Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé de son transfert aux autorités italiennes désignées comme responsables de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1902159 du 29 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2019 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 3 octobre 2019, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jour à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation dans l'application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;
- il méconnaît l'article 5 du règlement n° 604/2013 ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont bien été rendues destinataire d'une demande reprise en charge dans les délais prévus par l'article 23 du règlement n° 604/2013 ; les dispositions des articles 23 et 25 du règlement ont ainsi été méconnues ;
- la circonstance que la France est devenue responsable de sa demande d'asile n'a pas pour effet de priver d'objet ses conclusions d'annulation ;
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient principalement que la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel et que subsidiairement, les autres moyens ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissante nigeriane, est entrée en France le 4 février 2019, selon ses déclarations et a déposé une demande d'asile le 8 février 2019. Le 20 février 2019, le préfet a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge en application de l'article 23 du règlement n° 604/2013 ci-dessus visé, les autorités italiennes ont implicitement donné leur accord pour la prise en charge de Mme E... le 7 mars 2019. Par un arrêté du 8 mars 2019, le préfet a décidé le transfert de la requérante aux autorités italiennes. Mme E... relève appel du jugement du 29 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de Mme E... vers l'Italie est intervenu moins de six mois après la décision implicite par laquelle l'Italie a donné son accord pour sa reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par Mme E..., du recours qu'elle a présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification au préfet du jugement du 29 mars 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ainsi la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de Mme E... à la date du 29 septembre 2019. Il s'ensuit qu'à la date du 29 septembre 2019, la décision de transfert était devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête aux fins d'annulation et d'injonction sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de Me F... tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais que Mme E... aurait exposés dans la présente instance si elle n'avait été admise à l'aide juridictionnelle totale.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de la requête de Mme E....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejété.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... née D... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC01924