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11/06/2020 | FRANCE | N°19NC03399

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 11 juin 2020, 19NC03399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 1901452 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, M.

B... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 1901452 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, M. B... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et subsidiairement de réexaminer sa situation, selon les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le médecin instructeur n'a pas pris en compte l'ensemble de ses pathologies et l'impossibilité, du fait de troubles cardiaques, de voyager en avion ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le principe fondamental du contradictoire garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux a été méconnu ;

- la décision contestée doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien né en 1946, est entré en France, selon ses déclarations, en 2014, accompagné de son épouse, en vue de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 15 juillet 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 16 octobre 2015. Il a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour compte tenu de l'état de santé de son épouse. Ayant divorcé le 24 février 2017, l'intéressé a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son propre état de santé. Par un arrêté du 28 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a déterminé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2019 qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Par un avis rendu le 5 novembre 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ajoute que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre notamment de diabète, d'hypertension artérielle, d'une cardiopathie ischémique et de troubles psychotiques. Il a par ailleurs bénéficié d'une angioplastie coronarienne et de l'artère rénale. L'intéressé fait valoir que sa situation médicale n'a pas été prise en compte de manière exhaustive et qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie.

6. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, les médecins du collège de l'OFII se sont prononcés au vu d'un rapport médical mentionnant ses principales pathologies, notamment psychiatriques, ainsi que l'intégralité des traitements médicamenteux dont il bénéficiait pour l'hypertension, le diabète, les troubles cardiovasculaires et psychiatriques. Ainsi, l'avis, sur la base duquel le préfet s'est fondé, a été rendu en connaissance de cause de sa situation médicale.

7. Par ailleurs, il ressort du rapport d'août 2018 de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés produit par l'intéressé que la Géorgie dispose d'une couverture maladie universelle couvrant les plus démunis ainsi que d'un dispositif spécifique de prise en charge gratuite des personnes atteintes de problèmes psychiatriques permettant au requérant de bénéficier des soins nécessaires à son état de santé, même si les structures et l'offre de soins dans ce pays ne sont pas équivalentes à celles de la France.

8. Enfin, les deux certificats médicaux des 17 janvier et 24 octobre 2019 faisant état d'une contre-indication des voyages en avion, compte tenu des risques cardio-vasculaires et de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs dont souffre l'intéressé, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII concernant la capacité de M. D... à voyager dès lors qu'ils ne précisent pas que cette contre-indication existait déjà à la date à laquelle le préfet a pris la décision attaquée et que le certificat médical établi par son médecin ne précisait pas une telle restriction.

9. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. D..., le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il ressort des motifs de la décision contestée, qui mentionne notamment que M. D... a divorcé, que le préfet du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de sa situation.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. D... fait valoir que son état de santé est stabilisé grâce à son traitement et à sa fille, qui l'héberge, qu'il réside en France depuis plus de 4 ans, qu'il est âgé et ne peut voyager sans risque pour sa santé. Toutefois, l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante-huit ans et où demeure son fils. Il a par ailleurs vécu séparé, durant plusieurs années, de ses autres enfants résidant en France. Il n'apporte aucun élément de nature à établir son insertion dans la société française. S'il se prévaut de son âge et de l'impossibilité de voyager sans risque, ces circonstances ne peuvent être utilement invoquées pour établir une atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. D... que le préfet aurait commise en refusant de mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Le requérant reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire, de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif dans le jugement attaqué aux points 11 à 13 et 15 qui n'appellent aucune précision.

14. Si M. D... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français emportera des conséquences exceptionnellement graves sur sa situation personnelle, notamment en raison de son éloignement de sa fille qui contribue à la stabilité de son état de santé, il n'apporte aucun élément probant pour l'établir. Par ailleurs, il a été indiqué aux points 4 à 9 que l'intéressé peut accéder aux soins nécessaires à son état de santé en Géorgie. Dans ces conditions le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour M. B... D... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC03399 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03399
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-11;19nc03399 ?
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