Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel le préfet du Doubs a décidé son transfert auprès des autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Doubs a décidé de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous astreinte.
Par un jugement n° 1900601 du 11 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01881 le 14 juin 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 20 mars 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé, d'une part, son transfert auprès des autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
M. A... soutient que :
- l'arrêté de transfert méconnaît le 2. de l'article 3 et le 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentales ;
- l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à un Etat d'accorder souverainement l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève pourtant de la compétence d'un autre Etat ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal, en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2019, le préfet du Doubs conclut à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer sur la requête, dès lors que M. A... a été réadmis en Suède le 22 mai 2019.
Par ordonnance du 8 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juillet 2019.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant afghan, né le 17 novembre 1999, est entré en France le 21 janvier 2019. Il a déposé une demande d'asile le 4 février 2019. La consultation du fichier Eurodac a montré qu'il avait déposé une demande d'asile en Suède le 25 novembre 2015. Le préfet du Doubs a alors, en application des articles 18 et 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, saisi les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Celles-ci ayant accepté cette reprise en charge le 21 février 2019, le préfet du Doubs a décidé, par des arrêtés du 20 mars 2019, d'une part, de remettre M. A... aux autorités suédoises et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par le jugement attaqué du 11 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur l'exception de non-lieu à statuer soulevée par le préfet du Doubs :
2. Contrairement à ce que soutient le préfet du Doubs, l'exécution, le 22 mai 2019, de l'arrêté portant transfert de M. A... auprès des autorités suédoises n'a pas eu pour effet de priver d'objet les conclusions de la requête tendant à son annulation ni celles tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence. Par suite, il y a encore lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur l'arrêté portant transfert auprès des autorités suédoises :
3. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. " Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement(...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". Aux termes de l'article L. 742-7 du même code : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ".
5. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Conformément au règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notamment son article 17, et à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités françaises ont la faculté d'examiner une demande d'asile, même si cet examen relève normalement de la compétence d'un autre Etat. Il appartient en particulier à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette faculté, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés.
6. Si M. A... soutient qu'il n'est pas établi que la Suède apportera une réponse positive à sa demande d'asile, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile en Suède est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cet Etat est membre de l'Union Européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités suédoises répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
7. Si M. A... affirme que la protection subsidiaire lui a été refusée par les autorités suédoises, alors que les autorités françaises l'accordent en principe aux ressortissants afghans, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait des motifs sérieux d'estimer que le réexamen de sa demande d'asile ne pourrait pas être effectué en Suède, au regard de sa situation personnelle, de façon conforme à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si le requérant soutient qu'il risque d'être reconduit en Afghanistan en cas de réexamen de sa demande d'asile par les autorités suédoises, et qu'il craint pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans ce pays, il ne résulte pas des pièces du dossier que la situation de l'intéressé ne ferait pas l'objet d'un nouvel examen par les autorités suédoises et que ces autorités reconduiraient nécessairement M. A... en Afghanistan, à l'issue de ce nouvel examen. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de transfert contesté méconnaît les dispositions des articles 3 et 17 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentales. Il n'établit pas davantage qu'en ne faisant pas usage de la faculté de faire instruire en France la demande d''asile, sur le fondement l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté décidant son transfert auprès des autorités suédoises.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par M. A... de ce que l'arrêté portant assignation à résidence devrait être annulé, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert auprès des autorités allemandes, ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 20 mars 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées, par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC01881