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17/10/2019 | FRANCE | N°19NC00735

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2019, 19NC00735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n°1801870 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars et le 3 juin 2019, M. B...,

représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2018 ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n°1801870 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars et le 3 juin 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations avant que la mesure d'éloignement prise à son encontre soit édictée ;

- le premier juge a commis une erreur de fait en indiquant dans son jugement qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le premier juge a commis une erreur de droit au regard des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2019 à 12 heures.

Un mémoire en réplique, enregistré après clôture le 10 septembre 2019 à 13 heures 45, a été présenté pour M. B....

Par une décision du 5 février 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 24 mai 1984, de nationalité albanaise, est entré régulièrement en France le 3 octobre 2016, accompagné de son épouse et de son enfant mineur. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 30 mars 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 8 septembre 2017. Sa demande de réexamen a été rejetée par l'OFPRA le 21 décembre 2017, rejet confirmé par la CNDA le 29 août 2018. M. B... relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être renvoyé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

3. Dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise, notamment, après que la qualité de réfugié ait été définitivement refusée à l'étranger. Or, l'étranger est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

4. En l'espèce, M. B... a pu présenter ses observations sur sa situation qu'il estimait utiles dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. Il n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêché de présenter des observations avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. De plus, M. B... ne pouvait ignorer que, depuis le rejet devenu définitif de sa demande d'asile, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...)/ 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; " ;

6. Pour prendre la décision litigieuse, le préfet du Jura s'est notamment fondé sur la circonstance que M. B... est entré irrégulièrement en France le 3 octobre 2016. M. B... soutient que cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il est entré régulièrement en France, muni de son passeport albanais en cours de validité, en application des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que du règlement n° 539/2001 du conseil et du règlement 562/2006 du parlement européen. Toutefois, la décision contestée est également fondée sur les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du même code et il ressort des pièces du dossier que le préfet du Jura aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié a été définitivement refusée à M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait commise par l'administration puis par le tribunal ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2016 avec son épouse et son fils mineur, scolarisé en école maternelle. Il ajoute que ses beaux-parents et son beau-frère résident régulièrement en France où ils ont obtenu le statut de réfugié. Il fait état de son apprentissage de la langue française, de son investissement dans plusieurs associations, le " Secours Populaire " et " Femmes Debout ", ainsi que d'une promesse d'embauche en région lyonnaise. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu en France en dépit du rejet définitif de sa demande d'asile par la CNDA le 29 août 2018. Son épouse, également en situation irrégulière, fait l'objet d'une mesure d'éloignement et rien ne fait obstacle à ce que la famille se reconstitue en Albanie et que leur fils poursuive sa scolarité dans leur pays d'origine. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans en Albanie, soit dépourvu d'attache familiale dans son pays. Par suite, et eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Compte tenu de ce qui vient d'être dit s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

2

N° 19NC00735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00735
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CORSIGLIA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-17;19nc00735 ?
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