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17/10/2019 | FRANCE | N°18NC01647

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2019, 18NC01647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Gourou a demandé au tribunal administratif de Nancy de lui accorder un remboursement de 17 290 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour des dépenses qu'elle a engagées au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1602150 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, la SAS Gourou, représentée par Me B..., demande à la

cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Nancy du 5 avril 2018 ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Gourou a demandé au tribunal administratif de Nancy de lui accorder un remboursement de 17 290 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour des dépenses qu'elle a engagées au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1602150 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, la SAS Gourou, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Nancy du 5 avril 2018 ;

2°) de lui accorder un remboursement de 17 290 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour l'année 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle exerce une activité industrielle qui la rend éligible au crédit d'impôt recherche prévu par les dispositions de l'article 244 quater B, II h du code général des impôts, telles qu'interprétées par la doctrine administrative BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30, dès lors qu'elle assure l'ensemble du processus d'élaboration de ses collections, de la conception à la commercialisation en prenant en charge, dans ses locaux et par ses propres moyens, la fabrication de l'intégralité de ses modèles prototypes et qu'elle dispose du matériel et de l'outillage indispensables à la mise en production de série (quatre machines piqueuses plates) et qu'elle est propriétaire des matières premières façonnées par les entreprises sous-traitantes en produits finis ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu, pour démontrer l'absence d'activité industrielle, le critère du montant du chiffre d'affaires de 15 238 euros pour l'année 2015, lequel n'est pas manifestement disproportionné avec le montant des achats de matières premières, du matériel et de l'outillage de l'actif immobilisé et qu'il correspond au démarrage de son activité. Le stock de tissus qu'elle a acquis auprès de la société Cinq six mouches est important malgré son faible montant, justifié, tout comme celui de l'outillage, par la liquidation judiciaire de cette société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SASU Gourou ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Gourou qui exerce une activité de bureau de style, de création de produits d'habillement et de commercialisation en ligne de ses produits, a sollicité pour l'année 2015 le bénéfice d'un crédit d'impôt de 17 290 euros au titre du crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts. Par une décision du 23 mai 2016, l'administration fiscale lui en a refusé le bénéfice. La société requérante relève appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant au bénéfice de ce crédit d'impôt recherche.

Sur les conclusions à fin de restitution du crédit d'impôt recherche :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit : 1° Les dépenses de personnel afférentes aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; 2° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la réalisation d'opérations visées au 1° ; 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 p. 100 des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; 4° Les frais de dépôt des dessins et modèles. 5° Les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 € par an ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques. Par ailleurs, en adoptant les dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts citées ci-dessus, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert, sur le fondement de ces dispositions, aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d'une production dans le cadre de cette activité. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont a fait l'objet le litige qui lui est soumis, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

3. La SASU Gourou, qui a obtenu l'agrément " bureau de style " délivré par le ministère de la recherche, conçoit ses modèles mais sous-traite leur façonnage aux sociétés Broderies Gouvernel et Manufacture Pyrénéenne. Elle demande le bénéfice du crédit d'impôt visé au h de l'article 244 quater B du code général des impôts, relatif aux dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir. Elle fait ainsi valoir qu'elle assure l'ensemble du processus d'élaboration de ses collections, de la conception à la commercialisation en prenant en charge, dans ses locaux et par ses propres moyens, la fabrication de l'intégralité de ses modèles prototypes et qu'elle dispose du matériel et de l'outillage indispensables à la mise en production de série (quatre machines piqueuses plates). Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au cours de l'exercice en cause, la société requérante employait quatre salariés soit une styliste, une gradatrice patronnière, une brodeuse ainsi qu'une administratrice de la boutique en ligne et que le poste des salaires s'établissait à 43 296 euros. En outre, la part du matériel et de l'outillage dans l'actif immobilisé de la société au titre de 2015 est très réduite puisqu'il n'est pas contesté que, comme le fait valoir l'administration fiscale, les installations techniques consistaient seulement en deux moteurs et leurs accessoires, acquis d'occasion pour un montant global de 578 euros et cinq machines légères (piqueuse, surjeteuse, colleteuse) achetées pour 80 euros chacune, sur un montant total d'immobilisations de 1 909 euros. Les achats de matières premières et autres approvisionnements s'élevaient à 6 657 euros rapportés à un total d'achats et charges externes de 53 937 euros et le stock de matière première approvisionnement était estimé à 3 200 euros. Il s'ensuit que la SASU Gourou ne disposait que de moyens techniques très limités et d'ailleurs pour l'essentiel anciens. Par suite, le caractère industriel de son activité de fabrication des modèles prototypes, exercée directement par elle, ne saurait résulter des seules circonstances qu'elle invoque selon lesquelles, d'une part, son chiffre d'affaires au titre de l'année 2015 correspondait au démarrage de son activité et qu'il était proportionné au montant des achats de matières premières, du matériel et de l'outillage de l'actif immobilisé, d'autre part, elle assumerait seule les risques de fabrication et de commercialisation tandis que le faible coût d'acquisition du matériel et du stock de tissus dont elle était propriétaire était justifié par la liquidation judiciaire de la société Cinq Six Mouches. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la SASU Gourou ne pouvait être regardée comme exerçant une activité industrielle au sens des dispositions du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et ne pouvait pas, pour ce motif, bénéficier du crédit d'impôt recherche qu'elles prévoient pour les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

5. Si le paragraphe 3 de la documentation administrative de base référencée 4 A-4151 mise à jour au 9 mars 2001, reprise dans la base Bofip-Impôts sous les références BOI-BIC-RICI-10-10-40-20150506, point 30, prévoit que le bénéfice du crédit d'impôt recherche ne peut être refusé aux entreprises industrielles du secteur du " textile-habillement-cuir " ayant recours à la sous-traitance, c'est à la double condition que ces entreprises soient propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3, que la SASU Gourou n'est pas une entreprise industrielle et que dans ces conditions, elle ne saurait se prévaloir des dispositions de cette interprétation administrative de la loi fiscale dans les prévisions desquelles elle n'entre pas. En tout état de cause, la société requérante n'a pas fait l'objet d'un rehaussement au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors que le rejet de sa demande de remboursement du crédit d'impôt n'est pas une procédure de reprise ni une décision primitive d'imposition au sens du deuxième alinéa de cet article.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Gourou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'octroi du crédit d'impôt recherche pour l'année 2015.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SASU Gourou est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Gourou et au ministre de l'action et des comptes publics.

N° 18NC01647 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CABINET FILOR - JURI-FISCAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 17/10/2019
Date de l'import : 26/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NC01647
Numéro NOR : CETATEXT000039274700 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-17;18nc01647 ?
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