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22/10/2019 | FRANCE | N°19NC00485

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 22 octobre 2019, 19NC00485


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n°1801437 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2019, Mme B... D..., épouse E..., représ...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n°1801437 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2019, Mme B... D..., épouse E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801437 du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 28 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêté à intervenir et, dans l'attente de cette délivrance, de lui délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard et dans un délai de huit suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est entachée d'inexactitude matérielle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., épouse E..., est une ressortissante arménienne, née le 1er janvier 1998. Elle est entrée régulièrement en France, le 22 août 2014, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de type C, délivré par les autorités lituaniennes, valable du 19 août au 10 septembre 2014. Par courrier du 10 octobre 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 28 mai 2018, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par une requête, enregistrée le 13 août 2018, la requérante a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2018. Elle relève appel du jugement n° 1801437 du 15 novembre 2018, qui rejette sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée sur le territoire français le 22 août 2014 à l'âge de 16 ans. Elle s'est mariée avec un ressortissant géorgien le 6 décembre 2016. Ce dernier, arrivé en France en 2002, alors qu'il avait 14 ans, est titulaire d'un titre de séjour et a vocation à demeurer sur le territoire français. La requérante, qui produit une attestation sur l'honneur d'union libre, datée du 31 août 2014, et qui justifie ainsi d'une communauté de vie avec son conjoint, antérieure à leur mariage, a donné naissance à deux enfants, nés respectivement le 23 juin 2015 et le 18 septembre 2017. Par suite et alors même que l'intéressée n'est pas isolée en Arménie, où vivent notamment ses parents, et qu'elle peut bénéficier, le cas échéant, d'une mesure de regroupement familial, Mme E... est fondée à soutenir que le préfet du Doubs, en refusant de l'admettre au séjour, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la requérante est fondée à demander l'annulation de la décision en litige. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent privées de base légale, doivent également être annulées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêté implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois suivant la notification de cet arrêt et, dans l'attente de cette mesure, un récépissé de demande de titre de séjour n'autorisant pas à travailler, dans un délai fixé à deux semaines à compter de cette notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique :

7. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019. Dans ces conditions, Me A..., avocate de la requérante, peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de celui-ci à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801437 du tribunal administratif de Besançon du 15 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 28 mai 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et un récépissé de demande de titre de séjour n'autorisant pas à travailler dans un délai de deux semaines suivant cette notification.

Article 4 : L'Etat versera 1 500 euros à Me A..., avocate de Mme E..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de celui-ci à l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., épouse E..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

N° 19NC00485 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00485
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-22;19nc00485 ?
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