Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des amendes de 100% pour distributions occultes qui ont été mises à sa charge, en sa qualité de débiteur solidaire de la société à responsabilité limitée (SARL) Les Artisans de la Toiture, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1502021 du 9 novembre 2017 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2018, M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
2°) de déduire des montants ayant servi de base à l'amende visée à l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 les dépenses de location-gérance, les frais de restaurant de l'année 2011 ainsi que l'avoir établi par la société Les Artisans de la Toiture au titre de l'année 2012 d'un montant hors taxes de 22 470,47 euros ;
3°)de prononcer la décharge des amendes de 100 % mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les redevances de location-gérance versées par la SARL Les Artisans de la Toiture auraient dû être admises en déduction dès lors qu'il justifie les avoir perçues au titre des années 2011 et 2012 ;
- les frais de repas d'affaires sont des charges déductibles puisqu'ils ont été engagés dans l'intérêt de la société ;
- l'administration aurait dû déduire du chiffre d'affaires réalisé en 2012 par la SARL Les Artisans de la Toiture un montant de 44 941 euros hors taxes (HT) correspondant à deux avoirs accordés à la société Projinvest.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Les Artisans de la Toiture, dont M. A... est gérant et associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2011 et 2012. Par une proposition de rectification du 27 mai 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été notifiés à cette société. En application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, elle a été mise en demeure de désigner les bénéficiaires des revenus considérés comme distribués. En l'absence de réponse, l'administration a décidé de lui appliquer la majoration de 100 % prévue à l'article 1759 du code général des impôts, pour des montants de 33 865 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et 68 729 euros au titre de l'exercice clos en 2012. Un avis de mise en recouvrement a alors été adressé le 26 novembre 2014 à M. A..., solidairement responsable du paiement de cette amende en sa qualité de gérant de la SARL Les Artisans de la Toiture sur le fondement des dispositions de l'article 1754 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de décharge des pénalités précitées.
Sur l'étendue du litige :
2. Par deux premières décisions en date du 29 mai et du 5 juin 2018, postérieures à l'enregistrement de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a procédé à plusieurs dégrèvements au titre de l'année 2012, d'une part, en admettant partiellement le caractère déductible des charges litigieuses à hauteur de 54 670 euros hors taxes et, d'autre part, en abandonnant la pénalité mise à la charge de la SARL les Artisans de la Toiture, en application des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts. Il s'ensuit notamment qu'en raison du dégrèvement total de l'amende mise à la charge du requérant au titre de l'année 2012, est devenue sans objet sa demande tendant à ce que l'administration déduise du chiffre d'affaires réalisé en 2012 par la SARL Les Artisans de la Toiture un montant de 44 941 euros hors taxes (HT) correspondant à deux avoirs accordés à la société Projinvest. Enfin, par une troisième décision du 27 septembre 2019, l'administration a procédé au dégrèvement de la pénalité mise à la charge du requérant au titre de l'année 2011, sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts pour ce qui concerne les frais de location-gérance. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dans la mesure de ces dégrèvements. Ne reste donc finalement en litige que le montant des frais de restauration ayant servi de base à l'amende visée à l'article 1759 du code général des impôts mise à la charge du requérant au titre de l'année 2011.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
3. D'une part, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution./ En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1754 du même code : " V. 3. Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759. ". Et aux termes de l'article 1759 dudit code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".
4. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...). 5 (...) Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. ".
5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
6. L'administration a remis en cause, au titre de l'année 2011, la déductibilité d'une somme de 6 131 euros correspondant à des frais de restauration au motif que M. A... n'établissait pas les avoir engagés dans l'intérêt de l'entreprise. Toutefois, M. A... produit, pour la première fois en appel, des notes de restaurant pour un montant total de 5 969,78 euros au titre de l'exercice 2011. Seules trois dépenses d'un montant respectif de 32,50 euros, 38,70 euros et 90,02 euros ne sont pas établies par des factures. Pour justifier ces frais, l'intéressé a produit un récapitulatif extrait du grand livre journal et a indiqué dans un tableau détaillé, pour chaque dépense de restaurant, la date à laquelle elle a été exposée, l'établissement qui a émis la facture, le montant de celle-ci, ainsi que les entreprises et les organismes représentés par les convives ou même, pour certains, leur identité. Il en ressort que les personnes ainsi conviées étaient le plus souvent des clients, des architectes ou des entrepreneurs dans le secteur de la construction mais également des membres du personnel, invités notamment lors du déjeuner annuel de l'entreprise. Ces éléments de preuve ne sont pas remis en cause par l'administration qui se borne à relever sans autre précision, d'une part, que les repas en litige ont majoritairement été pris dans la commune du Chesne, où est situé le siège de la société, et notamment au " Panoramic ", établissement détenu à l'époque des faits à hauteur de 50 % du capital par M. et Mme Lecler et, d'autre part, que pour l'ensemble des dépenses concernées, l'intéressé n'a pas fourni l'identité des participants, ni aucun élément probant permettant d'apprécier l'objet de ces repas. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme apportant la preuve du caractère professionnel de ces dépenses de restaurant. Par suite, les sommes en cause, qui ne peuvent être regardées comme des distributions au sens de l'article 109 du code général des impôts, ne sauraient donner lieu à l'application de l'amende prévue à l'article 1759 susmentionné.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a pas fait droit à sa demande de décharge de l'amende qui a été mise à sa charge au titre de l'année 2011, en sa qualité de débiteur solidaire, à raison de la réintégration dans les bases d'imposition de la SARL Les Artisans de la Toiture d'un montant de 5 969,78 euros correspondant à des frais de restauration.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A..., en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... dans la mesure des dégrèvements prononcés les 29 mai et 5 juin 2018 ainsi que le 27 septembre 2019.
Article 2 : Il est accordé à M. A... la décharge de l'amende mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011, en sa qualité de débiteur solidaire, à raison de la réintégration dans les bases d'imposition de la SARL Les Artisans de la Toiture d'un montant de 5 969,78 euros.
Article 3 : Le jugement du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 18NC00093