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17/10/2019 | FRANCE | N°19NC00513

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2019, 19NC00513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... née E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 15 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assignée à résidence.

Par un jugement n°1900101 du 21 janvier 2019, le magistrat désigné du tribunal ad

ministratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'interdiction de retour sur le territoire fra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... née E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 15 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assignée à résidence.

Par un jugement n°1900101 du 21 janvier 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, Mme D... née E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 21 janvier 2019 en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et l'assignant à résidence ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne la décision de refus d'un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences posées au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision ordonnant l'assignation à résidence :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant sa nécessité ;

- l'obligation fixée dans cette décision de se rendre au commissariat central de Troyes les lundi, mercredi et vendredi à 10 heures présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 28 mars 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme D... née E... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... née E..., née le 22 février 1958, de nationalité azerbaïdjanaise, serait entrée irrégulièrement en France le 22 février 2011 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 31 mai 2011, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 1er février 2012. Mme D... née E... relève appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 15 janvier 2019 par lesquelles le préfet de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 25 juillet 2017 et de l'absence d'examen personnel de la situation de Mme D... qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme D... née E..., âgée de 61 ans, fait valoir qu'elle vit en France depuis huit ans, avec son époux et son fils, la compagne de ce dernier ainsi que ses petites-filles scolarisées. Elle précise qu'elle a dû fuir son pays d'origine en 1991 et que démunie de tout document d'identité, elle a entrepris plusieurs démarches pour établir son état civil. Elle fait également état de son intégration en France, par l'apprentissage de la langue française et son investissement dans un atelier de couture au sein d'un CHRS et dans l'association arménienne de la ville de Troyes. Elle ajoute qu'elle est suivie en France pour un diabète découvert en 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la décision du 6 mars 2017 par laquelle l'OFPRA a rejeté sa demande d'apatridie, ainsi que du procès-verbal de vérification du droit au séjour en date du 15 janvier 2019, que Mme D... a précédemment fait l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'elle séjourne irrégulièrement en France, qu'elle a indiqué lors de son interpellation être de nationalité azerbaïdjanaise et qu'elle peut se prévaloir de plusieurs lois sur la nationalité. Il est par ailleurs constant que son époux est également en situation irrégulière, tout comme son fils et la compagne de ce dernier et que, comme l'a relevé le premier juge, rien ne fait obstacle à ce que le couple puisse se reformer dans leur pays d'origine, l'Azerbaïdjan, où elle indique avoir vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans avec ce dernier et où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. Par ailleurs, par les pièces produites, consistant notamment en des documents relatifs à la scolarité de l'une de ses petites-filles, la requérante n'établit pas le lien qu'elle entretiendrait avec son fils majeur, sa compagne et ses petits-enfants, dont le séjour sur le territoire français est au demeurant irrégulier. S'agissant de son état de santé, l'intéressée ne justifie pas que le défaut de prise en charge de sa pathologie pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de Mme D... née E..., le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aube a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de Mme D... née E... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

7. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 15 janvier 2019, de ce que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation et qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante, ces moyens ne comportant aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si Mme D... née E... soutient qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'établit pas le caractère personnel, réel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur la décision portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, la décision attaquée énonce, de manière suffisamment précise, les motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet de l'Aube s'est fondé pour assigner à résidence la requérante, notamment la circonstance qu'elle justifie d'une adresse et que n'étant pas actuellement en mesure de quitter le territoire français il y a lieu de l'assigner à résidence. Cette motivation, qui n'est pas stéréotypée, démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen particulier doivent être écartés ;

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois ".

12. Mme D... née E... fait valoir que la mesure d'assignation prononcée à son encontre n'est pas justifiée au regard de la date de son entrée sur le territoire français en 2011 et de son intégration en France. Cependant, ces seules circonstances ne suffisent pas à caractériser une erreur manifeste d'appréciation du préfet dans l'application des dispositions précitées dès lors que la requérante a fait l'objet, le 15 janvier 2019, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.

13. 13. En dernier lieu, aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) " .

14. L'arrêté attaqué astreint Mme D... née E... à une obligation de présentation trois fois par semaine, les lundi, mercredi et vendredi à 10 heures, au commissariat central de police de Troyes. Si la requérante fait valoir qu'elle s'occupe de ses petites filles scolarisées, qu'elle suit des cours de français, qu'elle est investie au sein d'un atelier de couture et de l'association arménienne de la ville de Troyes et enfin qu'elle est suivie pour son diabète, il est constant qu'elle est domiciliée .... Par suite, la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir de l'intéressée ou à son droit à une vie privée et familiale.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... née E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... née E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... née E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 19NC00513

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00513
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-17;19nc00513 ?
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