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27/12/2019 | FRANCE | N°17NC02077

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 décembre 2019, 17NC02077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Mulhouse à lui verser la somme de 76 396 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du retard de diagnostic dont il a été victime lors de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1204118 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, venant aux droits du centre hospita

lier de Mulhouse, à verser respectivement à M. C... la somme de 26 690 euros e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Mulhouse à lui verser la somme de 76 396 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du retard de diagnostic dont il a été victime lors de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1204118 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, venant aux droits du centre hospitalier de Mulhouse, à verser respectivement à M. C... la somme de 26 690 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin les sommes de 45 734,07 euros au titre du remboursement des débours et de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2017, M. G... C..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1204118 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juin 2017 ;

2°) de condamner le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace à lui verser la somme totale de 76 396 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de condamner le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace aux dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le retard mis par le centre hospitalier de Mulhouse dans l'établissement de son diagnostic constitue une faute qui engage sa responsabilité ;

- du fait de ce retard de diagnostic, il a subi divers préjudices, qu'il évalue à 816 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, à 26 666 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, à 7 000 euros au titre des souffrances endurées, à 1 200 euros au titre du préjudice esthétique, à 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, à 6 048 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, à 14 666 euros au titre de la perte de revenus et à 10 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 25 et 28 novembre 2019, Mme J... I..., veuve C..., M. D... C..., Mme A... C..., Mme B... C... et M. F... C..., représentés par Me H... et agissant en qualité d'ayants droit de M. C..., décédé, concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 décembre 2019, le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à la mise à la charge des requérants de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu'il soit statué " ce que de droit quant aux frais ".

Il soutient que les prétentions indemnitaires des requérants ne sont pas recevables et, subsidiairement, qu'elles ne sont pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse, premier conseiller

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Présentant un état fiévreux et des douleurs dorsales sévères, M. G... C... a été hospitalisé au centre hospitalier de Mulhouse, d'abord du 27 février au 7 mars 2007, puis, à la suite d'un malaise sur son lieu de travail, du 21 au 27 mars 2007. Au cours de ces deux séjours, les médecins ont estimé que l'intéressé, qui est diabétique, souffrait d'une infection majeure causée par une plaie suintante au niveau du gros orteil gauche, dont il avait été amputé en octobre 2003. Ce n'est que le 11 avril 2007, alors que le requérant a été admis à l'hôpital Saint-Morand d'Altkirch, en raison d'une forte dégradation de son état de santé, que les examens effectués ont permis de diagnostiquer qu'il était, en réalité, atteint d'une spondylodiscite des onzième et douzième vertèbres thoraciques et d'une endocardite touchant la valve aortique, causées par un staphylocoque doré de souche multi-sensible. Traité par le biais d'une antibiothérapie et d'une immobilisation par corset, M. C... est resté hospitalisé dans cet établissement jusqu'au 8 juin 2007. Sa demande préalable d'indemnisation s'étant heurtée au silence de l'administration, l'intéressé, par une requête enregistrée le 5 septembre 2012, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant, après le dépôt le 2 février 2017 du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal, à la condamnation du centre hospitalier de Mulhouse à lui verser la somme de 76 396 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du retard de diagnostic dont il a fait l'objet lors de sa prise en charge par cet établissement. Par un jugement n° 1204118 du 20 juin 2017, le tribunal a condamné le groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, venant aux droits du centre hospitalier de Mulhouse, à verser respectivement à M. C... la somme de 26 690 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin les sommes de 45 734,07 euros au titre du remboursement des débours et de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Les requérants relèvent appel de ce jugement en tant qu'il limite le montant de l'indemnisation à la somme de 26 690 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace :

2. Il résulte de l'instruction que Mme J... I..., veuve C..., M. D... C..., Mme A... C..., Mme B... C... et M. F... C... ont indiqué, par le biais de leur conseil, dans un mémoire reçu le 28 novembre 2019, reprendre l'instance engagée par M. G... C..., aujourd'hui décédé, en leur qualité d'ayants droit de l'intéressé. Ils doivent donc être regardés comme reprenant pour leur propre compte les conclusions à fin d'indemnisation présentées par ce dernier. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

3. Il n'est pas contesté devant la cour que, comme l'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg, le centre hospitalier de Mulhouse a commis une faute qui engage sa responsabilité en ne procédant pas, par des examens complémentaires, dès le premier séjour de M. C... dans cet établissement, du 27 février au 7 mars 2007, à la recherche d'un foyer infectieux profond osseux et cardiaque. Il n'est pas davantage contesté, comme l'a également jugé le tribunal, que le retard de diagnostic, estimé à six semaines, est la cause directe et immédiate des préjudices résultant des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire pendant la période considérée, que ces postes de préjudice doivent par suite être intégralement réparés, et que, s'agissant des autres postes de préjudices, il y a lieu d'appliquer un taux de perte de chance de 66 %.

S'agissant des pertes de revenu :

4. M. C..., qui était agent de maîtrise dans une usine d'incinération, faisait valoir, dans ses écritures, que la faute commise par le centre hospitalier lui a causé, au cours des cinq ans et six mois entre son licenciement le 30 mars 2008 et son départ à la retraite en octobre 2013, une perte de revenus annuelle de 4 000 euros, soit 22 000 euros pour l'ensemble de cette période, résultant de la différence entre les indemnités journalières qu'il a perçues et les revenus qu'il aurait dû normalement percevoir pendant cette période, compte tenu des primes et des avantages dont il bénéficiait. Toutefois, les pièces versées au dossier ne permettent pas de tenir pour établie la perte de revenus alléguée, alors que, au demeurant, il résulte du relevé de prestations et de l'attestation patronale de perte de salaires produits par l'intéressé que la diminution de son salaire, primes comprises, au titre de l'année 2008 a été intégralement compensée par les prestations sociales versées par la caisse primaire d'assurance-maladie du Haut-Rhin. Par suite, les requérants ne peuvent prétendre à une indemnisation pour ce poste de préjudice.

S'agissant de l'assistance par une tierce personne :

5. Il résulte du rapport d'expertise du 24 mars 2011 que, du fait de la faute commise par le centre hospitalier de Mulhouse, l'état de santé de M. C... a nécessité en 2007, en dehors des périodes d'hospitalisation, l'assistance d'une tierce personne, à raison de trois heures par jour, pendant une période de neuf semaines pour des soins de toilette, d'habillage, de déplacement et de confection de repas. Eu égard au salaire minimum brut, augmenté des cotisations sociales, des congés payés et des majorations de salaire pour travail le dimanche et les jours fériés, le montant total de ce poste de préjudice peut être estimé, sur la base d'un coût horaire de 13 euros, à 2 769 euros. Compte tenu du taux de perte de chance évalué à 66 %, il sera alloué aux requérants la somme de 1 827 euros.

S'agissant des préjudices à caractère personnel :

6. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise du 24 mars 2011 que le retard de diagnostic fautif, dont M. C... a été victime du 27 février au 11 avril 2007, est directement à l'origine de souffrances endurées, qui ont été évaluées par l'expert à 2,5 sur 7. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal a insuffisamment apprécié ce poste de préjudice en allouant au demandeur la somme de 3 000 euros à ce titre.

7. En deuxième lieu, selon le rapport d'expertise du 24 mars 2011, le retard de diagnostic fautif est la cause directe, sur la période allant du 27 février au 11 avril 2011, d'un déficit fonctionnel temporaire total correspondant aux deux périodes d'hospitalisation, du 27 février au 7 mars et du 21 au 27 mars 2007, et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 4 (75 %). Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant aux ayants droit de M. C... la somme de 700 euros à ce titre.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, spécialement du rapport d'expertise du 24 mars 2011, que le déficit fonctionnel permanent de M. C..., qui était âgé de 55 ans à la date de consolidation, fixée au 31 décembre 2008, a été évalué par l'expert à 20 %. Par suite, compte tenu du taux de perte de chance de 66 %, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, dont le montant total peut être estimé à 34 000 euros, en allouant aux requérants la somme de 22 440 euros à ce titre.

9. En quatrième lieu, selon le rapport d'expertise du 24 mars 2011, le préjudice esthétique de M. C..., qui présentait une déformation de la colonne vertébrale et devait se déplacer à l'aide d'une canne, a été évalué par l'expert à 1 sur 7. Eu égard au taux de perte de chance de 66 %, les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal, en allouant à l'intéressé la somme de 750 euros, a insuffisamment apprécié ce poste de préjudice.

10. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que M. C... avait été contraint d'arrêter son activité d'entraîneur d'une équipe de football amateur, qu'il a exercée entre 2001 et 2007, et qu'il était désormais dans l'incapacité d'effectuer de longues marches. Par suite, et alors que l'intéressé faisait encore valoir qu'il ne pouvait plus pratiquer le vélo, ni conduire son véhicule, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, après application du taux de perte de chance de 66 %, en allouant aux requérants la somme de 2 500 euros à ce titre.

11. En sixième et dernier lieu, si M. C... réclamait 10 000 euros au titre du préjudice sexuel, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice dont il se prévalait présentait un lien direct et certain avec le retard de diagnostic fautif. Par suite, les requérants ne peuvent prétendre à une indemnisation pour ce poste de préjudice.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les ayants droit de M. C... sont fondés à demander la condamnation du groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace à leur verser la somme totale de 31 217 euros. Par suite, les requérants sont également fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant de l'indemnisation allouée au demandeur à 26 690 euros.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

13. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par les parties à ce titre doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du défendeur le versement aux ayants droit de M. C... de la somme totale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1204118 est réformé en qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace est condamné à verser aux ayants droit de M. C... la somme totale de 31 217 euros (trente-et-un mille deux cent dix-sept euros).

Article 3 : Le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace versera aux ayants droit de M. C... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... I..., veuve C..., à M. D... C..., à Mme A... C..., à Mme B... C... et à M. F... C..., agissant en qualité d'ayants droit de M. G... C..., au groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace et à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin.

N° 17NC02077 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC02077
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP HUFFSCHMITT, WEREY et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;17nc02077 ?
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