Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Services Développements Conception a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer, en droits et pénalités, la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2010 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010.
Par un jugement n° 1701868 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, la SARL Services Développements Conception, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de prononcer l'annulation de l'article 4 du jugement du 4 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de la commission ne lui ayant jamais été notifié, en violation des articles R. 59-1, R. 60-3 et R. 61 A-1 du livre des procédures fiscales, la mise en recouvrement des impositions est intervenue de manière irrégulière, sans que la communication de cet avis au cours de l'instance devant le tribunal administratif ait pu la régulariser, les impositions étant alors prescrites en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que l'administration, afin de lui refuser la déduction de provisions pour créances douteuses, a considéré que les avances accordées à la société Deseo ne correspondaient pas à une gestion commerciale normale à raison du risque excessif que ce client présentait, alors que la théorie du risque excessif a été abandonnée par la jurisprudence du Conseil d'Etat ; s'agissant de la réalité des créances sur la société Deseo, les factures manquantes seront produites très prochainement ;
- s'agissant des créances sur la SCI de l'Ourcq, le caractère probable de leur non recouvrement est établi et c'est à tort que l'administration lui en a refusé la déduction au motif qu'elle aurait pu les compenser avec les dettes qu'elle avait envers cette société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Services Développements Conception, ayant une activité d'aménagements paysagers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, ayant concerné la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a effectué, selon la procédure contradictoire de rectification, diverses rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés dont la société a demandé la décharge au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Par le jugement attaqué du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a que partiellement fait droit à la demande de la SARL Services Développements Conception. La SARL Services Développements Conception relève appel de ce jugement en tant qu'il a laissé à sa charge une partie des impositions contestées.
Sur la régularité de la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 59-1 du même livre : " L'administration notifie l'avis de la commission ou du comité consultatif au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ou comme montant du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ". L'article R. 60-3 du même livre prescrit que : " L'avis ou la décision de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) est notifié au contribuable par l'administration des impôts ". Aux termes de l'article R. 61 A-1 du même livre : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de rectification est calculé :/ c) sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente dans le cas où le litige l (ui) a été soumis./ Le montant de l'impôt exigible donne lieu à l'établissement d'un rôle ou à l'émission d'un avis de mise en recouvrement ".
3. A la suite de la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que la société requérante avait saisie dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire ayant suivi la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration lui a notifié par pli recommandé daté du 5 novembre 2015, présenté le 6 novembre 2015 et distribué le 13 novembre suivant, la lettre modèle 2230-SD servant à la notification des bases retenues après avis de la commission. Il ressort de la copie de ces documents produite par l'administration fiscale que le nombre de sept feuilles mentionné sur ce document correspond au tableau des bases retenues et des conséquences financières ainsi qu'à la copie intégrale de l'avis de la commission départementale. Si la société requérante soutient que l'avis de la commission ne figurait pas dans le pli qu'elle a reçu le 13 novembre 2015, elle ne justifie pas avoir engagé des démarches auprès de l'administration dès sa réception afin d'obtenir l'avis en cause et n'a d'ailleurs pas davantage accompli les diligences nécessaires après la réception du courrier du service du 17 décembre 2015 faisant expressément référence audit avis. Au demeurant, en admettant même sur la foi de l'échange de courriels entre le représentant de la société et son avocat, produit aux débats, que les dirigeants de la société requérante n'aient pas reçu copie de l'avis de la commission, il leur incombait de saisir aussitôt l'administration afin d'en obtenir la communication, ce qu'ils se sont abstenus de faire. Dans ces conditions, l'administration fiscale rapporte la preuve de ce qu'elle a notifié l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 14 septembre 2015 avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses conformément aux dispositions ci-dessus reproduites du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.
En ce qui concerne la provision pour dépréciation des créances détenues sur la société Deseo :
5. La société requérante a comptabilisé et déduit de son bénéfice imposable de l'année 2010 une provision de 608 466,21 euros correspondant à des factures de travaux impayées par une cliente, la société Deseo. Tant devant l'administration que devant le tribunal administratif, la société requérante n'a justifié l'existence de sa créance sur la société Deseo qu'à hauteur de 102 397,16 euros. Si devant la cour la société requérante a annoncé qu'elle produirait le reste des factures manquantes, elle n'a pas produit ces pièces aux débats. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la provision litigieuse n'était pas déductible du bénéfice imposable à hauteur de 506 072,05 euros en l'absence de précision.
En ce qui concerne la provision pour dépréciation de la créance détenue sur la société SCI de l'Ourcq :
6. La société requérante a comptabilisé au 30 juin 2010 et déduit de son bénéfice imposable au titre de l'année 2010 une provision de 59 950,60 euros sur une créance de 106 874,04 euros, de rétrocession de matériaux, qu'elle détenait sur la SCI de l'Ourcq. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société requérante a versé à la SCI de l'Ourcq une somme de 100 169,94 euros au 30 juin 2010 en règlement de loyers qu'elle lui devait en contrepartie de la location d'un terrain. Il se déduit nécessairement de ces constatations qu'à la clôture de l'exercice 2010, par la décision de gestion qu'elle a prise, ayant consisté à verser à la SCI de l'Ourcq des sommes en règlement des loyers alors que cette dernière lui devait des sommes en règlement de factures, la société requérante a entendu prendre à sa charge le risque de non-recouvrement de sa créance. Dans ces conditions, la provision constituée afin de faire face au risque de non recouvrement d'une créance que la société requérante, par une décision de gestion qui lui est opposable, s'est en réalité abstenue de recouvrer, ne saurait être admise en déduction.
7. Il résulte de ce tout qui précède que la SARL Services Développements Conception n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Services Développements Conception est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Services Développements Conception et au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 1803266 2