Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2015 par lequel le recteur de l'académie de Nancy-Metz l'a suspendue de ses fonctions ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de condamner l'Etat à lui verser un euro en réparation de son préjudice moral et d'enjoindre au recteur de reconstituer sa carrière et de lui verser les primes et traitements dont elle a été privée.
Par un jugement n° 1600905 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Nancy-Metz du 25 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nancy-Metz de lui verser les primes qu'elle n'a pas perçues et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens engagés en première instance et en appel, ainsi qu'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'une rétroactivité illégale ;
- elle ne pouvait pas faire l'objet d'une telle mesure en vertu de l'application du principe " non bis in ibidem " ;
- il existe plusieurs différends d'ordre professionnel avec son employeur ;
- les tâches qui lui sont confiées ne correspondent pas à celles qui peuvent lui être dévolues en qualité de secrétaire administratif ;
- les comptes rendus de ses entretiens professionnels annuels ont été établis à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 ;
- son dossier individuel n'a pas été tenu conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- l'exclusion temporaire de fonctions de trois mois prise à son encontre est disproportionnée ;
- elle est victime de harcèlement moral ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2019 à 12 heures.
Mme D... a produit des mémoires les 7, 8 et 18 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Seibt rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., secrétaire d'administration scolaire et universitaire de classe normale, est affectée au centre d'information et d'orientation (CIO) de Bar-le-Duc depuis le 1er septembre 2009. Par un arrêté du 25 septembre 2015, le recteur de l'académie de Nancy-Metz l'a suspendue de ses fonctions. Elle relève appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice moral et financier qu'elle aurait subi du fait de l'illégalité de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration, qui ont reprises celles de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 : " Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée ".
3. Il est constant que le recteur a expressément indiqué dans la décision litigieuse que la suspension prendra effet à compter de la date de notification de l'arrêté à Mme D.... Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la mesure prise à son encontre revêt un caractère rétroactif et que les dispositions précitées ont ainsi été méconnues.
4. En deuxième lieu, une mesure de suspension de ses fonctions prise à l'encontre d'un fonctionnaire est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Par suite et en tout état de cause, Mme D... ne peut utilement faire valoir, pour contester la légalité de la décision litigieuse, qu'elle a déjà fait l'objet d'un blâme pour des faits similaires.
5. En troisième lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire (...) l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une mesure de suspension peut intervenir en cas de faute grave commise par un fonctionnaire. Ces dispositions trouvent à s'appliquer dès lors que les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
6. Mme D... se prévaut de plusieurs différends d'ordre professionnel qui l'opposent à ses supérieurs hiérarchiques, notamment s'agissant de la nature les tâches qui lui sont confiées qui ne correspondraient pas, selon elle, à celles qui peuvent être dévolues à un secrétaire administratif. Elle indique par ailleurs que les comptes rendus de ses entretiens professionnels annuels ont été établis à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 et que son dossier individuel n'a pas été tenu conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983.
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse suspendant Mme D... a été prise après une violente altercation verbale que l'intéressée a eue avec sa supérieure hiérarchique. Pour justifier la décision litigieuse, le recteur se prévaut de cet incident et de la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service, Mme D... ayant eu un comportement agressif non seulement à l'égard de sa supérieure hiérarchique mais également à l'encontre de certains de ses collègues. Dans ces conditions et compte tenu de l'argumentation de la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits reprochés à Mme D... ne pouvaient pas être regardés comme des manquements suffisamment graves pour justifier, en attendant qu'il soit statué sur les poursuites disciplinaires, le prononcé d'une mesure de suspension.
8. En quatrième lieu, Mme D... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le recteur lui a, postérieurement à l'édiction de la décision litigieuse, infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.
9. En cinquième lieu, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel de tels agissements sont reprochés et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
10. En l'espèce, en l'absence d'éléments probants apportés par Mme D... et compte tenu du comportement de cette dernière, il ne peut être regardé comme établi que l'intéressée aurait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Le détournement de pouvoir n'est par suite et en tout état de cause pas établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 septembre 2015 ainsi que ses conclusions indemnitaires. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'éducation nationale.
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N° 17NC02969