La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2020 | FRANCE | N°18NC02641

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 11 juin 2020, 18NC02641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de son éloignement, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le versemen

t à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des art...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de son éloignement, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1801086 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02641 le 28 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour, dès lors qu'elle était conjointe d'un ressortissant français, quand bien même elle n'aurait pas rempli la condition de maintien de la vie commune ;

- ayant fait l'objet de violences de la part de son conjoint de nationalité française, elle justifiait d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au vu de laquelle elle aurait dû être admise au séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet, qui s'est estimé en compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français, a méconnu l'étendue de sa compétence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Le préfet de la Moselle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante turque, est entrée en France le 30 novembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour, dont elle a bénéficié en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par un arrêté du 23 novembre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler à l'intéressée son titre de séjour au motif de l'absence de communauté de vie avec son conjoint, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de son éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 novembre 2017 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement (...) ".

3. Il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté refusant le renouvellement de son titre de séjour, Mme A... avait cessé toute vie commune avec son mari et ne remplissait plus, dès lors, l'une des conditions exigées par l'article L. 313-11 pour ce renouvellement. Si, d'après le propre récit de Mme A... et les témoignages de proches, qu'elle produit, la rupture de la vie commune avec son mari est intervenue dans le contexte d'une dégradation des relations conjugales liée à l'éloignement et à l'indifférence de son mari ainsi qu'au mépris et au dénigrement quotidiens de ses beaux-parents, avec lesquels le couple résidait, il ne ressort ni de ces attestations, ni d'aucune autre pièce du dossier que l'intéressée aurait fait l'objet de violences familiales ou conjugales au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-12. Par suite, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour. En ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation du séjour de Mme A..., il n'a pas non plus, dans les circonstances de l'espèce, commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.

4. En second lieu, il résulte des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 du même code. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Eu égard à ce qu'il a été dit ci-dessus, Mme A... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour et, dans ces conditions, le préfet du Bas-Rhin n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Si l'arrêté du préfet de la Moselle du 23 novembre 2017 mentionne que Mme A... n'est pas bénéficiaire des dispositions protectrices de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il y a lieu de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, il ne résulte pas de ces seules mentions et ne ressort pas des autres pièces du dossiers que le préfet se serait estimé à tort en compétence liée pour prononcer une telle mesure d'éloignement.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les injonctions :

7. Le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution et par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 :Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC02641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02641
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-11;18nc02641 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award