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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC00753

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2020, 18NC00753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, de l'intérêt de retard et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501577 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018, M. B..., représent

par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 janvier 2018 par lequel le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, de l'intérêt de retard et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501577 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a bénéficié d'aucun revenu distribué ni d'aucun enrichissement personnel dès lors que les opérations réalisées sur le compte d'associé n°4551 ouvert à son nom au sein de la société à responsabilité limitée (SARL) GMD, compte pivot, correspondaient à des opérations de centralisation de trésorerie destinées à neutraliser les créances et les dettes existantes dans les différentes sociétés du groupe ;

- le prononcé d'un jugement de liquidation judiciaire de la société 4A Sport et le défaut de recouvrement du débiteur ne sont pas de nature à faire disparaitre juridiquement et comptablement l'existence de la créance détenue par cette société sur la société GMD ;

- la circonstance que le SARL GMD ait elle-même subi une réintégration d'une somme de 659 989, 77 euros est sans incidence sur la notion d'enrichissement de son gérant à titre personnel ;

- les intérêts de retard, qui ne sont pas justifiés ici, et la pénalité pour manquement délibéré, qui ne l'est pas davantage, doivent être annulés en raison de l'irrégularité des rappels d'impôt sur le revenu mis à sa charge par le service ;

- au surplus, la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors qu'il ne bénéficiait, à l'époque des faits, d'aucun conseil et que l'administration n'a jamais répondu à ses arguments tirés des grandes difficultés personnelles qu'il subissait lors du contrôle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le plan comptable général ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite des vérifications de comptabilité pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2010 concernant, d'une part, la Sarl Groupe B... Développement (GMD), société holding qui exerce une activité de prêt-à-porter, mère de cinq filiales, les Sarl B... Sport, Sarl Univers Blanc, Sarl Authentic Boarder, Sarl Kanaxa et Sarl Leneca, dont elle détient 96 % des parts et, d'autre part, les SCI B... et Sarl 4A Sport, dont M. B... était le gérant et l'associé majoritaire, l'administration fiscale a réintégré dans les revenus de la Sarl GMD des crédits non justifiés du compte courant d'associé pour un montant de 939 699 euros. Par une proposition de rectification du 31 juillet 2012, établie selon la procédure de rectification contradictoire, le service a qualifié ces sommes de revenus distribués et les a imposées entre les mains de M. et Mme B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, entraînant ainsi des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'un montant de 524 413 euros et de contributions sociales d'un montant de 167 825 euros, au titre de l'année 2010. M. B... relève appel du jugement du 18 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.

Sur le bien fondé de l'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-19 du code de commerce : " Les éléments d'actif et de passif doivent être évalués séparément. / Aucune compensation ne peut être opérée entre les postes d'actif et de passif du bilan ou entre les postes de charges et de produits du compte de résultat (...) ". Aux termes de l'article R. 123-174 du même code : " tout enregistrement comptable précise l'origine, le contenu et l'imputation de chaque donnée ainsi que les références de la pièce justificative qui l'appuie ". Aux termes de l'article 1689 du code civil : " Dans le transport d'un droit ou d'une action sur un tiers, la délivrance s'opère entre le cédant et le cessionnaire par la remise du titre. ". Et aux termes de l'article 1690 du même code : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. / Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique. ". Enfin aux termes de l'article 130-2 du plan comptable général : " Le bilan décrit séparément les éléments actifs et passifs de l'entité et fait apparaître de façon distincte les capitaux propres et, le cas échéant, les autres fonds propres. / Les éléments d'actif et de passif sont évalués séparément. /Aucune compensation ne peut être opérée entre les postes d'actif et de passif. (...). ". Et aux termes de l'article 130-3 du même plan : " (...) Aucune compensation ne peut être opérée entre les postes de charges et de produits. ".

4. L'administration a regardé M. B..., gérant et associé majoritaire à 99,8 % de la société GMD, en sa qualité de maître de l'affaire, comme ayant été le bénéficiaire des revenus distribués correspondant à la somme de 939 699 euros, inscrite au crédit de son compte courant d'associé n°4551 ouvert à son nom au sein de cette société. Pour considérer cette somme comme non justifiée, l'administration a constaté qu'à la date du 31 mars 2010, en contrepartie de cette écriture comptable, les comptes n° 467 de la SARL 4A Sport, dont le requérant détenait 90 % des parts et les comptes n° 4516 des SARL Authentic Boarder, B... Sport, Univers Blanc et Leneca, détenues à 90 % par la société GMD, avaient été débités à titre de compensations. Or, il résulte de l'instruction que ces écritures comptables sont restées injustifiées malgré une mise en demeure de l'administration du 1er février 2011. En particulier, n'ont pas été présentées les conventions de prêts et/ou de mise à disposition de trésorerie entre la SARL 4A Sport et les différentes entités du groupe GMD et entre cette dernière société et les autres sociétés du groupe, en méconnaissance des dispositions des articles 1689 et 1690 du code civil ainsi que des dispositions de l'article R. 123-174 du code de commerce précité. C'est donc à bon droit que le service a considéré que ces opérations avaient permis à la SARL GMD de transformer des créances qu'elle détenait sur ses filiales et sur la SARL 4A Sport en des dettes envers son gérant et associé majoritaire, M. B....

5. En outre, M. B... soutient que le compte courant d'associé en litige fonctionnait comme un " compte pivot " au motif " qu'il était devenu impossible d'analyser financièrement tous les soldes ", ce qui lui permettait de réaliser des opérations de centralisation de trésorerie destinées à neutraliser les créances et les dettes existantes dans les différentes sociétés du groupe. Cependant, il ne produit aucun élément permettant de justifier fiscalement les transferts de créances en litige, ni d'ailleurs de les regarder comme conformes aux dispositions de l'article L. 123-19 du code de commerce et aux articles 130-2 et 130-3 du plan comptable général susvisés. En outre, le requérant n'apporte pas le moindre élément tangible, et notamment d'ordre contractuel, permettant d'établir que le compte litigieux, qui est d'ailleurs un compte courant d'associé et non un compte bancaire, remplissait les conditions de fonctionnement d'un compte pivot selon les règles posées par le code monétaire et financier et ne justifie pas davantage les opérations de centralisation alléguées. Par ailleurs, la SARL 4A Sport, qui n'est pas une société du groupe GMD, ne présente aucun lien capitalistique avec lui ou l'une de ses filiales. La circonstance invoquée par le requérant, tirée de ce que le fonctionnement de ce " compte pivot ", validé par son expert-comptable, a fait l'objet d'une annexe présentant l'ensemble des opérations comptables en litige, laquelle a été communiquée à l'administration, est donc inopérante.

6. Il résulte également de l'instruction que l'opération qui a consisté à porter une somme de 659 989,77 euros au débit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... au sein de la société GMD constituait un passif injustifié qui n'était pas opposable à l'administration dès lors qu'il s'agissait en réalité de la reconnaissance d'une dette fictive envers la société 4A Sport, laquelle n'avait présenté aucune comptabilité pour la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011 et n'avait déclaré aucune créance au moment de sa liquidation judiciaire le 12 mars 2011. Dans ces conditions, le requérant ne saurait se prévaloir de l'existence d'un solde créditeur de 250 765 euros, inscrit sur le compte courant d'associé ouvert à son nom au sein de la société GMD, avant les écritures de regroupement comptabilisées, pour démontrer l'absence d'enrichissement personnel.

7. Il s'ensuit que c'est à bon droit que, sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, l'administration a réintégré, au titre de l'année 2010, les sommes en litige dans le revenu imposable de M. B..., dont il n'est pas contesté qu'il est le seul maître de l'affaire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Sur les pénalités :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ". Les intérêts de retard réclamés à l'intéressé, qui sont dus de plein droit et n'impliquent aucune appréciation du comportement du contribuable, n'ont pas le caractère de sanction et visent uniquement à réparer le préjudice subi par le Trésor du fait du non-paiement dans les délais. M. B..., qui a fait à bon droit l'objet d'une imposition supplémentaire, ne saurait dès lors solliciter la décharge des intérêts de retard ayant assorti cette imposition par le moyen qu'ils seraient injustifiés.

9. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

10. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale relève que M. B... a volontairement procédé à la comptabilisation de sommes injustifiées au crédit de son compte courant dans le but de s'octroyer des avantages à des fins personnelles et qu'il ne pouvait ignorer le caractère abusif de ces écritures en sa qualité de dirigeant et d'administrateur principal des sociétés concernées. Ce faisant, outre les manquements du contribuable à ses obligations déclaratives, l'administration démontre l'intention de M. B... d'éluder l'impôt, sans que celui-ci puisse utilement faire valoir les difficultés professionnelles et personnelles qu'il aurait rencontrées lors du contrôle, au demeurant non démontrées, et qui l'auraient empêché de bénéficier des conseils de son expert-comptable. Par suite, c'est à bon droit que les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010 ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 susvisé du code général des impôts.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC00753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00753
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL BULLE PITTET SUTTER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc00753 ?
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