Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infection nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 466 933,33 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa contamination par voie transfusionnelle par le virus de l'hépatite C.
Par un jugement n° 1506453 du 10 août 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 55 824 euros et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2017, Mme A... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1506453 du tribunal administratif de Strasbourg du 10 août 2017 ;
2°) à titre principal et avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise médicale afin de déterminer l'ensemble des préjudices subis et d'indiquer si son état de santé peut être considéré comme consolidé ou stabilisé ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 466 933,33 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la demande préalable ou de l'enregistrement de la requête au greffe de la juridiction, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa contamination par voie transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;
4°) de condamner l'ONIAM aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une nouvelle expertise médicale dès lors que le rapport d'expertise médicale du 25 novembre 2013 a considéré, à tort, que de multiples affections, dont elle est atteinte ne sont pas en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu de réévaluer le montant de l'indemnité retenu par le tribunal ;
- le tribunal, qui lui accordé la somme de 5 824 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et la somme globale de 50 000 euros au titre de l'ensemble des préjudices personnels subis, n'a pas procédé à une ventilation par poste de préjudice en méconnaissance du principe de la réparation intégrale du dommage ;
- du fait de sa contamination par voie transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, elle a subi des préjudices qu'elle évalue, respectivement, à 201 600 euros au titre de la perte de revenus, à 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, à 50 000 euros au titre de l'assistance par tierce personne, à 97 333,33 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, à 30 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, à 50 000 euros au titre des souffrances endurées, à 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément, à 1 000 euros au titre du préjudice esthétique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2017, l'ONIAM, représenté par Me B..., conclut, à titre principal, à ce qu'il soit ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise afin de déterminer l'ensemble des préjudices subis et d'indiquer si l'état de santé de Mme C... peut être considéré comme consolidé ou stabilisé, à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation sollicitée par la requérante soit réduite à de plus justes proportions.
Il soutient que :
- une expertise avant dire droit sur l'ensemble des préjudices serait utile, notamment pour déterminer si l'état de santé de Mme C... peut être considéré comme consolidé ou stabilisé ;
- le principe de la réparation intégrale du dommage n'a pas été méconnu par les premiers juges, dès lors que les préjudices patrimoniaux ont été appréciés poste par poste et que seuls les préjudices personnels ont donné lieu à une évaluation globale ;
- les préjudices allégués au titre de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle ne sont pas en lien avec la contamination ;
- la matérialité du préjudice d'agrément n'est pas démontrée ;
- en l'absence de consolidation ou de stabilisation de l'état de santé, seuls les préjudices temporaires peuvent être indemnisés ;
- les montants réclamés par la requérante doivent être diminués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en application des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion sanguine, laquelle a été diagnostiquée en novembre 2002. Par un courrier du 3 mars 2014, l'ONIAM a fait une proposition d'indemnisation transactionnelle partielle pour un montant de 30 000 euros. Considérant cette proposition comme insuffisante, Mme C..., par une requête enregistrée le 16 novembre 2015, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'ONIAM a lui verser la somme totale de 466 933,33 euros. Elle relève appel du jugement n° 1506453 du 10 août 2017 qui a condamné l'ONIAM à lui payer une somme de 55 824 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que le tribunal a procédé à une appréciation, poste par poste, des préjudices relatifs aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle, aux frais divers et à l'assistance par tierce personne. S'il s'est borné à procéder à une évaluation globale des préjudices extrapatrimoniaux subis par Mme C..., il n'est pas établi, ni même allégué, que ces préjudices auraient donné lieu au versement par la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle d'une prestation compensatrice. Par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la contamination par le virus de l'hépatite C :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. ".
4. Il résulte du rapport d'expertise du 25 novembre 2013 et il n'est pas contesté en défense que Mme C... a été contaminée par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion sanguine, effectuée le 16 octobre 1982, alors qu'elle était hospitalisée, du 4 au 25 octobre 1982, à l'hôpital Sainte-Blandine de Metz pour une ablation de la vésicule biliaire. Par suite, la requérante est fondée à solliciter la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette contamination.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices relatifs à la perte de revenu actuelle et future et à l'incidence professionnelle :
5. Il résulte de l'instruction, spécialement du rapport d'expertise du 25 novembre 2013, que Mme C... a travaillé un an à la blanchisserie de l'hôpital Sainte-Blandine de Metz entre 1978 et 1979. Elle a ensuite cessé toute activité professionnelle jusqu'au 8 avril 2002 puis a travaillé sept mois, comme aide à domicile, au sein de l'Association mosellane d'aide aux personnes âgées et handicapées (AMAPA), du 8 avril au 31 octobre 2002. A compter du 31 octobre 2002, elle a été placée en arrêt de travail pour longue maladie, avant d'être licenciée le 6 juin 2007 et mise en invalidité. Elle n'a plus travaillé depuis. S'il est vrai que le diagnostic de sa contamination par le virus de l'hépatite C, en novembre 2002, coïncide avec son arrêt de travail pour longue maladie, un courrier d'un médecin spécialiste au service d'hépato-gastroentérologie de l'hôpital Saint-André de Metz, daté du 6 novembre 2011, indique que la patiente, nonobstant sa contamination, " est totalement asymptomatique ". Il résulte, en outre, d'un courrier du 2 juin 2003, émanant d'un médecin neurologue, que Mme C..., " est porteuse d'une hépatite C post-transfusionnelle non active ". Par ailleurs, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, la requérante souffre de pathologies cardiaque, neurologique et thyroïdienne, qui ne sont pas liées, selon l'expert, à sa contamination par le virus de l'hépatite C et qui peuvent expliquer, par elles-mêmes, l'arrêt de travail pour longue maladie et l'impossibilité pour l'intéressée de reprendre une activité professionnelle. Par suite, en l'absence de toute indication sur le motif exact de cet arrêt de travail pour longue maladie et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions à fin d'indemnisation présentées à ce titre, il ne résulte pas de l'instruction que, du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, Mme C... aurait subi des préjudices liés à la perte de revenus actuelle et future et à l'incidence professionnelle.
S'agissant du préjudice relatif à l'assistance par une tierce personne :
6. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, et tenant compte des coûts supplémentaires dus aux congés payés et à la rémunération du travail effectué le dimanche et les jours fériés.
7. Il résulte de l'instruction, spécialement du rapport d'expertise du 25 novembre 2013, que, en 2005 et 2006, pendant la durée de son traitement antiviral et de la période qui a suivi son arrêt, soit au total trente-deux semaines, Mme C... a souffert d'une asthénie et d'une anémie qui ont nécessité le recours à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne à raison de deux heures par semaine. Il n'est pas contesté que l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne lui a été refusée le 22 septembre 2005 en raison d'un taux d'incapacité inférieur à 80 % et que cette assistance a été assurée par son époux et par les membres de sa famille. En revanche, en dehors de cette période de trente-deux semaines, Mme C..., qui, selon le rapport d'expertise, ne souffre d'aucune perte d'autonomie, ne justifie pas, par les seules attestions de proches versées au dossier, avoir eu besoin d'une telle aide humaine. Enfin, contrairement aux allégations de l'ONIAM et ainsi que l'a jugé le tribunal, il n'y pas lieu de déduire du montant de la somme due pour ce poste de préjudice l'allocation aux adultes handicapés, que Mme C... a perçue du 1er août 2005 au 1er novembre 2007. En effet, une telle allocation constitue, conformément aux dispositions de l'article L. 811-1-1 du code de l'action sociale et des familles, une garantie de ressources et n'a pas pour objet de compenser les besoins d'assistance liés au handicap. Par suite, compte tenu du montant du salaire minimum moyen, augmenté des charges sociales et des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés, des congés payés et de la durée de la période de référence, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à Mme C... la somme de 6 552 euros à ce titre.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
8. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme C... peut être regardé comme insusceptible d'amélioration à la date du 25 novembre 2013, date de l'établissement du rapport d'expertise. Eu égard cependant à l'aggravation de la maladie hépatique de l'intéressée, dont la fibrose est désormais passée du stade F3 au stade F4, ainsi qu'il ressort du résultat d'analyse du 23 février 2016, il sera fait une juste appréciation des préjudices relatifs au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique temporaire, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice d'agrément en allouant à la requérante une somme globale de 80 000 euros.
En ce qui concerne les intérêts :
9. En l'absence de pièce permettant d'établir la date de la demande d'indemnisation à l'ONIAM, la somme de 86 552 euros allouée par la cour sera augmentée des intérêts moratoires calculés au taux légal à compter du 3 mars 2014, date de la proposition d'indemnisation transactionnelle adressée par l'ONIAM à Mme C... en réponse à sa demande.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise médicale, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a seulement condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 55 824 euros et que cette somme doit être portée à 86 552 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
11. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions de Mme C... à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme C... de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 55 824 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme C... par le jugement n° 1506453 du 10 août 2017 est portée à la somme de 86 552 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014.
Article 2 : Le jugement n° 1506453 du tribunal administratif de Strasbourg du 10 août 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'ONIAM versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'ONIAM tendant à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une expertise médicale sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle.
N° 17NC02418 2