Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... H..., épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 mai 2015 par lequel le maire de Saint-Louis a accordé à la société " Restaurant des Lys d'Alsace " un permis de construire en vue de l'aménagement du restaurant qu'elle exploite, et comprenant la construction d'une terrasse, l'édification d'une clôture et la création d'un logement de fonction sur la parcelle n° 389 située 106 rue de Strasbourg, ensemble la décision du 14 septembre 2015 portant rejet de leur recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 20 janvier 2016 par lequel le maire de Saint-Louis a accordé à la même société un permis de construire modificatif.
Par un jugement n° 1506399-1601043 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC01833 le 26 juin 2018, complétée par des mémoires enregistrés les 12 juin et 16 août 2019, M. et Mme A..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 avril 2018 ;
2°) d'annuler les permis de construire des 27 mai 2015 et 20 janvier 2016, et la décision du 14 septembre 2015 portant rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Louis et de la société " Restaurant des Lys d'Alsace " le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été respectées ;
- les arrêtés contestés méconnaissent l'article UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme, car ils autorisent une construction de nature à entrainer des nuisances pour le voisinage ;
- ils méconnaissent l'article 11 de l'arrêté municipal n° 144/2014 relatif à la lutte contre le bruit et les nuisances sonores ;
- le plan de masse de la demande de permis de construire initial comporte des erreurs de cotation en ce qui concerne les limites séparatives et le restaurant y est mal positionné par rapport aux limites séparatives ;
- le plan de masse joint à la demande de permis modificatif est également erroné, car il prend en considération le mur séparatif des fonds comme étant mitoyen, alors qu'il appartient en pleine propriété aux époux A..., et il comporte également des erreurs de cotation en ce qui concerne les limites séparatives.
- la construction n'est pas conforme à l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, complété par un mémoire enregistré le 14 août 2019, la commune de Saint-Louis, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que ;
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., pour M. et Mme A... ainsi que celles de Me F..., pour la commune de Saint-Louis.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL " Restaurant des Lys d'Alsace " qui exploite, au 106 rue de Strasbourg, à Saint-Louis, un restaurant sous la même enseigne, a obtenu, par un arrêté du maire de la commune du 27 mai 2015, un permis de construire en vue de la réalisation, à l'arrière du bâtiment, d'une terrasse extérieure, l'édification d'une clôture et la création d'un logement de fonction. Alors que M. et Mme A..., dont la maison d'habitation est située au voisinage immédiat de ce projet, avaient saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande d'annulation de ce permis, la SARL " Restaurant des Lys d'Alsace " a obtenu du maire, par arrêté du 20 janvier 2016, un permis de construire modificatif ayant notamment pour objet de décaler l'emprise de la terrasse projetée à l'arrière du bâtiment. M. et Mme A..., qui ont également contesté ce second permis devant le tribunal administratif de Strasbourg, font appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel leurs deux demandes ont été rejetées.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Louis :
2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas de (...) recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) un permis de construire, d'aménager ou de démolir (...). La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".
3. Il résulte des pièces du dossier que M. et Mme A... justifient avoir, entre le 29 et le 30 juin 2018, notifié à la commune de Saint-Louis, à la société " Restaurant des Lys d'Alsace ", ainsi qu'à M. et Mme D..., propriétaires et exploitants de cette société, une copie de la requête d'appel enregistrée au greffe de la cour le 26 juin 2018. Par suite, la fin de non-recevoir tirée, par la commune de Saint-Louis, de la méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée.
Sur la légalité des permis de construire délivrés les 27 mai 2015 et 20 janvier 2016 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article UD1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Louis, sont interdites, dans la zone UD dans laquelle est situé le terrain d'assiette du projet en litige : " 1.1. Les activités, constructions et installations de nature à entraîner des nuisances ou des risques incompatibles avec le voisinage des zones d'habitation ".
5. D'une part, bien que les indications contenues dans le rapport de présentation d'un plan local d'urbanisme (PLU) ne soient pas, par elles-mêmes, opposables pour la délivrance d'une autorisation d'urbanisme, elles peuvent être prises en considération par le juge pour interpréter les dispositions d'un règlement du plan local d'urbanisme, lorsque cette interprétation ne ressort pas clairement de la seule lecture du texte de ces dispositions. Or, le rapport de présentation du PLU de la commune de Saint-Louis précise qu'à " l'exception des secteurs spécifiques dédiés aux activités économiques (UE), aux équipements de loisirs et de sport (UF), la zone U du PLU apparaît comme mixte fonctionnellement. Ainsi les zones UA, UB, UC et UD deviennent les espaces privilégiés pour développer des fonctions résidentielles dans un contexte de mixité sociale tout en privilégiant une diversification économique, commerciale et culturelle (...) ". Ainsi, les auteurs de ce PLU ont souhaité favoriser la mixité des fonctions urbaines au sein des quartiers classés en zone U, et la zone d'implantation du projet contesté a donc une vocation mixte qui, contrairement à ce que soutiennent les appelant, n'exclut pas, par principe, l'implantation d'un restaurant en zone UD, y compris non loin de la Réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne.
6. D'autre part, l'aménagement dans un établissement de restauration, d'une terrasse extérieure pouvant accueillir jusqu'à cinquante-neuf clients n'est pas, par elle-même, de nature à entraîner des nuisances incompatibles avec le voisinage des zones d'habitation au sens des dispositions précitées de l'article UD1, l'existence de telles nuisances procédant essentiellement des conditions d'exploitation d'une telle installation lesquelles sont sans incidence sur la légalité des permis. Au demeurant, chacun des deux arrêtés contestés comporte un rappel à la règlementation applicable, invitant les pétitionnaires à respecter, le moment venu, l'arrêté municipal n° 144/2014 relatif à la lutte contre le bruit et les nuisances sonores, et s'agissant du permis modificatif du 20 janvier 2016, son article 4 rappelle en outre que " les dispositions de la zone D du plan d'exposition au bruit étant applicables aux constructions, le bénéficiaire de la présente autorisation devra respecter les règles d'isolation acoustique conformément aux dispositions des articles L. 147-5 et L. 147-6 du code de l'urbanisme ". C'est d'ailleurs au regard des conditions d'utilisation de la terrasse mises en évidence dans le rapport d'expertise acoustique déposé par M. E... le 26 janvier 2017, postérieurement à la délivrance des deux permis, que la cour d'appel de Colmar a, en raison d'une méconnaissance des normes acoustiques requises, subordonné la poursuite de son exploitation à la mise en oeuvre de dispositifs de protection.
7. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD1 du règlement du PLU de la commune de Saint-Louis doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) ".
9. Les règles relatives au bruit et aux nuisances sonores ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à l'administration d'assurer le respect lors de la délivrance d'un permis de construire. Par suite, le moyen tiré de ce que les permis de construire litigieux méconnaîtraient les dispositions de l'arrêté n° 144/2014 relatif à la lutte contre le bruit et les nuisances sonores doit être écarté comme inopérant, alors même que, ainsi qu'il a été dit plus haut, les permis de construire litigieux comportent, en leur article 2, un simple rappel à la règlementation applicable, invitant les pétitionnaires à respecter, le moment venu, l'arrêté municipal n° 144/2014 relatif à la lutte contre le bruit et les nuisances sonores.
10. En troisième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
11. D'une part, à supposer même que le plan de masse joint à la demande de permis de construire initial comporterait des erreurs de cotation en ce qui concerne les limites séparatives, ces erreurs n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la réglementation, dès lors que, selon les dires des appelants eux-mêmes, " la demande de permis de construire modificatif est intervenue à la suite de la constatation, par la mairie de Saint-Louis, d'une erreur flagrante de positionnement du restaurant par rapport à la limite de propriété ".
12. D'autre part, le plan de masse joint à la demande de permis de construire modificatif, qui ne mentionne aucun mur mitoyen, matérialise les limites de propriété, dont il n'est pas établi qu'elles seraient inexactes. A cet égard, en se bornant à affirmer sans autre élément, que dès lors que le mur érigé en limite de propriété n'est pas mitoyen mais constitue leur propriété exclusive, la distance entre le restaurant et la limite de propriété serait de 3,30 mètres et non de 3,57 mètres, les requérants ne démontrent pas que les indications du plan de masse relatifs au déplacement de la terrasse, qui constitue le principal objet du permis modificatif, seraient elles-mêmes erronées.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article UD 7 du règlement du PLU de la commune de Saint-Louis : " La distance comptée horizontalement de tout point de la construction au point de la limite séparative qui en est le plus proche est au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans être inférieure à 4 mètres ".
14. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées à la suite de la modification de son projet par le pétitionnaire et en l'absence de toute intervention du juge ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.
15. En l'espèce, si le dossier de demande de permis de construire initial méconnaissait les dispositions de l'article UD 7 du règlement du PLU de la commune, dès lors que la terrasse projetée était implantée à moins de 4 mètres de la limite séparative, le permis de construire modificatif délivré le 20 janvier 2016 a permis de régulariser le permis initial sur ce point, le plan de masse mentionnant désormais une distance de 4,20 mètres entre la terrasse en cause et la limite de propriété au mur. En outre, si les appelants soutiennent que la terrasse est toujours implantée à moins de 4 mètres de leur limite séparative, ils ne démontrent pas, ainsi qu'il a été dit plus haut, que le plan de masse serait erroné, en se bornant à affirmer que la distance entre le restaurant et la limite de propriété est en réalité de 3,30 mètres et non de 3,57 mètres. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD 7 du règlement du PLU de la commune de Saint-Louis doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Louis et de la société " Restaurant des Lys d'Alsace ", qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que M.et Mme A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Louis sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Louis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... H..., épouse A..., à la commune de Saint-Louis et à la société " Restaurant des Lys d'Alsace ".
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC01833