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10/12/2019 | FRANCE | N°17NC02941

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 10 décembre 2019, 17NC02941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2016 par lequel le recteur de l'académie de Nancy-Metz a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1600736 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2017, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 octobre 2017 ;

2°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2016 par lequel le recteur de l'académie de Nancy-Metz a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1600736 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2017, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Nancy-Metz du 7 janvier 2016 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros ainsi qu'une somme correspondant aux traitements qu'elle n'a pas perçus pendant la période de l'exclusion temporaire de fonctions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courrier saisissant le conseil de discipline n'indiquait pas de manière suffisamment précise les griefs qui lui étaient reprochés ;

- elle n'a pas eu connaissance du rapport du 30 juin 2015 adressé au conseil de discipline :

- le conseil de discipline n'a pas délibéré et n'a pas rendu d'avis ;

- le conseil de discipline aurait dû proposer une sanction d'exclusion des fonctions de quinze jours ;

- les faits qui lui sont reprochés relèvent de l'insuffisance professionnelle et ne pouvaient servir à fonder une sanction disciplinaire ;

- elle avait déjà été sanctionnée pour les mêmes faits par un blâme ; elle ne pouvait pas faire l'objet d'une nouvelle sanction disciplinaire ;

- les comptes rendus de ses entretiens professionnels annuels ont été établis à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 ;

- son dossier individuel n'a pas été tenu conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- il existe plusieurs différends d'ordre professionnel avec son employeur ;

- les tâches qui lui sont confiées ne correspondent pas à celles qui peuvent lui être dévolues en sa qualité de secrétaire administratif ;

- la sanction est disproportionnée compte tenu du contexte dans lequel sont intervenus les faits qui lui sont reprochés et de son état de santé ;

- elle est victime de harcèlement moral ; l'arrêté litigieux est ainsi entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2019 à 12 heures.

Mme D... a produit des mémoires les 7, 8 et 18 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une décision du 23 janvier 2018, la demande d'aide juridictionnelle de Mme D... a été rejetée.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Seibt rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., secrétaire d'administration scolaire et universitaire de classe normale, est affectée au centre d'information et d'orientation (CIO) de Bar-le-Duc depuis le 1er septembre 2009. Par un arrêté du 7 janvier 2016, le recteur de l'académie de Nancy-Metz a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de trois mois. Elle relève appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme d'un euro en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'illégalité de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes du rapport de saisine du conseil de discipline produit par le ministre en appel que ce rapport indique clairement les faits reprochés à Mme D... et précise les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. Mme D... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les dispositions précitées auraient été méconnues.

4. En deuxième lieu, si Mme D... fait valoir qu'elle n'a pas eu connaissance du rapport du 30 juin 2015 établi par sa supérieure hiérarchique et adressé au conseil de discipline, ses allégations sont, en tout état de cause, contredites par les pièces du dossier, dès lors que l'intéressée a contesté les termes dudit rapport par un courrier daté du 13 juillet 2015.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord ".

6. Il ressort des mentions figurant sur le procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire qui s'est réunie le 8 décembre 2015 que le conseil de discipline a délibéré à huis clos et a rendu un avis sur le cas de Mme D.... Le moyen tiré de de ce que le conseil de discipline n'a pas délibéré et n'a pas rendu d'avis manque dès lors en fait et ne peut ainsi qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, dès lors que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois avait recueilli l'accord de la majorité des membres présents, le président du conseil de discipline ne devait pas mettre aux voix les sanctions plus douces figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires. En outre, la circonstance que le conseil de discipline aurait entaché son avis d'une erreur d'appréciation serait sans incidence sur la régularité de la procédure et, par suite, sur la légalité de la décision litigieuse.

8. En cinquième lieu, si la requérante soutient que son dossier individuel n'aurait pas été régulièrement tenu conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983, elle n'établit pas que c'est à tort que certaines pièces ont été insérées dans son dossier ou que d'autres pièces auraient dû y figurer ou ont été supprimées. En outre et en tout état de cause, à supposer que les pièces de son dossier n'étaient pas classées et numérotées sans discontinuité, cette circonstance ne serait pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'une pièce pouvant avoir une influence sur le cours de cette procédure aurait été soustraite du dossier avant sa communication à l'intéressée.

9. En sixième lieu, la circonstance que les comptes rendus de ses entretiens professionnels annuels auraient été établis à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.

10. En septième lieu, il est reproché à Mme D... d'avoir eu un comportement inapproprié et agressif et d'avoir tenu des propos injurieux envers sa supérieure hiérarchique et d'autres agents du CIO, parfois en présence d'usagers, d'avoir refusé de se rendre à plusieurs reprises à des convocations du médecin de prévention et, enfin, d'avoir envoyé à ses différents supérieurs hiérarchiques un nombre très important de courriers et de messages électroniques vindicatifs. A supposer que certains de ces faits puissent être regardés comme étant de nature à caractériser l'inaptitude professionnelle de Mme D..., ils relèvent d'un comportement délibéré de l'intéressée et sont susceptibles de justifier une sanction disciplinaire.

11. En huitième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'autorité administrative n'a pas entendu sanctionner Mme D... pour les faits qui ont donné lieu à l'infliction d'un blâme le 7 novembre 2014. Par ailleurs, la circonstance que l'intéressée ait déjà été sanctionnée pour des faits similaires ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité administrative prenne une nouvelle sanction à son encontre, dès lors que son comportement a perduré postérieurement à la première sanction.

12. En neuvième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

13. En l'espèce, il est reproché à Mme D... d'avoir refusé d'exécuter des tâches qui lui étaient demandées, d'avoir contesté à de nombreuses reprises les consignes qui lui étaient données, d'avoir dénigré de manière récurrente sa supérieure hiérarchique et les conseillères d'orientation en tenant notamment des propos diffamatoires et injurieux et, plus généralement, d'avoir un comportement agressif envers sa supérieure hiérarchique et certaines de ses collègues, parfois en présence d'usagers. Il lui est également reproché de ne pas s'être rendue à plusieurs rendez-vous avec le médecin de prévention et d'avoir envoyé à ses différents supérieurs hiérarchiques un nombre très important de courriers et de messages électroniques vindicatifs. Le comportement de Mme D... est établi notamment par les rapports et attestations circonstanciés établis par son supérieur hiérarchique et des collègues faisant état d'incidents précis. Si Mme D... se prévaut de ce qu'elle souffrait d'un état dépressif sérieux, elle ne produit aucun élément médical relatif à la période en cause. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier qu'au moment des faits l'intéressée ait été dans un état psychique tel qu'elle ne pouvait être regardée comme responsable de ses actes, ni que cet état ait été de nature à justifier les graves manquements constatés. Le comportement reproché à Mme D... ne peut pas davantage se justifier par la circonstance qu'il existerait un différend, entre la requérante et sa hiérarchie, sur sa fiche de poste et sur les tâches qui peuvent lui être confiée en sa qualité de secrétaire administratif. Dans ces conditions, le comportement de l'intéressée constitue une faute de nature à justifier une sanction. Enfin, compte tenu de la gravité des faits qui ont pu être de nature à porter atteinte à l'image du service public et alors que l'intéressée a déjà fait l'objet d'un blâme pour des faits similaires, le recteur n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en décidant d'exclure Mme D... temporairement de ses fonctions pour une durée de trois mois.

14. En dixième lieu, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel de tels agissements sont reprochés et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

15. En l'espèce, en l'absence d'éléments probants apportés par Mme D... et compte tenu du comportement de cette dernière, il ne peut être regardé comme établi que l'intéressée aurait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Le détournement de pouvoir n'est par suite et en tout état de cause pas établi.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 janvier 2016 ainsi, en tout état de de cause, que ses conclusions indemnitaires. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'éducation nationale.

2

N° 17NC02941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC02941
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BIENFAIT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-10;17nc02941 ?
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