Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Escherange à lui verser la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'il a subi en raison de l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2007 par lequel le maire de la commune d'Escherange a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Par un jugement n° 1602272 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Escherange à verser à M. E... la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 septembre 2018 et 25 septembre 2019, la commune d'Escherange, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande indemnitaire de M. E... ;
3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'existe pas de lien de causalité entre l'illégalité du refus de délivrer un permis de construire à M. E... et les préjudices qu'il a subis ;
- le second refus de permis de construire est devenu définitif et faisait obstacle à la réalisation du projet de M. E... ;
- les fautes commises par M. E... sont de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
- le pétitionnaire n'a subi aucun préjudice en lien direct avec le refus illégal de lui délivrer un permis de construire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, M. F... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Escherange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la commune d'Escherange n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'arrêt n° 11NC01170 de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 avril 2012 ;
- le jugement n° 0800734 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 mai 2011.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune d'Escherange et de M B..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a déposé une demande de permis de construire en vue de la construction d'un immeuble comportant 16 logements sur le territoire de la commune d'Escherange. Par un arrêté du 17 décembre 2007, le maire de la commune d'Escherange a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Par un jugement du 17 mai 2011, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 17 décembre 2007. Par un arrêt du 26 avril 2012, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé cette annulation. M. E... a adressé une demande indemnitaire préalable à la commune d'Escherange, le 10 mars 2016, pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant des frais de constitution du dossier de permis de construire qu'il a exposés en pure perte. Le 30 mars 2016, le maire de la commune d'Escherange a rejeté cette demande. Par un jugement du 6 juillet 2018, dont la commune d'Escherange relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à M. E... la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Ces dispositions n'ont eu, ni pour objet, ni pour effet de modifier les règles relatives aux conditions dans lesquelles la responsabilité de l'administration peut être mise en cause.
3. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, par un arrêt du 26 avril 2012 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé le jugement du 17 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 17 décembre 2007 du maire de la commune d'Escherange rejetant la demande de permis de construire de M. E.... En refusant illégalement de délivrer un permis de construire à M. E..., le maire de la commune d'Escherange a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune et à ouvrir à M. E... un droit à réparation à raison des préjudices directs et certains résultant de cette faute.
4. Il résulte de l'instruction que, à la suite de l'arrêt du 26 avril 2012 de la cour administrative d'appel de Nancy, la commune d'Escherange a procédé à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire de M. E.... Par un arrêté du 17 octobre 2012, alors que le délai de six mois dont M. E... disposait à compter de la notification de l'arrêt du 26 avril 2012 pour demander la délivrance de son permis de construire au bénéfice des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme n'était pas écoulé, le maire a de nouveau opposé un refus de permis de construire à M. E..., sur le fondement des dispositions du nouveau plan local d'urbanisme adopté le 1er mars 2012.
5. Par ailleurs le maire de la commune d'Escherange a rejeté le recours gracieux qu'a formé M. E... tendant au retrait du refus de permis de construire du 17 octobre 2012. M. E... invoquait notamment le bénéfice des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme. Il n'a toutefois pas formé de recours contentieux à la suite du rejet de son recours gracieux. Le refus de permis de construire qui lui a été opposé le 17 octobre 2012 est ainsi devenu définitif.
6. Il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par M. E..., qui a exposé des dépenses en vain pour constituer son dossier de demande de permis de construire, résulte directement, non du refus de permis de construire qui lui a été initialement opposé par le maire de commune d'Escherange, le 17 décembre 2007, mais du second refus de permis de construire du 17 octobre 2012, qui est devenu définitif et empêchait M. E... de mener à bien son projet.
7. Par suite, en l'absence de lien direct et certain de causalité entre la faute résultant de l'illégalité du refus de permis de construire opposé à M. E... le 17 décembre 2007 et le préjudice subi, M. E... ne saurait prétendre à une indemnisation.
8. Il suit de là que la commune d'Escherange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises à M. E... au titre du préjudice qu'il a subi en raison de l'illégalité du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 17 décembre 2007. Le jugement du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg doit, en conséquence, être annulé.
9. Dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir et l'exception de prescription quadriennale opposées par la commune d'Escherange, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire de M. E... devant le tribunal administratif de Strasbourg en l'absence de lien de causalité direct et certain entre l'illégalité du refus de permis de construire du 17 décembre 2007 et les préjudices subis par M. E..., ainsi qu'il est dit au point 7 du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Escherange qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme de 1 500 euros à la commune d'Escherange sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : M. E... versera à la commune d'Escherange une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié la commune d'Escherange et à M. F... E....
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18NC02406