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05/03/2020 | FRANCE | N°18NC03488

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 mars 2020, 18NC03488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa situat

ion sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 180...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 1802196 du 31 août 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03488 le 21 décembre 2018, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 août 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 26 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... d'une part, de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en première instance et d'autre part, de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés en appel, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- le préfet a méconnu l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en estimant qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour au titre du regroupement familial alors qu'il en réunit les conditions ;

- il a également méconnu le 5 de l'article 6 de cet accord au regard de sa situation familiale ;

- il pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il vit en France depuis septembre 2015 et que l'arrêté litigieux a pour effet de séparer les enfants de l'un de leurs parents ;

- la décision est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son épouse et ses deux enfants résident en France ;

- le préfet a méconnu les articles 3, 8 et 10 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- il est fondé à solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- il est fondé à solliciter l'annulation de cette décision en invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Le préfet du Haut-Rhin fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant algérien, né le 1er janvier 1975, est entré en France le 2 juin 2016, muni d'un visa de tourisme. Il a sollicité le 1er décembre 2017 un certificat de résidence d'une durée d'un an, sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté en date du 26 janvier 2018, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 31 août 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser le séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

3. Il est constant que M. D..., dont l'épouse C... réside régulièrement sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident de dix ans, entre dans l'une des catégories pouvant bénéficier du droit au regroupement familial. Par suite, et quand bien même son épouse ne remplirait pas les conditions énoncées à l'article 4 de l'accord franco-algérien pour que son époux soit autorisé à résider en France sous ce régime, c'est sans erreur de droit que le préfet du Haut-Rhin s'est fondé, pour lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence sur la circonstance que l'intéressé avait " la possibilité de revenir en France par la procédure de regroupement familial ".

4. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait été saisi, par Mme D..., d'une demande de regroupement familial au bénéfice de son époux avant la date de la décision contestée. Dans ces conditions, le refus de certificat de résidence opposé à M. D... ne saurait être regardé comme constitutif d'un refus de regroupement familial dont le destinataire ne pouvait être, au demeurant, que Mme D.... Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien doit, par suite et en tout état de cause, être écarté.

5. En troisième lieu, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est exclusivement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. En l'espèce, le requérant ne pouvait se prévaloir que d'une présence en France inférieure à deux années à la date de l'arrêté préfectoral contesté. Dans ces conditions, et nonobstant les circonstances qu'il serait venu régulièrement en France depuis 2004, pour y voir sa soeur A..., et que son épouse C... et ses deux enfants résident sur le territoire français, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet a estimé que sa situation ne justifiait pas une mesure de régularisation à titre exceptionnel ou humanitaire.

7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Compte tenu de ce qui qui a été dit au point 6 du présent arrêt et de la circonstance que l'arrêté préfectoral contesté n'implique qu'une séparation temporaire entre M. D... et le reste de sa famille, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " Les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale ". Enfin, aux termes de l'article 10 de la même convention : " (...) toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille ".

10. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de New York est inopérant dès lors que ces stipulations ne créent d'obligations qu'en les Etats signataires sans ouvrir de droits aux intéressés.

11. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 4, il n'est pas établi que le préfet ait été saisi d'une demande de regroupement familial avant l'intervention de la décision contestée et par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 de la convention de New York.

12. Enfin, eu égard au jeune âge des enfants du couple D... à la date de la décision contestée, et aux possibilités dont bénéficient les parents d'engager une procédure de regroupement familial, le refus de certificat de résidence opposé à l'intéressé ne peut être regardé comme ayant méconnu l'intérêt supérieur des enfants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention de New York.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :

14. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.

15. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du le préfet du Haut-Rhin du 26 janvier 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai doivent être rejetées, par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. D... demande sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 18NC03488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03488
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-03-05;18nc03488 ?
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