Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 327 452,99 euros, majorée des intérêts de droit et de la capitalisation à compter du 10 juin 2016, date de sa première demande d'indemnisation.
Par un jugement n° 1605127 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°18NC03061 le 15 novembre 2018, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 ;
2°) condamner l'Etat à lui verser une somme de 327 452,99 euros, majorée des intérêts de droit et de la capitalisation à compter du 10 juin 2016, date de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en la mettant en demeure de reprendre le travail, alors qu'elle savait que son état de santé ne le permettait pas, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en raison de l'accident de voiture dont elle a été victime en rejoignant son travail ;
- la responsabilité sans faute de l'Etat est également engagée, en raison du risque créé par l'administration qui l'a placée dans une situation particulièrement dangereuse en maintenant sa mise en demeure de reprendre le travail ;
- l'indemnisation sollicitée correspond à la perte des revenus et de ses droits à la retraite, à l'achat d'un nouveau véhicule et à la réparation de son préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., professeur d'économie et de gestion, a bénéficié, après une intervention chirurgicale, d'un congé de maladie ordinaire du 19 octobre 2010 au 11 décembre 2011, à l'issue duquel elle a été placée en disponibilité d'office jusqu'au 24 mars 2013. Le recteur de l'académie de Strasbourg a alors, après avis favorable du comité médical départemental, prononcé sa réintégration et l'a affectée au lycée Aristide Briand à Schiltigheim à compter du 25 mars 2013, par une décision du 18 mars 2013. Ayant bénéficié d'un nouvel arrêt de travail du 26 mars au 30 avril 2013, Mme D... a fait l'objet d'une contre-visite médicale à l'issue de laquelle elle a été reconnue apte à la reprise et elle a alors été mise en demeure, par un courrier du 28 mars 2013, de rejoindre son poste le 8 avril suivant, ce qu'elle a fait. Le lendemain, elle a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'elle se rendait à son travail. Mme D... fait appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 327 452,99 euros en réparation des préjudices consécutifs à cet accident de trajet.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :
2. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental du Bas-Rhin a, au vu des expertises médicales réalisées sur la personne de Mme D..., émis, dans sa séance du 8 mars 2013, un avis favorable à une reprise des fonctions de l'intéressée à temps plein et dans les meilleurs délais. Cet avis a d'ailleurs été confirmé ultérieurement par le comité médical supérieur, le 9 avril 2014. Si l'intéressée a bénéficié, le lendemain même de sa reprise, d'un nouvel arrêt de travail du 26 mars 2013 jusqu'au 30 avril 2013, l'administration tenait des dispositions de l'article 25 du décret n° 86-442 du 13 mars 1986 la faculté de faire procéder à une contre-visite par un médecin agréé. Cette contre-visite ayant établi que le nouvel arrêt de travail n'était pas justifié, le recteur n'a commis aucune faute en mettant Mme D... en demeure de rejoindre son affectation sous peine de radiation des cadres. A cet égard, ni les certificats médicaux des 16 et 26 mars 2012, rédigés respectivement par les docteurs Vix et Luca, ni le courrier rédigé le 12 avril 2012 par le docteur Perez, soit plus d'une année avant les faits, ne sont de nature à remettre en cause la valeur probante des avis du comité médical départemental et du médecin agréé par l'administration, l'état de santé de la requérante pouvant avoir évolué dans l'intervalle. De même, il ne peut pas être fait grief à l'administration de ne pas avoir tenu compte des avis médicaux établis postérieurement à l'édiction de la mise en demeure litigieuse du 28 mars 2013.
3. Au surplus, à supposer même que l'accident de la circulation dont la requérante a été victime serait dû, comme elle le soutient, à l'un des malaises auxquels elle indiquait être exposée, aucun lien direct de causalité n'est établi entre la mise en demeure de reprendre ses fonctions pour le 8 avril 2013 et l'accident survenu le lendemain, l'intéressée ne contestant pas, en outre, qu'elle pouvait se rendre sur son lieu de travail, distant de trois kilomètres de son domicile, par les transports en commun.
4. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée sur le fondement de la faute.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :
5. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'a pas, du seul fait qu'elle lui a adressé une mise en demeure de reprendre ses fonctions, créé pour elle un risque d'être exposée à une situation particulièrement dangereuse du fait de son état de santé, dès lors qu'elle s'est entourée, avant de prendre une telle mesure, des avis médicaux requis par les dispositions législatives et réglementaires applicables. Au surplus, ainsi qu'il a déjà été indiqué, aucun lien direct de causalité ne peut être établi entre cette mise en demeure et l'accident de la circulation dont elle a été victime.
6. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité sans faute de l'Etat ne peut davantage être engagée à l'égard de Mme D....
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Strasbourg.
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N° 18NC03061