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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC03242

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2020, 18NC03242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Saint-Exupéry Holding a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1502477 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l

e 30 novembre 2018, la SARL Saint-Exupéry Holding, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Saint-Exupéry Holding a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1502477 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2018, la SARL Saint-Exupéry Holding, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais d'avocat et de justice exposés en vue du recouvrement de ses créances relatives au remboursement par la société PSP de la somme de 400 000 euros inscrite sur son compte courant en contrepartie de l'acquisition des titres Westwing ainsi qu'au paiement par la société PSP de la somme de 960 000 euros se rapportant au rachat des titres Metland, est déductible, en application des dispositions de l'article 271 du code général des impôts ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en ce que ces frais font partie de ses frais généraux et ont eu pour objet la préservation des actifs nécessaires à la réalisation de son objet social qui est la réalisation de prestations de services au profit de ses filiales mais également de tiers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 10 décembre 2008, M. D... B..., ou toute société qui viendrait à se substituer à lui à la date de réalisation stipulée, s'est engagé auprès de la société PSP, d'une part, à céder à la société Metland 600 actions de la société Westwings, dont il détenait 100 % du capital, au prix de 1 440 000 euros, d'autre part, à lui faire apport des 400 autres actions restantes en contrepartie de l'attribution de 1 800 actions de la société Metland dans le cadre d'une augmentation du capital de cette dernière. Il était également stipulé qu'une partie du prix de 1 440 000 euros serait versée par une distribution de dividendes par la société Metland d'un montant de 800 000 euros payables en douze mensualités. La société PSP s'engageait à racheter les parts de la société Metland remises en échange des actions Westwings après réalisation de l'acquisition de ces titres.

La SARL Saint-Exupéry, qui s'est substituée à M. B..., est venue aux droits de ce dernier concernant l'exécution de cette convention. Un litige s'est par la suite élevé entre les parties portant sur le versement d'une partie des dividendes à hauteur de 400 000 euros et à l'exécution de la promesse de rachat des titres Metland. Dans le cadre de ce litige, la société Saint-Exupéry Holding a exposé d'importants frais d'avocat et d'instance. A la suite d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, l'administration fiscale, suivant la procédure contradictoire de rectification, a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces frais d'avocat et d'instance après avoir estimé qu'ils n'avaient pas été exposés pour les besoins des opérations imposables de la société. Par le jugement attaqué du 2 octobre 2018, dont la SARL Saint-Exupéry Holding relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 20 831 euros en principal, qui lui ont été assignés à la suite de cette opération de contrôle.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 168 de la directive du 28 novembre 2006, ci-dessus visée, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : "Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'Etat membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants: / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans cet Etat membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération /(...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prescrit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission /(...) II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent n'est déductible que si ceux-ci sont utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti.

3. Lorsqu'une société holding, qui se livre à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, a cédé tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose à cette fin des dépenses en vue d'obtenir l'exécution de cette cession, en particulier à l'occasion d'un litige, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique. Lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses postérieures à l'opération quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres. Si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, cette société est néanmoins en droit de déduire cette taxe si, compte tenu de la nature des titres cédés ou par tous éléments probants tels que sa comptabilité analytique, elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans leur prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie.

4. La SARL Saint-Exupéry Holding fait valoir, sans être contredite, qu'elle exerce, à côté de son activité de holding, une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée consistant à rendre au profit de ses filiales, mais également de tiers, diverses prestations de services. Elle se prévaut des règles ci-dessus rappelées en soutenant que les frais d'avocats et d'instance litigieux, se rapportant au paiement du prix de cession des titres Westwings et au rachat des titres Metland, n'ont pas été inclus dans le prix de cession des actions de la société Westwings et constituent des frais généraux se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des prestations de services qu'elle réalise comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. La société requérante se prévaut en ce sens de la teneur des documents contractuels concernés ainsi que de la chronologie des faits ci-dessus rappelés.

5. Il résulte de l'analyse de la convention du 10 décembre 2008 que la société requérante, substituée à M. B..., n'avait pas vocation à conserver les actions des sociétés Westwings et Metland lesquelles devaient être cédées immédiatement pour Westwings et dans les trois ans du dénouement de l'opération pour Metland. Dans ces conditions, ni la société Westwings, ni la société Metland n'ont été des filiales de la société requérante à qui elle aurait pu fournir des prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et il n'est pas soutenu que ces sociétés seraient devenues par ailleurs ses clientes. Il en résulte que c'est à juste titre que le tribunal administratif a regardé l'ensemble de cette opération comme revêtant un caractère purement patrimonial. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des éléments d'ordre contractuel produits par la société requérante, ainsi que de la chronologie des opérations que les frais d'avocats et d'instance, qui ont été exposés postérieurement à la convention de cession, n'ont pas été inclus dans le prix de cession des titres. A cet égard il ne résulte pas de la convention du 10 décembre 2008, non plus que d'aucune autre circonstance, que les parties auraient convenu que de tels frais d'avocat et de litige auraient dû être rapportés, le cas échéant, au prix de cession des titres. Dans ces circonstances, la société requérante doit être regardée comme établissant que les dépenses en cause n'ont pas été incorporées dans le prix de cession des titres de participation. Par suite, en vertu des règles ci-dessus rappelées, elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses au titre de ses frais généraux.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Saint-Exupéry Holding est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société SARL Saint-Exupéry Holding de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La SARL Saint-Exupéry Holding est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations qui lui ont été assignées au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à la suite de la remise en cause de la déduction de la taxe ayant grevé les frais de litige avec la société PSP.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Saint Exupéry Holding la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Saint-Exupéry Holding et au ministre de l'action et des comptes publics.

18NC03242 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03242
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE SCHILTIGHEIM

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc03242 ?
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