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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC03212

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2020, 18NC03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Territoire de Musiques a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1600926 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 1

6 mai 2019, l'association Territoire de Musiques, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Territoire de Musiques a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1600926 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 16 mai 2019, l'association Territoire de Musiques, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de prononcer l'annulation du jugement du 25 septembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le caractère désintéressé de sa gestion n'étant pas contesté, le service ne pouvait la soumettre aux impôts commerciaux sans établir que son activité entrait en concurrence avec des entreprises du secteur commercial, ce qu'il ne fait pas, alors qu'elle a été créée par les collectivités publiques pour prendre en charge des missions d'intérêt général, que les prix qu'elle pratique sont inférieurs à ceux de festivals comparables et qu'elle fournit des services à titre gratuit dans le cadre d'une démarche de progrès social et environnemental, notamment en faveur de la lutte contre le handicap. C'est à tort que l'administration, suivie en cela par le tribunal, l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés sans analyser les conditions de la concurrence au regard du produit et du public visé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, l'administration fiscale a remis en cause les modalités d'application du régime d'exonération des bénéfices institué par l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des entreprises implantées au sein d'une zone franche urbaine sous lequel l'association Territoire de Musiques s'était placée et l'a assujettie en conséquence à l'impôt sur les sociétés. L'association, renonçant à revendiquer ce régime d'exonération, s'est alors prévalue de l'exonération de l'impôt sur les sociétés instituée par le 5° de l'article 207 du code général des impôts. A la suite du rejet de sa réclamation, l'association a demandé au tribunal administratif de Besançon la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge. Par le jugement attaqué du 25 septembre 2018, dont l'association Territoire de Musiques relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

2. Le 1 de l'article 206 du code général des impôts soumet à l'impôt sur les sociétés toute personne morale se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. L'article 207 du même code dispose cependant que : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés :/ 5° Les bénéfices réalisés par des associations sans but lucratif régies par la loi du 1er juillet 1901 organisant, avec le concours des communes ou des départements, des foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques, correspondant à l'objet défini par leurs statuts et présentant, du point de vue économique, un intérêt certain pour la commune ou la région ". Pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

3. L'association Territoire de Musiques a été créée en 1988, à l'initiative du conseil général, par les collectivités locales du département du Territoire de Belfort, sous la forme d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Elle a pour objet la promotion des musiques actuelles et du spectacle vivant. Son activité principale à ce titre depuis sa création a consisté à organiser chaque année durant la période estivale le festival dénommé " Les Eurockéennes de Belfort " faisant appel à des artistes de renommée internationale appelés à se produire sur scène moyennant rémunération. L'association organise également en collaboration un festival dénommé " GéNéRiQ " se tenant dans cinq villes de l'Est de la France.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'activité produit par l'association requérante, que la zone géographique d'attraction du festival " Les Eurockéennes ", qui n'est pas limitée aux régions Grand Est et Bourgogne Franche- Comté, s'étend non seulement à la France entière mais également à l'Europe. Pour reprendre les termes de cette plaquette, cette manifestation est devenue " au fil des années un évènement incontournable sur la carte des festivals européens. Etape inéluctable pour la fine fleur de l'internationale rock ". Compte tenu de la notoriété, nationale ou internationale, de la plupart des artistes invités à se produire au cours de ce festival, l'association requérante se trouve ainsi en concurrence, à raison des spectacles musicaux qu'elle produit régulièrement depuis une trentaine d'années, avec les évènements d'importance et de renommée analogues organisés en France mais également en Europe.

5. Il ressort des comptes de résultat produits par l'association requérante qu'elle tire l'essentiel de ses ressources de la vente de ses billets. Il ne résulte pas de l'instruction que le prix des entrées vendues aux festivaliers serait inférieur au prix du marché ou serait modulé en fonction de la situation personnelle des bénéficiaires. La circonstance que le public ait accès à des services présentés comme gratuits, dont il ne résulte pas de l'instruction que leur coût n'aurait pas été inclus dans le prix des billets, tels que les places de camping, de stationnement, les navettes trains et bus, l'entrée pour l'accompagnateur d'une personne handicapée, n'est ainsi pas de nature à démontrer que le prix pratiqué serait inférieur à celui du marché. Si l'association requérante se prévaut, dans le cadre des " Eurocks solidaires ", d'actions caritatives et d'intérêt général axées autour de la citoyenneté, de la culture pour tous, de la prévention et de l'environnement, ces opérations ne se démarquent pas sensiblement des politiques de communication pratiquées couramment par les entreprises commerciales.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le service a considéré que l'association requérante, en dépit du caractère désintéressé de sa gestion, ne pouvait être regardée comme un organisme agissant sans but lucratif au sens des dispositions ci-dessus reproduites du 1 de l'article 206 du code général des impôts. Elle ne peut dès lors, par voie de conséquence, se prévaloir du 5° du 1 de l'article 207 du même code.

7. L'instruction administrative sous référence BOI n° 170 du 15 septembre 1998 ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle résultant des règles ci-dessus rappelées et dont l'association requérante pourrait utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Territoire de Musiques n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 25 septembre 1998, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Territoire de Musiques est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Territoire de Musiques et au ministre de l'action et des comptes publics.

N° 18NC03212 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03212
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL LEGIPUBLIC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc03212 ?
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