôt, comme l'exigent les dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, demeurent sans incidence les circonstances que d'une part, la cession des titres avait été dûment enregistrée dès 2011 auprès des services de l'enregistrement, que d'autre part, les contribuables auraient respecté leurs obligations déclaratives au titre des années précédentes et enfin, que la loi du 30 janvier 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance a instauré un " droit à l'erreur ". C'est par conséquent à bon droit, et sans qu'ait été méconnue la présomption de bonne foi, que l'administration a fait application de la majoration de 40 % prévue par le paragraphe a. de l'article 1729 du code général des impôts à l'imposition supplémentaire notifiée à raison de la plus-value de la cession de titres non déclarée par les requérants au titre de l'année 2011.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'administration n'a pas méconnu la présomption d'innocence énoncée à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du protocole additionnel n°12 du 4 novembre 2000 : " La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation./ 2 Nul ne peut faire l'objet d'une discrimination de la part d'une autorité publique quelle qu'elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1. ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

7. Il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci. Par suite, les requérants, qui ne se prévalent d'aucun autre droit ou liberté reconnu par la convention, dont la jouissance aurait été affectée par la discrimination alléguée, ne sauraient utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de cette convention, qui n'est pas autonome. A supposer qu'ils aient entendu combiner la violation de cet article 14 avec la méconnaissance des stipulations du protocole n° 12 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est également inopérant dès lors que le protocole n° 12 n'a été ni signé ni ratifié par la France.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable ; (...) / 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives./ Les dispositions des 2° et 3° sont le cas échéant applicables s'agissant des sommes dues au titre de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts. " et aux termes de l'article L. 251 du même livre : " Lorsqu'une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes. /Dans le cas où le contribuable refuse la transaction qui lui a été proposée par l'administration et porte ultérieurement le litige devant le tribunal compétent, celui-ci fixe le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l'impôt. ".

9. La substitution de base légale évoquée dans le mémoire en défense de l'administration devant les premiers juges ne saurait être regardée, contrairement à ce qu'affirment M. A... et Mme A...-F..., comme une proposition de transaction portant sur une réduction de la moitié de la pénalité en litige, au sens des dispositions précitées de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, ni comme la reconnaissance du caractère infondé de cette pénalité. Dans ces conditions, ils ne peuvent pas utilement soutenir que, comme le prévoit l'article L. 251 du même livre, les premiers juges ne pouvaient pas rejeter leur requête mais devaient à nouveau fixer le taux de la pénalité en litige. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme A...-F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Sur l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

11. La présente instance n'a pas donné lieu à des dépens. Par suite, les conclusions présentées par M. et Mme A... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... et Mme A...-F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à Mme B... A...-F... ainsi qu'au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00577
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : HASSANIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-18;18nc00577 ?
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