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10/12/2019 | FRANCE | N°19NC01535

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 10 décembre 2019, 19NC01535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 6 mars 2019 par lesquels, d'une part, la préfète du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, le préfet du Doubs l'a assigné à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900363 du 13 mars 2019, le magistrat désigné par le prés

ident du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 6 mars 2019 par lesquels, d'une part, la préfète du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, le préfet du Doubs l'a assigné à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900363 du 13 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900363 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 13 mars 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 6 mars 2019 de la préfète du Territoire de Belfort et du préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à renouveler pendant la durée du réexamen de son droit au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de son conseil de deux fois la somme de 750 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard des articles L. 741-1, R. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa demande d'asile, présentée dans le cadre de sa retenue pour vérification de son droit au séjour n'était pas dilatoire et que le préfet était dans l'obligation de l'enregistrer ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen de la demande et d'une erreur de fait, dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard du caractère raisonnable de la perspective d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet du Territoire de Belfort a été enregistré le 15 novembre 2019 mais n'a pas été communiqué.

Par une décision du 25 avril 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est un ressortissant kosovar, né le 20 mai 1978. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France en 2013. Il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 21 juillet 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 6 mai 2015. Le requérant a vainement sollicité la délivrance d'un titre de séjour les 30 mars 2015 et 24 octobre 2016, sur le fondement de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de son mariage avec une compatriote, bénéficiaire de la protection subsidiaire, et de la naissance en France de leurs filles. Par un arrêté du 3 août 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 décembre 2017 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 novembre 2018, le préfet du Doubs a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, qui a été exécutée d'office le 5 avril 2018. Entré de nouveau en France, de façon irrégulière, en février 2019, selon ses déclarations, M. B... a été interpellé le 5 mars 2019 à l'occasion d'un contrôle douanier. Par un arrêté du 6 mars 2019, la préfète du Territoire de Belfort l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un arrêté du même jour, le préfet du Doubs a assigné l'intéressé à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours. Par une requête enregistrée le 8 mars 2019, le requérant a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 6 mars 2019. Il relève appel du jugement n° 1900363 du 13 mars 2019, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il résulte du procès-verbal d'audition de M. B... du 5 mars 2019, effectuée dans le cadre de sa retenue pour vérification de son droit au séjour, que l'intéressé a indiqué vouloir présenter une demande d'asile en France en raison de " ses problèmes politiques au Kosovo ". Il est constant, toutefois, que le requérant, dont la précédente demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 21 juillet 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 6 mai 2015, ne fait valoir aucun élément nouveau et qu'il n'a entrepris aucune démarche, depuis son retour en France au mois de février 2019, pour régulariser sa situation. M. B... admet, en outre, lors de cette même audition, n'avoir rencontré aucune difficulté lors de son retour dans son pays d'origine à compter du 5 avril 2018. Dans ces conditions, la demande d'asile de l'intéressé, sollicitée dans le cadre de sa retenue pour vérification de son droit au séjour, doit être regardée comme ayant été présentée en vue de faire échec à une mesure d'éloignement. Par suite, en s'abstenant de procéder à son enregistrement, la préfète du Territoire de Belfort n'a en tout état de cause pas commis d'erreur de droit au regard des articles L. 741-1, R. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, le 27 mars 2017, par le tribunal correctionnel de Besançon à une peine de deux ans d'emprisonnement pour aide, en bande organisée, à l'entrée, à la circulation et au séjour d'un étranger en France et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Eu égard à la nature et à la gravité des faits reprochés, ainsi qu'au caractère récent de la condamnation, la préfète a pu considérer, sans entacher sa décision d'un défaut d'examen ou d'une erreur de fait, que la présence en France du requérant représentait une menace pour l'ordre public à la date de la décision attaquée. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. B... se prévaut de son mariage à Besançon, le 14 février 2014, avec une compatriote, bénéficiaire de la protection subsidiaire, de la naissance en France de ses trois filles, les 15 septembre 2014, 31 octobre 2015 et 8 décembre 2017, et de la scolarisation des deux premières, il est constant que l'intéressé ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française et qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vit notamment sa mère. Par suite, eu égard à la menace pour l'ordre public que représente la présence de l'intéressé en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

6. En quatrième et dernier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Si ces stipulations imposent à l'autorité administrative, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, elles ne lui interdisent pas, le cas échéant, de prendre en considération la menace à l'ordre public que représente la présence sur le territoire français de leurs parents. Dans ces conditions, eu égard notamment au jeune âge des trois filles de M. B..., qui ont vécu séparées de leur père pendant plus de dix mois, et à la menace pour l'ordre public que représente la présence en France du requérant, la préfète n'a pas méconnu les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant en prononçant la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, ce dernier moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, la décision en litige comporte, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

10. En troisième et dernier lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'éloignement de M. B... ne demeurait pas une perspective raisonnable à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut être favorablement accueilli.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du 6 mars 2019. Par suite, l'intéressé n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du territoire de Belfort et au préfet du Doubs.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01535
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-10;19nc01535 ?
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