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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC01932-18NC01933

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 avril 2020, 18NC01932-18NC01933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert auprès des autorités allemandes, d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son assignation à résidence, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer, dans les huit jours de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros pa

r jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert auprès des autorités allemandes, d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son assignation à résidence, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer, dans les huit jours de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert auprès des autorités allemandes, d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son assignation à résidence, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer, dans les huit jours de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1803747, 1803748 du 21 juin 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 14 juin 2018 du préfet du Bas-Rhin portant transfert auprès des autorités allemandes et assignation à résidence de M. et Mme E..., a enjoint au préfet du Bas-Rhin de leur délivrer à une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et sous réserve de l'admission définitive de ses clients à l'aide juridictionnelle, et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 18NC01932 le 9 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juin 2018 en tant qu'il a annulé la décision de transfert de M. E... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Strasbourg, tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2018 ordonnant son transfert auprès des autorités allemandes.

Il soutient que :

- la fille de M. et Mme E... ne satisfaisait pas au critère de minorité fixé par le g) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- au regard de leurs liens familiaux en France, M. et Mme E... ne pouvaient pas se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas commis d'erreur en n'usant pas de sa faculté de faire application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2018, M. E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. E... fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés et reprend les moyens présentés en première instance

Par un courrier en date du 15 mars 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée, dès lors que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale à l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 18NC01933 le 9 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juin 2018 en tant qu'il a annulé la décision de transfert de Mme E... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Strasbourg, tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert auprès des autorités allemandes.

Il soutient que :

- la fille de M. et Mme E... ne satisfaisait pas au critère de minorité fixé par le g) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- au regard de leurs liens familiaux en France, M. et Mme E... ne pouvaient pas se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas commis d'erreur en n'usant pas de sa faculté de faire application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2018, Mme E..., représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme E... fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés et reprend les moyens présentés en première instance

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 5 mars 2019.

Par un courrier en date du 15 mars 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée, dès lors que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale à l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 14 juin 2018 décidant le transfert de M. et Mme E... vers l'Allemagne, Etat regardé comme responsable de leur demande d'asile.

Sur les décisions de transfert :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statue au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés 14 juin 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. et Mme E... vers l'Allemagne est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle cet Etat a donné son accord pour leur reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par M. et Mme E..., de leurs recours présentés contre ces décisions sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification au préfet, le 25 juin 2018, du jugement du tribunal administratif Strasbourg du 21 décembre 2018 qui a annulé les décisions de transfert. Par suite, à la date du 25 décembre 2018, la France était, en tout état de cause, devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. et Mme E.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert en litige était devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 21 juin 2018 annulant les décisions de transfert de M. et Mme E... vers l'Allemagne sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes que le conseil de M. et Mme E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes n° 18NC01932 et 18NC01933 du préfet du Bas-Rhin.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... D... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 18NC01932, 18NC01933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01932-18NC01933
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc01932.18nc01933 ?
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