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11/06/2020 | FRANCE | N°18NC01899

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 11 juin 2020, 18NC01899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 mai 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 7 020 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger dépourvu de titre l'autorisant à travailler et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, ainsi que la décision du 31 juillet 2015 par laq

uelle son recours gracieux a été rejeté.

La société B... a également demandé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 mai 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 7 020 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger dépourvu de titre l'autorisant à travailler et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, ainsi que la décision du 31 juillet 2015 par laquelle son recours gracieux a été rejeté.

La société B... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les titres de perception émis à son encontre les 15 juin 2015 et 17 juin 2015 pour des montants respectivement de 7 020 euros et 2 124 euros et de la décharger de ces sommes.

Par un jugement n° 1505404 et n° 1600832 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2018 et le 25 mars 2019, la Société B..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 6 mai 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 7 020 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger dépourvu de titre l'autorisant à travailler et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, ainsi que la décision du 31 juillet 2015 par laquelle son recours gracieux a été rejeté ;

3°) d'annuler les titres de perception émis à son encontre les 15 juin 2015 et 17 juin 2015 pour des montants respectifs de 7 020 euros et 2 124 euros et de la décharger de ces sommes ;

4°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de la contribution spéciale à la somme de 3 510 euros en application de l'article L. 8253-1 du code du travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'avait pas à vérifier la régularité du séjour du salarié recruté dès lors qu'il était inscrit à Pôle emploi en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail ;

- les conditions prévues à l'article R. 8253-2 du code du travail permettant de réduire le montant de la contribution spéciale sont remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

1. Le 14 août 2014, les services de police ont procédé au contrôle du salon de coiffure à l'enseigne " coiffure VIP ", exploité par la société B.... Les agents de police ont alors constaté sur place la présence de M. A... E..., ressortissant tunisien, séjournant illégalement en France et démuni d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Le procès-verbal d'infraction a été transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Après avoir recueilli les observations du gérant de la société B..., par une décision du 6 mai 2015, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de cette société la somme de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et celle de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire de réacheminement. Le recours gracieux présenté le 6 juillet 2015 par la société a été rejeté par le directeur de l'OFII par une décision du 31 juillet 2015. Deux titres exécutoires ont été émis à l'encontre de la société B... les 15 juin 2015 et 17 juin 2015 par la direction départementale des finances publiques en vue du recouvrement de ces sommes. La société B... demande à la cour d'annuler le jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions et à la décharge des contributions mises à sa charge par les titres exécutoires.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 52218 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 53121 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-1 du même code : " (...) Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ".

3. L'article R. 8253-2 du code du travail dispose : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : /1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; /2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. /III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ".

4. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision mettant à la charge d'un contrevenant la contribution spéciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu'il estime légalement justifié, soit, s'il n'est pas établi que l'employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l'article L. 8251-1 précité du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale.

5. Il n'est pas contesté que M. E..., ressortissant tunisien, a été recruté, par un contrat de travail du 2 juin 2014, par la société B... en qualité de coiffeur-barbier. L'intéressé, dont le titre de séjour était faux, ne disposait d'aucune autorisation de travailler en France.

6. La société B... fait cependant valoir qu'elle n'était pas tenue de vérifier l'existence du titre de séjour présenté par cet étranger dès lors qu'il était inscrit sur les listes des demandeurs d'emploi auprès de Pôle Emploi. Toutefois, il ressort du procès-verbal d'audition de M. B..., gérant de la société, le 29 août 2014, que M. E... lui a été présenté par un cousin et que lorsqu'il a embauché M. E..., ce dernier était encore employé dans un salon de coiffure à Saint-Avold. A aucun moment lors de son audition, le gérant de la société n'a précisé que M. E... était inscrit à Pôle Emploi en qualité de demandeur d'emploi. Le courrier du 23 mars 2016, dans lequel Pôle Emploi mentionne que la société B... a déposé trois offres d'emploi en 2014 pour recruter un coiffeur-barbier, n'est pas de nature à établir que M. E... aurait été effectivement inscrit en qualité de demandeur d'emploi à la date à laquelle il a été recruté par la société requérante, ni d'ailleurs qu'il aurait été adressé à la société par cet organisme. Les attestations produites par la requérante, dont l'une émane de la compagne du gérant de la société B..., ne sont pas suffisamment probantes, eu égard notamment au lien existant entre la société B... et leur auteur, pour remettre en cause les déclarations effectuées par le gérant lors de son audition en 2014. Dans ces conditions, la société B..., qui n'établit pas qu'elle n'avait pas l'obligation de procéder aux vérifications prévues par l'article L. 52218 du code du travail préalablement au recrutement de M. E..., n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne peut être tenue pour responsable de l'emploi irrégulier de ce salarié.

7. Aux termes de l'article L. 8252-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable ". Aux termes de l'article L. 8252-4 du code du travail : " Les sommes dues à l'étranger sans titre, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction. (...) ".

8. S'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 8253-2 du code du travail que le montant de la contribution spéciale peut être réduit à 1 000 fois le taux horaire minimum garanti lorsqu'un seul salarié sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France a été embauché, c'est à la condition que l'employeur se soit acquitté dans le délai de trente jours suivant la constatation de l'infraction des salaires et indemnités mentionnées à l'article L. 8252-2 du même code. En se bornant à produire des bulletins de paie de juin, juillet et août 2014 et des bordereaux récapitulatifs de déclarations à l'URSSAF, la société B... n'établit avoir effectivement versé à M. E... ni ses salaires ni l'indemnité forfaitaire de trois mois de salaire dans les conditions prévues par les articles L. 8252-2 et L. 8252-4 du code du travail. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, la réduction de la contribution spéciale à 3 510 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société B... est rejetée.

Article 2 : La société B... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour la société B... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

N° 18NC01899 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01899
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : HAOUY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-11;18nc01899 ?
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