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11/06/2020 | FRANCE | N°19NC01411

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 11 juin 2020, 19NC01411


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet du Doubs a décidé son transfert auprès des autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Doubs a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1900610 du 12 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01411 le 12 mai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet du Doubs a décidé son transfert auprès des autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Doubs a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1900610 du 12 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01411 le 12 mai 2019, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 avril 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet du Doubs du 21 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation administrative.

Elle soutient que :

- la décision de transfert méconnaît l'article 17.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la France conservant le droit souverain d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat et alors qu'elle ne parle pas l'espagnol ;

- elle méconnaît l'alinéa 4 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- elle méconnaît les articles 2-1 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle a dû fuir l'homme qui la maltraitait et avec lequel on l'avait forcée à se marier à 15 ans en Guinée où elle encourt ainsi des risques pour sa vie en cas de retour.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 mai 2019.

Par un courrier en date du 13 janvier 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée, dès lors que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale à l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2020, le préfet du Doubs a, en réponse à cette communication, informé la cour de ce que la requérante devait être regardée comme en fuite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante guinéenne, déclare être entrée en France le 1er novembre 2018. Elle a déposé une demande d'asile le 28 décembre suivant. La consultation du fichier Eurodac a permis de constater qu'elle avait été interpellée en Espagne le 19 décembre 2018, à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure. Le 14 janvier 2019, le préfet du Doubs a saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge de l'intéressée. Les autorités espagnoles ont donné leur accord à cette prise en charge le 4 février suivant. Mme A... C..., désormais en fuite, fait appel du jugement du 12 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 21 mars 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé, d'une part, de la remettre aux autorités espagnoles et, d'autre part, de l'assigner à résidence.

Sur la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement précité du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". Et aux termes de l'article L. 742-7 du même code : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ".

3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Conformément au règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notamment son article 17.1, et à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités françaises ont la faculté d'examiner une demande d'asile, même si cet examen relève normalement de la compétence d'un autre Etat. Il appartient en particulier à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette faculté, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés.

4. Il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile en Espagne est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que cet Etat est membre de l'Union Européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités espagnoles répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

5. L'appelante n'allègue pas qu'il existerait des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne. En outre, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la demande d'asile de l'intéressée ne serait pas instruite en Espagne dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile, quand bien même Mme C... ne parlerait pas l'espagnol. Par suite, l'arrêté de transfert litigieux ne méconnaît ni le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ni l'article 17.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile en Espagne est conforme aux exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que cet Etat est partie à cette convention. Ainsi le moyen tiré de ce qu'elle serait exposée, du fait de la décision des autorités espagnoles, à une situation contraire aux articles 2-1 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet du Doubs a décidé de sa remise aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la décision d'assignation à résidence :

8. Mme C... n'a développé en appel aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 21 mars 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de réexaminer sa situation administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

N° 19NC01411 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01411
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : GORGULU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-11;19nc01411 ?
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