Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Enedis et le préfet du Haut Rhin ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 24 février 2017 par laquelle le conseil municipal d'Eschbach-au-Val a refusé le déclassement des compteurs d'électricité existants et interdit leur remplacement par des dispositifs de comptage d'électricité communicants dits " Linky " sans le consentement préalable de la commune et une décision de désaffectation émanant du conseil municipal, ainsi que la décision implicite par laquelle le maire d'Eschbach-au-Val a rejeté le recours gracieux de la société Enedis dirigé contre cette délibération.
Par un jugement n° 1703070-1703462 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 24 février 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Enedis.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°18NC03369 le 17 décembre 2018, complétée par un mémoire enregistré le 4 avril 2019, la commune d'Eschbach-au-Val, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 octobre 2018 ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Haut-Rhin et la demande de la société Enedis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, car le tribunal ne s'est pas prononcé sur la question de la propriété des compteurs d'électricité ;
- les compteurs d'électricité étant la propriété de la commune, elle est seule compétente pour prononcer leurs nécessaires désaffectation et déclassement alors que les règles relatives au transfert de la propriété des biens entre personnes publiques qui figurent au code général de la propriété des personnes publiques, n'ont pas été appliquées en l'espèce ;
- les dispositions de l'article L. 322-4 du code de l'énergie et du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ne pouvaient pas prévoir un transfert à titre gratuit de la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale, sans méconnaître les dispositions de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- le déploiement des compteurs " Linky " ne saurait s'effectuer au mépris des règles de la domanialité publique qui n'ont pas été respectées en l'absence d'une décision de désaffectation de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2019, la société Enedis, représentée par Me B..., demande à la cour de rejeter la requête de la commune et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy.
Par ordonnance du 5 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et notamment la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ;
- le code de l'énergie ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 24 février 2017, le conseil municipal d'Eschbach-au-Val a refusé le déclassement des compteurs d'électricité existants et interdit leur remplacement par des dispositifs de comptage d'électricité communicants dits " Linky " sans le consentement préalable de la commune et une décision de désaffectation émanant du conseil municipal. La commune d'Eschbach-au-Val fait appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel, sur déféré du préfet du Haut-Rhin et sur demande de la société Enedis, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération pour incompétence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour répondre au moyen tiré par le préfet du Haut-Rhin de ce que la délibération en litige était entachée d'incompétence, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le transfert, au profit du syndicat d'électricité et de gaz du Rhin, de la compétence d'autorité organisatrice de réseau de distribution publique d'électricité, détenue jusqu'alors par la commune d'Eschbach-au-Val, avait eu pour effet de transférer à ce syndicat les pouvoirs de gestion des biens meubles et immeubles utilisés pour l'exercice de cette compétence au nombre desquels celui de décider la désaffectation de ces biens. Quels que soient les mérites de cette analyse, les premiers juges qui ont explicitement précisé n'avoir pas, dans ces conditions, à se prononcer sur la question de la propriété des biens concernés, ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait, à cet égard, entaché d'irrégularité.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l'objet d'un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (...) " Aux termes du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Un réseau public de distribution d'électricité a pour fonction de desservir les consommateurs finals et les producteurs d'électricité raccordés en moyenne et basse tension. L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence, ou le département s'il exerce cette compétence à la date de publication de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (...) ".
En ce qui concerne la constitutionnalité de ces dispositions :
4. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) ". Aux termes de l'article R.771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".
5. Il est constant que le moyen tiré par la commune appelante de ce que les dispositions des articles L. 322-4 du code de l'énergie et L. 2224-31 IV du code général des collectivités territoriales ne pouvaient pas prévoir un transfert à titre gratuit de la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale, sans méconnaître les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, n'a pas été présenté dans un mémoire distinct de la requête d'appel de la commune. Ce moyen doit, par suite, être écarté comme irrecevable.
En ce qui concerne l'application de ces dispositions :
6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité est attachée à la qualité d'autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu'une commune transfère sa compétence en matière d'organisation de la distribution d'électricité à un établissement public de coopération intercommunale, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune, et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l'article D. 342-1 du code de l'énergie.
7. Il résulte des statuts du syndicat d'électricité et de gaz du Rhin, approuvés par un arrêté du préfet du Haut-Rhin du 30 juin 2016, que les communes qui en sont membres, telle la commune d'Eschbach-au-Val, lui ont transféré leur compétence en matière d'organisation du service public du développement et de l'exploitation des réseaux de distribution publique d'énergie électrique. A la date de la délibération contestée, ce syndicat était ainsi déjà devenu propriétaire des dispositifs de comptage et lui seul pouvait exercer l'ensemble des pouvoirs de gestion des biens meubles et immeubles utilisés pour l'exercice de la compétence transférée, notamment le pouvoir de décider de la désaffectation de tels biens.
8. Si la commune se prévaut également de l'article 5 des statuts du syndicat d'électricité et de gaz du Rhin selon lesquelles " les ouvrages réalisés par les collectivités membres et nécessaires à l'exercice de la compétence d'autorité organisatrice du service public d'électricité et de gaz sont mis à disposition du syndicat ", il est constant que les compteurs d'électricité ne constituent pas des ouvrages réalisés par les communes membres et n'entrent dès lors pas dans le champ d'application de ces stipulations, lesquelles ne sauraient, en tout état de cause, avoir valeur supérieure aux dispositions législatives citées au point 3 ci-dessus.
9. Il suit de là que la commune était incompétente pour adopter la délibération litigieuse. Eu égard à cette incompétence, le moyen tiré de ce que le déploiement des compteurs Linky ne saurait s'effectuer au mépris des règles de la domanialité publique doit être écarté comme inopérant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Eschbach-au-Val n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération de son conseil municipal du 24 février 2017.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune d'Eschbach-au-Val demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune d'Eschbach-au-Val est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Eschbach-au-Val, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Enedis.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC03369