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03/12/2019 | FRANCE | N°18NC01255

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18NC01255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ainsi qu'une somme de 162,42 euros par mois à compter de mars 2014 au titre de l'indemnité d'administration et de technicité.

Par un jugement n° 1500294 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2018

, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ainsi qu'une somme de 162,42 euros par mois à compter de mars 2014 au titre de l'indemnité d'administration et de technicité.

Par un jugement n° 1500294 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 février 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 162,42 euros par mois à compter de mai 2014 au titre de la perte de l'indemnité d'administration et de technicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de la directrice de l'école La Lorraine ;

- à cet égard, le comportement de la directrice à son endroit ainsi qu'à l'encontre de certains enfants dont elle avait la charge est à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail et de son état dépressif ;

- la directrice a également adopté un comportement méprisant et odieux à l'encontre d'autres agents spécialisés des écoles maternelles, du personnel communal et de parents d'élève ;

- la directrice a tenu des propos discriminatoires à son égard ;

- des enfants ont subi de la part de la directrice des brimades ;

- il n'est pas établi que la directrice a mis en place des mesures de nature à faciliter l'accomplissement des tâches des agents spécialisés des écoles maternelles ;

- l'Etat a commis une carence fautive en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements de la directrice ;

- l'enquête administrative n'est intervenue qu'au mois de juin 2014 ;

- tous les membres du conseil d'école auraient dû être invités à la réunion de concertation organisée par les inspecteurs le 8 juillet 2014 ;

- l'enquête administrative n'a pas été menée de manière impartiale ;

- le rapport de l'inspection mettant hors de cause la directrice de l'école a été partiellement divulgué aux parents d'élève, à la demande de l'inspection ;

- en raison de la faute de l'Etat, elle est bien fondée à demander à être indemnisée de son préjudice moral pour une somme de 50 000 euros ;

- elle est également bien fondée à demander à être indemnisée de la perte de l'indemnité d'administration et de technicité d'un montant mensuel de 162,42 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet aux écritures de première instance du recteur de l'académie de Nancy-Metz et soutient, en outre, que :

- Mme A... ne peut utilement se prévaloir du règlement des agents spécialisés des écoles maternelles ;

- elle ne peut davantage utilement invoquer les décisions et le comportement de la directrice de l'école à l'égard de certains élèves pour faire présumer des agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre ;

- elle n'établit pas que les agissements de la directrice auraient engendré une dégradation de ses conditions de travail ou l'auraient empêchée d'accomplir l'ensemble des attributions indiquées dans le règlement du travail des agents spécialisés des écoles maternelles ;

- l'administration a pris l'ensemble des mesures nécessaires au règlement des difficultés relationnelles survenues avec la directrice de l'établissement, ayant diligenté une enquête administrative et une concertation ;

- l'inspection de l'éducation nationale a conclu qu'il n'existait aucun élément préoccupant permettant d'établir une souffrance professionnelle de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui exerçait des fonctions d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) à l'école La Lorraine à Algrange depuis 2011, fait appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ainsi qu'une somme de 162,42 euros par mois à compter de mars 2014 au titre de la perte de l'indemnité d'administration et de technicité.

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral résultant d'un harcèlement moral et d'une carence fautive de l'Etat :

En ce qui concerne le harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. Si la directrice de l'école maternelle La Lorraine à Algrange a pu adopter envers plusieurs de ses collaborateurs ainsi que des parents ou des élèves un comportement gravement discourtois, parfois désobligeant et empreint d'agressivité, il résulte de l'instruction que les agissements de la directrice dont fait état Mme A... à son encontre sont mineurs et isolés ou non étayés. Par ailleurs, la requérante n'établit pas par les éléments versés à l'instance que la directrice aurait tenu des propos à caractère raciste à son encontre. Enfin, si le comportement de la directrice envers certains des élèves de l'école peut être critiqué, Mme A... ne démontre pas que celui-ci aurait causé une dégradation de ses conditions de travail. Dès lors, pour inappropriés qu'aient été certains d'entre eux, les agissements évoqués par Mme A... ne peuvent être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral qui seraient de nature, par leur caractère fautif, à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'intéressée.

En ce qui concerne la carence fautive de l'Etat :

6. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient Mme A..., que l'administration aurait eu connaissance avant le mois de mai 2014 de difficultés relationnelles entre les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles et la directrice à l'école maternelle La Lorraine ou d'un comportement de cette dernière à l'égard des enfants ou des parents, de nature à avoir une incidence directe sur la relation de travail de Mme A... avec sa supérieure hiérarchique, qui seraient, compte tenu de leur gravité, de nature à caractériser une carence fautive de l'Etat.

7. Par ailleurs, à la suite de la saisine de l'inspection académique au mois de mai 2014 par le maire de la commune d'Algrange et des parents d'élève, l'administration, eu égard à la teneur des griefs alors reprochés à la directrice, a missionné deux inspecteurs pour diligenter une enquête et une concertation a été organisée le 8 juillet 2014 en présence du secrétaire général des services de la mairie d'Algrange, des parents élus au conseil d'école, des enseignants de l'école ainsi que des deux inspecteurs qui ont effectué l'enquête administrative. A cet égard, si les représentants suppléants des parents d'élèves n'ont pas été invités à cette concertation, cette circonstance ne saurait être regardée comme constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de Mme A....

8. Ensuite, s'il est regrettable que le rapport de l'enquête ait été divulgué de manière partielle, il n'est pas établi que cette démarche de l'inspection académique aurait cherché à nuire à Mme A....

9. En outre, si la requérante soutient que le contenu de ce rapport, qui fait état de l'absence d'élément préoccupant, de fait avéré et de danger pour les enfants, est entaché de partialité, elle ne l'établit pas.

10. Enfin, si les décisions et le comportement de la directrice à l'égard de certains des élèves de l'école La Lorraine peuvent être critiqués, Mme A..., ne peut utilement s'en prévaloir pour établir une carence fautive de l'administration de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son encontre.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions tendant à la réparation de la perte de versement de l'indemnité d'administration et de technicité :

12. Il résulte de l'instruction que la fin du versement de l'indemnité d'administration et de technicité est la conséquence de la mutation de Mme A..., qui a été décidée par le maire de la commune d'Algrange et non par le recteur de l'académie de Nancy-Metz et ce dans l'intérêt du service. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au titre de ce chef de préjudice.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'éducation nationale.

2

N° 18NC01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01255
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : MATHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-03;18nc01255 ?
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