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12/11/2019 | FRANCE | N°19NC01566

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 12 novembre 2019, 19NC01566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé son transfert vers l'Italie et l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900591 du 6 mars 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l

e 23 mai 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé son transfert vers l'Italie et l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900591 du 6 mars 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 26 février 2019 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'autoriser à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à séjourner sur le territoire français dans cette attente ainsi que de lui délivrer une attestation de demande d'asile à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de transfert :

- faute de production de l'accusé de réception de la demande de prise en charge par le point d'accès national étranger, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'établit pas que cette demande a été effectivement envoyée à l'Italie dans un délai de deux mois ;

- un accord implicite de l'Italie à sa prise en charge n'étant ainsi pas établi, la France est l'Etat membre responsable de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision de transfert en litige méconnaît les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement dès lors qu'il existe une défaillance systémique dans la prise en charge des demandeurs d'asile par l'Italie ;

- il n'a pas examiné si les conditions d'accueil en Italie étaient suffisantes au regard de son état de santé en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- il a commis une erreur manifeste dans l'application de ces dispositions ;

S'agissant de la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de transfert dès lors que l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont le point de départ est la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision, a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale et qu'il devient donc impossible d'exécuter la décision de transfert, ce qui rend sans objet les conclusions de M. A....

Par un mémoire en défense et en réponse au moyen relevé d'office, enregistré le 16 septembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert et, pour le surplus, au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert dès lors que la France s'est reconnue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A... ;

- il s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de Sierra-Léone né le 22 avril 1996, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 3 juillet 2018 et s'est présenté en préfecture le 10 juillet 2018 pour solliciter l'asile. Par des arrêtés du 26 février 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé son transfert vers l'Italie, regardée comme l'Etat membre responsable du traitement de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... fait appel du jugement du 6 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy, statuant dans le cadre des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision de transfert :

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du même code applicable au litige : " (...) Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, dans les conditions prévues au III de l'article L. 512-1. Il est statué selon les conditions et dans les délais prévus au dernier alinéa du même III sur le recours formé contre une décision de transfert par un étranger qui fait l'objet, en cours d'instance, d'une décision d'assignation à résidence ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 26 février 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné le transfert de M. A... vers l'Italie est intervenue moins de six mois après la décision par laquelle l'Italie a donné son accord pour sa prise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction par M. A... de son recours présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du 7 mars 2019, date de notification du jugement du tribunal administratif Strasbourg au préfet. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, à la date du 7 septembre 2019, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert vers l'Italie en litige n'est plus susceptible d'être exécutée et les conclusions de la requête de M. A... tendant à son annulation sont devenues sans objet, de même que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur la décision d'assignation à résidence :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de transfert :

6. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier Eurodac prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac, que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les Etats qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 22 du même règlement, l'Etat requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux mois ou d'un mois, si l'Etat requérant a invoqué l'urgence dans les conditions prévues par le paragraphe 2 de l'article 21 de ce règlement, au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la prise en charge du demandeur.

7. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé DubliNet, afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".

8. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau DubliNet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux mois au terme duquel la demande de prise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la prise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de prise en charge.

9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de prise en charge de M. A... adressée à l'Italie sur le fondement des dispositions du a) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, produite par le préfet de Meurthe-et-Moselle, a été formée le 18 juillet 2018 par le réseau de communication " DubliNet " après que la consultation des données de l'unité centrale Eurodac du 10 juillet 2018 lors de l'instruction de la demande d'asile de M. A... du même jour a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités italiennes le 24 avril 2018. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a produit en première instance, pour en justifier, la copie d'un courrier électronique du 18 juillet 2018 constituant l'envoi de la demande de prise en charge par la préfecture de Meurthe-et-Moselle au point d'accès national français ainsi que la copie de la réponse automatique du point d'accès national français, document comportant la référence FRDUB19930155507-570 qui correspond au numéro attribué à M. A... par la préfecture. En outre, le préfet produit la copie d'un autre courrier électronique du 20 septembre 2018 constituant l'envoi du constat d'accord implicite par la préfecture au point d'accès national français et la réponse automatique du point d'accès national français du même jour, qui comporte les mêmes numéros de référence. Par suite, les moyens tirés de l'absence de preuve de l'envoi d'une requête de prise en charge aux autorités italiennes et de preuve d'un accord implicite de ces autorités à cette prise en charge doivent être écartés.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Selon le paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

11. Si les dispositions citées au point précédent, d'une part, rendent l'Etat français responsable de l'examen de la demande d'asile d'un étranger si l'Etat membre responsable connaît des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, et d'autre part, réservent le droit souverain de l'Etat français d'accorder l'asile à toute personne étrangère alors même que l'examen de sa demande d'asile relèverait de la compétence d'un autre Etat, elles ne sauraient par elles-mêmes s'opposer à l'application de dispositions mettant en oeuvre les accords, conclus avec des Etats européens, en vertu desquels l'examen de demandes d'asile peut relever de la compétence d'un autre Etat que la France. L'Italie, Etat responsable de la demande d'asile de M. A..., est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme à ces textes.

12. Si M. A... soutient qu'il existe actuellement en Italie, du fait d'un afflux de migrants, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs qui ne permettraient plus de garantir le respect du droit d'asile, ce dont il aurait été personnellement victime faute d'avoir pu bénéficier de soins pour traiter son état santé, il ne ressort pas des documents généraux établis par des organisations internationales non gouvernementales dont se prévaut le requérant ni des allégations de l'intéressé, insuffisamment étayées par des éléments de faits précis et concordants, quant à un défaut de prise en charge de son état de santé lorsqu'il résidait en Italie, que la situation de cet Etat ne permettait pas d'assurer, à la date à laquelle la décision de transfert du 26 février 2019 a été prise, des conditions d'accueil et de prise en charge conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile.

13. Par ailleurs, si M. A... soutient que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas examiné préalablement à l'édiction de la décision de transfert en litige si les conditions d'accueil en Italie étaient suffisantes au regard de son état de santé, l'intéressé, opéré d'une hernie inguinale droite au mois de juillet 2018, pour laquelle il est suivi, ne saurait être regardé, au vu des certificats médicaux versés à l'instance, comme une personne vulnérable. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de ces certificats, que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier pour son affection d'un traitement pharmacologique et d'un contrôle médical en Italie.

14. Compte tenu de ce qui précède, en décidant de transférer M. A... vers l'Italie, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui n'était pas tenu d'user de son pouvoir discrétionnaire, n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

En ce qui concerne les autres moyens :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ".

16. La décision en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus particulièrement l'article L. 561-2 de ce code, décrit de manière précise le parcours de M. A..., mentionne la décision de transfert de l'intéressé vers l'Italie, et indique qu'il ne dispose pas de moyens lui permettant de se rendre en Italie, qu'il n'a pas la possibilité d'acquérir légalement ces moyens en l'absence de ressources, que l'Italie ayant donné son accord pour sa prise en charge, le transfert demeure une perspective raisonnable et qu'il dispose de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustrait à l'exécution de la décision de transfert. La décision d'assignation à résidence contestée comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et elle est, par suite, suffisamment motivée.

17. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. A....

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2019 l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que l'avocat de M. A... demande, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, au titre des frais qu'il aurait supportés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 6 mars 2019 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à fin d'annulation de la décision de transfert prise par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 26 février 2019 ainsi que sur ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision du 26 février 2019 et sur ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 19NC01566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01566
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-12;19nc01566 ?
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